Les salariés de quatre franchises Leader Price situées près du Havre n'ont pas reçu leur salaire depuis le mois d'août 2024. Ces moyennes surfaces ne sont par ailleurs plus approvisionnées depuis six mois. Une situation qui plonge les employés dans l'incertitude et la précarité.
Triste vision que celle des rayons du supermarché Leader Price de Lillebonne (Seine-Maritime). Plus aucun produit sur les étals, une palette qui trône encore au milieu d'un magasin vidé de ses denrées... Il faut dire que ce dernier n'a pas été approvisionné depuis plusieurs mois.
Au total, quatre franchises Leader Price de la pointe de Caux sont concernées par la situation : celles de Lillebonne, Gonfreville-l'Orcher, Harcanville et Goderville. Toutes appartiennent depuis le mois d'avril au même propriétaire. Celui-ci n'a pas réglé la situation. Et ne paye plus ses salariés.
"Moralement, ça mine beaucoup"
Début août, ces derniers reçoivent un bulletin de paie mais pas de virement. Une situation extrêmement pesante, autant financièrement que psychologiquement. "Je vis mal la situation, admet Chantal Lemesle, salariée du magasin de Lillebonne. On a craqué. On essaie de tenir mais moralement, ça mine beaucoup..."
"En face, on a un interlocuteur, un nouveau patron, qui ne répond pas à nos questions, ajoute la salariée. Pour le mois de septembre, il nous a dit qu'il n'allait pas nous payer non plus. On n'a pas de travail car pas de marchandises, donc il dit qu'il n'y a pas lieu de nous payer. C'est du baratin depuis un mois !"
On a un nouvel employeur qui vient de temps en temps en nous disant qu'il va trouver un fournisseur. Le lendemain, il nous dit qu'il n'en a pas. Il ne sait pas quoi faire de nous en fait... On est dans le flou.
Chantal Lemesle, salariée du Leader Price de Lillebonneà France 3 Baie de Seine
Pour ne pas rester dans l'impasse, les employés ont fait appel à la CFDT il y a deux semaines. Le syndicat a déposé une saisine en référé auprès du tribunal des prud'hommes du Havre.
"Depuis que l'on n'a plus de salaire, on essaie de se regrouper et d'être solidaires entre salariés. On a contacté la médecine du travail, ils sont venus avec un psychologue, explique Chantal Lemesle. Le dossier prud'hommes devrait être jugé au mois d'octobre... Depuis 15 jours, on a enfin des interlocuteurs pour nous aider et nous orienter."
Un groupe qui "ne fait pas grand cas du personnel"
Les salariés ont également reçu le soutien de la mairie de Lillebonne. La maire (divers gauche) de la commune, Christine Déchamps, est venue les rencontrer, pour tenter de débloquer la situation : "Une lettre a été envoyée au procureur de la République, les maires travaillent conjointement. On a aussi sollicité les services de l'agglomération à la fois pour chercher un maximum de renseignements et proposer d'accompagner les salariés, vers une reconversion par exemple."
C'est une épreuve très difficile. Vous vous rendez compte, ne pas être payé depuis le mois d'août mais être tous les jours sur son lieu de travail pour ne pas risquer un abandon de poste ! On doit être là aussi pour écouter les salariés.
Christine Déchamps, maire (DVG) de Lillebonneà France 3 Baie de Seine
"On ne connaît pas le propriétaire, c'est plutôt très opaque, estime l'édile. Avec de grands groupes comme ça, des histoires de rachat, de revente, on ne fait pas grand cas du personnel. Depuis le rachat par le franchisé actuel, il n'y a pas eu de nouvelles livraisons. Les stocks se sont vidés petit à petit."
"Quand on veut faire descendre un chiffre d’affaires, on ne remplit plus le magasin, poursuit-elle. Le chiffre d'affaires dégringole, et c'est un bon moyen de se déclarer en faillite et en cessation d'activité. Mais il y a de l'humain au cœur de tout ça. Cinq salariés sont en attente d'un éventuel devenir."
Une procédure de dépôt de bilan bientôt entamée
Joint par téléphone, le gérant admet vouloir lancer une procédure de dépôt de bilan pour les quatre enseignes. Si cette dernière a lieu, elle pourrait contribuer à sortir les salariés de cette situation délétère.
Voyez ce reportage d'Hervé Guiraudou et Judikaëlle Rousseau :
À l’heure actuelle, ils sont en effet bloqués : ils ne peuvent ni s'inscrire à France Travail, ni bénéficier de la garantie des salaires.
Avec Hervé Guiraudou