Le film "J'aimerais qu'il en reste quelque chose" sort mercredi 13 novembre 2019. Ludovic Cantais a tourné la fin de ce documentaire avec des élèves du collège Paul Bert de Fécamp (Seine-Maritime).
L'histoire du film démarre en mai 2012. A l'époque, Ludovic Cantais travaille pour le Mémorial de la Shoah en tant que documentaliste, sur une exposition, "Les enfants dans la Shoah". Son travail consiste à négocier les droits d’auteurs et de représentation de plus de 300 archives et documents sélectionnés au préalable par la commissaire d’exposition Sophie Nagiscarde (Photographies, lettres, objets, dessins etc).
C’est durant cette mission que je découvre l’existence de la permanence photographique du Mémorial de la Shoah dirigée par Lior Smadja. Tous les mardis de 14 heures à 17 heures 30, des bénévoles accueillent des familles juives qui souhaitent faire don de leurs archives personnelles. Elles font cette démarche soit parce qu’elles n’ont pas d’héritier, soit parce qu’elles ne font pas confiance à leurs héritiers (c’est plus rare, mais ça existe malheureusement), soit parce qu’elles souhaitent déposer un double au Mémorial, et garder l’original, ou vice versa. Ces personnes souhaitent “ qu’il reste quelque chose ”, comme il est dit à plusieurs reprises dans le film. Lorsque j’ai assisté pour la première fois à ces échanges, ces dons, et ces discussions, j’ai eu comme un déclic, un coup de foudre, “ un truc ” qui m’a donné l’énergie et l’enthousiasme de vouloir faire ce film à tout prix. Coûte que coûte. Une nécessité. Filmer ces moments fragiles et fugaces, quand l’intime entre dans l’institutionnel et le collectif. Cependant, une question demeurait : comment filmer la Shoah aujourd’hui dans les années 2010 en essayant de trouver un nouveau point de vue ? Je tenais mon sujet."
Ludovic Cantais
Ce film aura donc pour thème la transmission de la mémoire et la façon dont ça se passe. Ludovic Cantais va filmer ceux qui donnent, mais aussi ceux qui reçoivent. Ceux qui parlent et ceux qui écoutent. Filmer ce qui ne l’avait jamais été a priori, à savoir le collectage d’archives, leur indexation. Le documentaire est aussi un portrait en creux des bénévoles, des petites mains qui œuvrent à la sauvegarde de cette mémoire de la Shoah.
Un film tout en sobriété
Il n'y a pas de mouvement de caméra, ni de plans pour cacher les coupes dans les interviews. Le réalisateur a laissé place à la sobriété.
J’ai une relative aversion pour les voix off et la façon dont elles sont utilisées. Bien souvent, la voix off des documentaires télé est redondante, lourde, poussive, et elle me procure la désagréable impression d’être pris pour un idiot, je n’ai pas besoin qu’on m’explique ce que je vois. La voix off, dans mon film, n’aurait eu aucun sens, car le plus important était ce que les témoins allaient dire. Et puis je préfère faire confiance à mes plans. Pour ce qui est des interviews, j’ai opté pour la frontalité et la fixité de façon à ne pas troubler les témoins et les bénévoles, il fallait qu’à un moment, ils oublient le dispositif filmique et la caméra, qu’on se fasse discret. La frontalité me permettait d’avoir les deux personnes dans le même cadre et aussi une certaine “ immédiateté ”. Ensuite, le choix du plan séquence s’est imposé pour ne pas troubler les témoins, casser leurs propos. Cependant, ce dispositif demeure uniquement pour les témoignages, ensuite j’ai opté pour une mise en scène “ à l’épaule ”, beaucoup plus aléatoire. J’ai donc changé de style en cours de film, pas seulement par pragmatisme, mais aussi parce que “ trop de forme tue la forme ” et de toute façon le réel, la vie seront toujours plus forts que vous et vos intentions. Je ne crois pas aux intentions, mais plus à l’attention et l’intuition. Le réel vous obligera toujours à vous adapter. Un rappel à l’ordre, à l’ordre des choses. Enfin et surtout, je n’aime pas trop savoir à l’avance, j’adore quand ça ne se passe pas comme prévu, j’aime l’inconfort du doute, j’aime les accidents, bons ou mauvais, laisser une place au hasard, à la chance, au ratage, à la sérendipité. Si je sais d’avance comment ça va se passer, ça ne m’intéresse plus, quel est l’intérêt de filmer ? Réaliser un film ne doit pas être une entreprise de vérifications, mais une expérience, une aventure et tant pis si on rate un peu, on fera mieux la prochaine fois."
Ludovic Cantais, réalisateur de "J'aimerais qu'il en reste quelque chose".
Une nouvelle fin tournée à Fécamp
A la fin du montage du film, Ludovic Cantais n'était pas satisfait. "La fin ne marchait pas. Je voulais une fin ouverte" explique le documentariste. Il contacte un ami d'enfance, professeur d'arts plastiques au collège Paul Bert de Fécamp (Seine-Maritime). Ce dernier travaille avec une enseignante d'histoire sur le thème de la Shoah et du devoir de mémoire avec une classe de troisième. La trentaine de collégiens est invitée à visiter le Mémorial de la Shoah à Paris. Et c'est à cette occasion que la fin du documentaire a été tournée.
A découvrir dès le 13 novembre 2019 au cinéma le Grand Large de Fécamp à 18h45 et 20h45. Pour les autres séances, cliquez ici.