Les skippers du Vendée Globe fêtent Noël, en tête-à-tête avec leurs bateaux, face aux éléments de l'hémisphère sud. Entre le Cap Horn de Charlie Dalin, les pochettes "surprises" de Louis Duc et le cap Leeuwin de Manuel Cousin, les trois marins normands réussissent à maintenir le cap.
La joie de Charlie Dalin devant le Cap Horn
Quel beau symbole : franchir l'Horn à quelques heures de Noël. La photo, sous un ciel bleu gris dégagé, avec une telle visibilité, semble parfaite, unique et historique. Charlie Dalin n'avait en effet jamais vu le Cap Horn, comme cela. Lors de sa première participation, il y a quatre ans, le Havrais l'avait franchi de nuit. Un peu frustrant.
Depuis quelques jours, il rêvait donc à voix haute de passer ce cap mythique, en pleine lumière, avec cerise sur le gâteau, un nouveau record à clé.
... avec trois jours d'avance
Trop pressés d'ouvrir les cadeaux, Yoann Richomme, en tête, et Charlie Dalin se sont, en effet, offert une nouvelle performance historique, "Horn du commun" , dixit la direction de course, en le passant, avant Noël, peu avant minuit, soit trois jours, treize heures, neuf minutes et vingt-six secondes de moins qu’Armel Le Cléach.
Bye, bye le Pacifique, Charlie Dalin va retrouver son "très cher" océan Atlantique pour remonter à la maison, sur un rythme haletant de sprint final entre lui et Yoann Richomme. Moins de dix milles nautiques les séparent. D'ailleurs, le Varois est prévenu, "l'Atlantique ne sera pas pacifique", écrit Charlie Dalin, bien décidé à soulever le trophée.
J’ai été sûrement le plus chanceux de toute la flotte car je n’ai pas eu une seule tempête même si j’ai senti le souffle d’une très, très grosse dans mon cou dans l’Indien.
Charlie Dalin, Skipper Macif Santé Prévoyance
Selon les dernières estimations, à prendre avec précaution, Richomme et Dalin, pourraient être de retour en Vendée dans les vingt et un ou vingt-deux prochains jours et pulvériser le record établi en 2017 par Le Cléac’h (74 jours, 3 heures et 35 minutes).
Louis Duc espère "des conditions météo plus favorables"
Les ténors de la course ne surprennent pas tant que ça, le reste de la flotte, comme le confie le skipper de la Manche, Louis Duc, "Le dernier record remonte à sept ans, entre-temps, les bateaux ont une progression de folie. On pouvait donc s'y attendre, mais de les voir se battre au coude à coude, c'est magnifique sportivement."
"On pensait qu'il y aurait plus d'avaries chez les "foilers*", finalement, ils ont tout cassé pendant quatre ans, et maintenant, ils se retrouvent avec des bateaux très fiables, c'est une bonne nouvelle pour la classe Imoca." analyse Louis Duc, qui navigue sur Fives Group – Lantana Environnement, un bateau sans foils, de l'ancienne génération, remis à l'eau à la sueur de son front.
* foilers, bateaux munis de foils, les ailes dernières générations.
Les marins du Vendée Globe ne jouent pas tous dans la même catégorie. Tout dépend de l'argent, comme dans le foot. Dans le classement officieux des bateaux à dérives, Louis Duc s'en sort bien, très bien, derrière le seigneur Le Cam. Après une première partie de course, compliquée avec des avaries de spi et de safran, le skipper, originaire de Carteret, arrive dans le Pacifique, au sud de la Nouvelle Zélande.
Lui qui dit toujours "On" à la place de "Je" prend toujours autant de plaisir.
On réalise un truc de dingue. De se retrouver ici, à l'autre bout du monde, par nos propres moyens, c'est quand même incroyable cette aventure.
Louis Duc, skipper de Fives Group – Lantana Environnement
"Mon humeur dépend des conditions météo. Parfois je me sens handicapé à cause d'une voile qui a cassé et je suis au fond du trou. Et quand ça revient, que le bateau avance à fond la caisse, je suis le plus heureux. J'ai fait des choix météo pas trop mal ces derniers temps, et je suis content car je continue la bagarre dans le groupe de tête des bateaux à dérives. Mais c'est loin d'être fini car les conditions devant nous, ne sont pas simples", poursuit Louis Duc.
Fidèle à lui-même, à fond tous les jours, Noël va se fêter comme il se doit, les yeux rivés sur le cap, avec une pensée, bien entendu, pour sa famille, et en particulier ses neveux et nièces.
" Dans le bateau, on m'a préparé quelques surprises, j'ai des sacs, avec des mentions "à ne pas ouvrir avant Noël", je vais faire une visio avec ma famille. Je suis heureux où je suis et je vais souhaiter un Joyeux Noël à tous "
Une idée de cadeau, à glisser à la mer ?
"Des conditions météo plus favorables. Les skippers, en tête, ont bénéficié d'un temps clair. C'est plus compliqué pour nous. Non seulement, on va moins vite à la base, et on déguste plus, c'est un peu la double peine. On va prendre ce qui a, sourit-il, mais si on pouvait avoir du vent pour avancer. On a déjà réparé pas mal de trucs, ça serait bien que ça s'arrête. Alors si on peut finir, avec un bateau en bon état, et un marin content ... ".
Manuel Cousin s'offre le Cap Leeuwin
Le Rouennais, Manuel Cousin, à bord de "Coup de pouce", s'est déjà mis en mode "Noël", et apprécie à l'autre bout du globe, les délicates attentions, déposées par ses proches.
La magie règne même à l'autre bout du globe grâce à plein de petits accessoires glissés dans le bateau : merci l'équipe, ça me fait chaud au cœur ! Je vous souhaite à tous de très belles fêtes
Manuel Cousin, skipper de "Coup de Pouce"
"Forcément, mes proches me manquent beaucoup mais quelle chance d'être en mer.", insiste le skipper qui a une belle frayeur, le 16 décembre, en affrontant une cellule orageuse, "le pire moment depuis le départ".
Il se trouve toujours dans l'océan indien, et passe le deuxième cap légendaire de cette course, le cap Leeuwin, au sud de l'Australie.
Une telle aventure se gagne surtout avec un moral d'acier. Les trente-six skippers, toujours en course, vont donc savourer les petits cadeaux de la famille et les chaleureuses pensées, envoyées sur les réseaux sociaux. Même à l'autre bout du globe, les petits mots vont droit au cœur.