"On a laissé un enfant de 12 ans dormir sous un abribus" : au Havre, des membres de RESF perturbe le conseil municipal

Une soixantaine d'enfants dorment dans la rue au Havre avec leurs familles. Une situation insupportable pour les membres du Réseau Éducation Sans Frontières. Une centaine d'entre eux a interrompu le conseil municipal du Havre lundi soir.

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" Les enseignants ont des enfants qui ont dormi dehors, qui ont dormi dans une cave, dans une voiture, et qui ne savent pas où ils dormiront le soir même. C'est absolument intolérable. Et nous sommes ici parce que nous ne le tolérons pas". Une centaine de personnes, citoyens et membres du Réseau Education Sans Frontières, ont perturbé le conseil municipal du Havre ce lundi 11 décembre en début de soirée, pour prendre la parole.

Une soixantaine d'enfants à la rue

Les militants souhaitent alerter les élus sur la situation d'une trentaine de familles sans papiers et sans solution d'hébergement pérenne qui vivent à la rue avec leurs enfants dans l'agglomération havraise. Une soixantaine d'enfants, certains très jeunes, d'autres scolarisés, sont ainsi bringuebalés quotidiennement d'un lieu à un autre, parfois depuis de longs mois. " Nous cherchons des solutions pour ces familles depuis plusieurs mois. Nous avons fait plusieurs démarches. Aucune n'a abouti. Nous avons rencontré les services de la mairie, aucune réponse. Le Havre a su accueillir dans l'urgence la population syrienne, la population ukrainienne. Par conséquent, des logements, il y en a. Qu’attendez-vous ?" s'indigne cette jeune professeure militante, en s'adressant au maire de la ville, Edouard Philippe, et à ses conseillers.

" On a laissé un enfant de 12 ans dormir sous un abribus, dans une température de moins 1 degré. Anton, originaire de Géorgie, appelle RESF le premier week-end de décembre, quand il faisait si froid au Havre. Je n'ai pas de logement, dit-il, comment faire, il fait si froid ? Quand RESF lui parle du gymnase ouvert quand il fait froid, il répond : ma sœur et ma mère ont dormi dans le gymnase, mais pour moi, il n'y avait plus de place" rapporte cette autre membre de RESF.

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Des membres de RESF perturbent le conseil municipal du Havre pour alerter sur la situation de 60 enfants à la rue avec leurs familles ©France3 Baie de Seine

"Un toit, c'est un droit"

Thomas Audigier est professeur des écoles dans le quartier des Neiges au Havre et membre de RESF. Pour lui, la mairie a un devoir moral envers ces familles à la rue. " La mairie, elle est concernée parce qu'elle a des logements sociaux, elle a aussi des logements qui étaient réservés à des Ukrainiens et qui ne sont pas occupés et qui sont donc disponibles. Elle refuse de les mettre à disposition de ces familles dont les enfants sont à la rue ".
Selon ces citoyens, la municipalité a le devoir et la compétence d'interpeller l'état, tant qu'il y aura des enfants qui n'auront pas d'hébergements fixes. " Un hébergement nocturne n'est pas un hébergement digne, l'enfant se trouve toujours en insécurité, car il ne sait jamais où il va dormir. Ouvrir un gymnase par temps de grand froid est une mesure de mise à l'abri, ce n'est pas une solution d'hébergement pérenne ", s'exaspère un autre membre du réseau." Nous vous demandons, Monsieur le maire, de résoudre cette situation, de ne plus permettre que ces enfants dorment dehors dans notre ville". Une allocution suivie par des applaudissements nourris de la salle, jusqu'à ce que tous se mettent à scander, "Un toit, c'est un droit", devant des élus impassibles.

Mariama, Gloria, Victoria et les autres

Certaines mères de famille, sans papiers et sans toit, ont tenu à témoigner, et à être là pour cette action à l'hôtel de ville. Elles viennent de Géorgie, d'Angola ou de République démocratique du Congo. Ces familles sont souvent déboutées du droit d'asile, elles se retrouvent alors expulsées des centres d'accueil.

Gloria est congolaise, et vit à la rue depuis plusieurs semaines avec ses quatre enfants. " Si je n'ai pas de place d'hébergement, les enfants restent à la gare. Je n'ai pas de maison, et dehors, il fait trop froid. Je suis dans la rue depuis trois mois avec les enfants, je ne sais pas où aller. Chaque soir, les enfants pleurent, et moi, je pleure aussi". La nuit est tombée sur le Havre et Gloria retrouve ses enfants qui l'attendent à la gare après leur sortie de l'école, emmitouflés dans des vêtements chauds. Avec douceur, cette maman remonte la fermeture du manteau de sa petite fille, qui porte son sac à dos d'écolière sur son dos. Le petit groupe disparaît dans le soir, telles des présences fantomatiques dans la ville.

Nous rencontrons aussi Mariama, mariée et mère de quatre enfants. La famille a quitté l'Angola, pour arriver en France en décembre 2021. " Ma situation est vraiment pénible, je n'ai pas de toit, pas d'hébergement, je suis à l'extérieur avec mon mari et mes enfants" confie cette maman déprimée par sa situation.

Mes enfants sont vraiment traumatisés parce que nous n'avons plus de vie, on a perdu notre vie. Ils vont à l'école, parfois affamés. Des fois, vous appelez le 115 il n'y a pas de place, et vous restez là, à la belle étoile. Parfois nous dormons à l'Armée du salut, parfois à l'église. Et parfois un passant, animé d'un bon cœur, peut vous prendre une nuit quand il voit que vous êtes avec des enfants. Voilà notre vie.

Mariama, mère de quatre enfants, sans hébergement

" Le matin, on ne sait pas où aller. On se balade toujours avec nos valises parce qu'on ne sait pas où on va dormir. Les enfants doivent aller à l'école, ils ne se lavent pas. Il faut réparer le moral des enfants. Je peux manquer de nourriture, mais l'essentiel, c'est d'avoir un endroit où dormir. C'est prioritaire dans la vie. Rester à l'extérieur avec des enfants, c'est la mort".
Avoir un toit au-dessus de sa tête est un droit fondamental, tout comme celui d'avoir accès à l'éducation. Deux évidences que sont venues rappeler les membres du Reseau Educatif Sans Frontières havrais aux élus, qui ont les moyens de changer les choses.

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