Alors que la fin de la grève vient d'être votée à l'usine TotalEnergies de Donges (Loire-Atlantique), les salariés de la raffinerie TotalEnergies de Gonfreville l'Orcher (Seine-Maritime) ont acté ce mercredi 19 octobre la poursuite de la grève. Au bout de 23 jours de mobilisation, comment tiennent financièrement les grévistes ? Notamment car certains d'entre eux continuent d'être payés.
Maintenant que la grève a été entamée il y a presque un mois, les salariés de Total s'inquiètent de leur pertes de salaire, mais restent déterminés à remporter ce bras de fer avec leur direction.
Même si ces 23 jours de grève vont leur faire perdre une part de leur rémunération, dans le numéro d'Envoyé Spécial diffusé le 13 octobre 2022, un salarié de Total explique qu'il continue d'être payé, car il doit veiller à la sécurisation du site.
"Si on n'est pas là, c'est considéré comme un abandon de poste"
Sur le site de TotalEnergies à Gonfreville l'Orcher, les salariés grévistes confirment ce mercredi 19 octobre cette information. "Les salariés sont obligés d'assurer la sécurité du site à cause des lignes inflammables présentes dans la raffinerie", explique un gréviste. Un autre ajoute : "Il faut être là parce qu'il y a des produits susceptibles de s'enflammer juste au contact de l'air libre."
Selon eux, Total les "obligerait" à rester pour la sécurité au risque que cela soit considéré comme un abandon de poste. "Si on n'est pas là [pour surveiller le site], c'est considéré comme une faute grave, un abandon de poste." Une activité contrainte selon les grévistes. "On n'y est pas parce qu'on veut y être, c'est parce qu'on nous oblige à y être."
Un mode de fonctionnement informel
Sabine Bernard, avocate du Droit du Travail, explique qu'il s'agit d'un "mode de fonctionnement informel." Elle explique qu' "on ne peut pas imposer aux grévistes de travailler car cela atteindrait le droit de grève. Pour autant, les travailleurs ont conscience du danger des produits présents dans l'usine. Ainsi, les grévistes vont travailler sans réaliser l'intégralité des tâches."
"Cette permanence de sécurité est mise en place par une auto-organisation de Total. Elle est rendue possible grâce à une négociation entre les salariés et la direction, sans recourir aux réquisitions."
Me Sabine Bernard, avocate du Droit du Travail
Contactée, la direction de TotalEnergies ne s'est pas encore exprimée sur ce sujet.
"Evidemment, je perds de l'argent en faisant grève, mais je pense que Total en perd davantage."
Car, si veiller à la sécurisation de la raffinerie permet aux grévistes d'être payés à temps plein, cela les prive en revanche de certaines primes. Selon Envoyé Spécial, plus de 3/4 des salariés continueraient ainsi à travailler pour la sécurisation du site. La grève pourrait donc continuer encore longtemps. "Quand on est en grève, on est payés mais le travail n'est pas le même. Des parts sont enlevées de notre salaire. Evidemment, je perds de l'argent en faisant grève, mais je pense que Total en perd davantage."
Des fonds de solidarité mis en place
Les salariés peuvent également faire grève pendant seulement quelques heures dans une journée. C'est le cas d'un gréviste rencontré à la raffinerie de Gonfreville l'Orcher qui vient de reconduire la grève. "Je pose 3/4h de grève par jour. Au total, avec toutes mes heures additionnées, je dois être à une dizaine de jours de grève, malgré la pression de notre hiérarchie qui nous demande de reprendre le travail."
Des fonds de solidarité ont aussi été mis en place pour soutenir financièrement les grévistes. Exemple avec ces étudiants de l'université Panthéon-Sorbonne : "on a récolté de quoi participer à votre caisse de grève pour vous soutenir dans votre bras de fer."
La CGT organise une collecte
Même chose du côté de la CGT qui organise un fonds de solidarité à destination des grévistes de Total. Elle indique que "nombreux sont celles et ceux qui expriment leurs soutiens et leurs encouragements aux salariés en lutte et qui souhaitent participer, avec leurs moyens, à la solidarité financière mise en place par la CGT."
La grève se poursuit dans un contexte tendu avec le directeur général Total, qui s'est défendu le 18 octobre sur Twitter de l'évolution de son salaire depuis 2017, après que de nombreux salariés l'ont attaqué sur le montant de sa rémunération.
A la raffinerie TotalEnergies de Gonfreville l'Orcher, les salariés se sentent "méprisés" par cette réaction de leur directeur. Ils expliquent que "en plus de son énorme salaire, il touche de grosses actions." Un gréviste affirme que le montant des actions perçues par Patrick Pouyanné s'élèverait à "3,6 millions par an (72 000 actions à 50€)."