Après la plainte de parents d’élèves, l’éducation nationale a réalisé une enquête administrative sur le fonctionnement de l’école maternelle des Trois-Pierres, près du Havre. Les conclusions, rendues au mois de juin, ont été présentées à la maire de la commune. Le parquet va également être saisi.
En mai dernier, Olivier Wambecke, directeur académique des services de l'Education nationale de Seine-Maritime (DASEN) avait ouvert une enquête administrative sur le fonctionnement de l'école. Deux inspecteurs de l'Education Nationale étaient chargés de recueillir les témoignages des parents, des professeurs et du personnel en lien avec l'école. Lors d’un premier entretien, M. Wambecke nous avait précisé que "si un dysfonctionnement est mis à jour, la mairie va en être informée voire la justice en cas de maltraitance avérée".
Les conclusions ont donc été remises à la mi-juin et elles montrent effectivement des dysfonctionnements dans cette école. Le DASEN a rencontré la maire du village Monique Bertrand lundi 21 juin 2021. C’est la mairie qui emploie l’ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles), mise en cause par certains parents d’élèves.
La maire, élue en 2020, a pris connaissance des conclusions de l’enquête administrative. "Nous travaillons en bonne intelligence" nous a précisé le DASEN. L’ATSEM va suivre une formation pour lui repréciser son cadre de travail. La mairie a décidé d’accompagner sa salariée. Elle prendra bien évidemment les mesures nécessaires en fonction des conclusions du Parquet. L’inspection académique nous a également précisé que le fonctionnement de cet école va être surveillé de près.
12 enseignants entendus dans l’enquête
Au cours de cette procédure en interne menée par l’académie, douze enseignants de l’école y compris d’anciens enseignants, ont pu être entendus. Ce sont ces témoignages qui ont pu mettre en lumière des mauvais traitements infligés à certains élèves. Une ancienne institutrice nous avait d’ailleurs fait part d’une scène dont elle avait été témoin il y a quelques années : "Dans la classe elle avait "ses têtes" des enfants qu'elle ne supportait pas et d'autres au contraire qu'elle adorait. Au début je la trouvais plutôt sèche avec certains enfants mais rien de spécial à signaler. Puis un jour, elle avait la responsabilité d'un atelier et s'est mise à donner une fessée à une petite fille qui ne réussissait pas l'exercice. Sur le coup j'étais choquée mais je n'ai rien dit car cette personne me terrorisait, on sentait que tout le monde était de son côté et était au courant de son comportement mais ne faisait rien (…) je pleurais sur le chemin du retour et je n'ai pas dormi de la nuit. Concernant la cantine je n'étais pas présente sur le lieu mais elle terrorisait certains enfants. Un jour une maman a récupéré son enfant à la sortie puis est revenue me voir car elle s'est aperçue que son enfant avait de la saucisse dans la bouche. Il a passé toute l'après-midi avec des morceaux de saucisse dans la bouche sans même que je m'en aperçoive (il parlait normalement...)
Et ne me l'avait pas dit.
Il a confié que l’ATSEM l’avait forcé à manger et qu'il avait interdiction de cracher. Par conséquent, il a gardé celle-ci dans sa bouche.
On a cette impression qu'elle est protégée et que l'on ne peut rien faire surtout quand on est un peu seul contre tous. Aujourd'hui tout se passe bien pour moi mais j'aurais toujours le regret de n'avoir rien fait...Il faut savoir également que la personne qui a eu le poste après moi a été plusieurs mois en arrêt pour dépression."
Effectivement, les parents d’élèves nous ont confirmé le turn over des enseignants dans l’école des Trois-Pierres. L’ATSEM mise en cause est en poste depuis près de 30 ans dans la commune.
Avec cette enquête, Olivier Wambecke a souhaité mieux connaître les répartitions du travail et le rôle de chacun entre les ATSEM et les professeurs des écoles. "Le compte rendu de l'enquête n'est pas public. Mais ce que je peux dire, c'est qu'il y a, parmi les témoignages recueillis, des éléments préoccupants et sérieux que j'ai souhaité porter à la connaissance du maire et du procureur de la République", déclare Olivier Wambecke. Surtout, "
Il n'y a pas toujours dans cette école un cadre de travail serein et bienveillant vis-à-vis des enfants.
Le procureur de la République du Havre nous a précisé qu’à ce jour il n’avait pas reçu le courrier de l’Education nationale. « Si de nouveaux éléments sont portés à notre connaissance et qu'ils peuvent faire l'objet de poursuites pénales, nous demanderons un complément d’enquête » Bruno Dieudonné, procureur de la République.
La mairie inquiète pour sa commune
En mai dernier, la maire était inquiète pour l’image de sa commune et parlait d’acharnement médiatique "A ce jour, nous regrettons que l'on salisse notre petit village et notre école. Cette attitude compromet les inscriptions pour la rentrée de 2021. Le conseil Municipal et moi-même sommes neutres et troublés par cette affaire et avons répondu immédiatement à la demande suspension à titre conservatoire de l'Académie. Nous nous reposons sur l'enquête menée par la Gendarmerie de ST ROMAIN DE COLBOSC et respectons la compétence des instances judiciaires. Suite à la décision du Procureur, nous avons réintégré l'ATSEM dans ses fonctions sur le temps scolaire. Cette personne très affectée moralement et physiquement par cette procédure, ne comprend pas cette campagne persistante et de dénigrement ".
L'ATSEM a porté plainte
De son côté, l'ATSEM a porté plainte contre les trois familles plaignantes et la directrice de l’école. Cette dernière était en absence maladie depuis plusieurs semaines. Sa demande de mutation a été acceptée. Elle ne sera plus à l’école des Trois-Pierres à la rentrée, elle y a été pendant 28 ans. A plusieurs reprises, elle avait signalé des comportements de l’ATSEM à l’inspection academique.
