Seine-Maritime : plusieurs plaintes de parents et d’anciens élèves à l’encontre d’une ATSEM

Plusieurs parents d’élèves ont constitué un dossier rassemblant des plaintes et des témoignages à l’encontre d’une ATSEM d’une école maternelle située près de Saint Romain de Colbosc, en Seine-Maritime.

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C’est une information révélée par nos confrères de France Bleu Normandie, l'ATSEM* (Agent Terrritorial Spécialisée des Ecoles Maternelles) visée par ces plaintes et ces témoignages travaille depuis plus de 30 ans dans l’école maternelle de la petite commune des Trois Pierres située à côté de Saint-Romain-de-Colbosc en Seine-Maritime.

*Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) sont chargés de l'assistance au personnel enseignant pour la réception, l'animation et l'hygiène des très jeunes enfants ainsi que de la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants. Les agents spécialisés des écoles maternelles participent à la communauté éducative. Source : atsem.fr.

Plusieurs parents d’élèves, dont certains ont retiré leurs enfants de cette école, se plaignent d’un comportement inapproprié et de violences psychologiques voire physiques envers certains élèves de maternelle de la part de cette personne.

« Chaque année, il lui faut une tête de turc »

C’est en ces termes qu’une maman nous explique le comportement de cette femme. Son enfant rentre en maternelle à la rentrée 2018. Au fil des mois, elle constate des changements significatifs dans le comportement de sa fille :

Elle était devenue ingérable, elle avait de gros problèmes pour dormir et faisait beaucoup de cauchemars.

Une maman d’élève en maternelle

Après plusieurs échanges avec les maîtresses (qui ne sont plus en poste dans cette école), elle comprend que la personne qui pourrait avoir modifié le comportement de sa petite fille est certainement l’ATSEM qui gère les enfants à la cantine et également en classe (petite et moyenne section).

Nous avons pu consulter d'autres témoignages de parents d’élèves qui pour certains ont porté plainte auprès de la gendarmerie. Plusieurs évoquent le fait que les enfants sont forcés à manger à la cantine :

Votre fils est un vrai chien, je vais lui donner à manger dans une écuelle plutôt que dans une assiette. Il en met partout !

Une maman d'élève de maternelle

D’autres parents parlent de la punition au moment de la sieste où certains sont envoyés seuls dans une petite salle où se trouve la photocopieuse. Une ancienne professeur des écoles nous a également confirmé avoir été témoin d’un geste de violence envers une élève pendant un atelier. Selon une maman, chaque année elle prenait en grippe un élève et lui faisait subir des violences psychologiques. Elle voulait isoler les enfants qu’elle n’aimait pas des autres élèves.

Les ATSEM ne sont pas employées par l’éducation nationale mais par la mairie. Ces parents d’élèves décident alors d’en informer la maire. Une confrontation a alors lieu avec des parents concernés, l'ATSEM nie les faits et demande une seconde chance. L’inspection académique est également saisie par les parents.

Des témoignages à postériori

Notre consoeur de France Bleu a pu recueillir des témoignages d’anciens élèves de cette école. Adultes aujourd’hui, ils restent marqués par ce qu’ils ont pu voir ou subir notamment à la cantine scolaire. C’est le cas de Gwénolé, âgé de 24 ans. Il a porté plainte à la gendarmerie de Saint-Romain-de-Colbosc. Même si les faits dont il parle sont prescrits, il espère que sa plainte va libérer la parole d’autres élèves victimes de ces brimades :

Des claques derrière la tête, c'était un grand classique avec elle.

Un ancien élève

"Ce n’est pas quelque chose qui laisse des séquelles physiques mais à répétition, pas tous les jours mais sur plusieurs années. A la cantine, elle forçait facilement les élèves à finir leurs assiettes. J’avais un élève qui était avec moi à l’école, elle l’a forcé à manger, il a ensuite vomi, elle l’a disputé parce qu’il avait vomi… elle lui a refusé à boire. Si un élève est un peu isolé ça sera toujours de sa faute, elle va l’insulter, lui dire qu’il est nul, qu’il est bête. Personnellement je n’ai aucun souvenir de bienveillance de la part de cette personne."

"Je lui confierais mon enfant les yeux fermés"

D’autres parents d’élèves nous ont contacté pour au contraire nous dire tout le bien qu’ils pensaient de cette personne.

« Mes enfants courent vers elle-même quand il n’y a pas classe, je lui confirai mes enfants les yeux fermés ». Voilà comment une maman d’élève nous parle de cette ATSEM. "Cette femme est d'une gentillesse incroyable et très attentionnée envers les enfants. Nous avons même des fois l'occasion de nous voir à l'extérieur pour certains événements dans le village et les enfants courent vers elle en criant son prénom. Certes, pour gérer plus d'une trentaine d'enfants, il faut savoir un peu "élever" la voix pour se faire entendre."

 

J'ai à plusieurs reprises accompagné mon enfant à la cantine ou celle-ci exerce je n'ai jamais vu de maltraitance ou autre.

Une maman d'élève

D’autres reconnaissent le caractère « fort » de cette dame et la soutiennent également.

Mes enfants ont côtoyé cette personne pendant de nombreuses années et la côtoient même encore aujourd'hui.

Une maman d'élève

"Elle s’est occupé d'eux pendant leurs 3 années de maternelle et encore aujourd'hui à la cantine. Ils n'ont jamais eu un commentaire négatif à son sujet et pourtant croyez-moi nous passons de longs moments le soir à se raconter nos journées. Ils m'expliquent cependant les difficultés rencontrées tous les jours à la cantine ou à la recréation du midi avec certains enfants. Elle est peut être une personne qui a du caractère et heureusement lorsque vous avez à gérer plusieurs dizaines d'enfants sur le temps méridien et peut-être également en étant en sous-effectif ! Mes enfants ont parfois été punis et après explication (puisque c’est bien connu, les enfants ne mentent jamais...) j'ai compris et soutenu cet ATSEM et les punitions étaient toujours justifiées."

L'affaire classée sans suite

Des témoignages favorables reçus également par le parquet de la République du Havre qui a classé l’affaire sans suite au mois de mars 2020.

Peut-être que cette personne avait des comportements inadaptés mais aucun fait pouvant se qualifier de violences volontaires. Judiciairement parlant, les faits ne sont pas suffisamment établis.

Bruno Dieudonné, procureur de la République du Havre

Le procureur nous a précisé que l'enquête a été menée très sérieusement par la gendarmerie de Saint-Romain-de-Colbosc et que certaines personnes entendues n'ont pas souhaité déposé plainte. L'ATSEM avait été suspendue de son poste le temps de la procédure. Depuis le classement sans suite, elle travaille à nouveau à l'école.

A ce jour, 5 familles ont porté plainte : 3 dont les enfants sont mineurs et 2 anciens élèves devenus adultes.

De son côté la mairie des Trois Pierres s'inquiète de la réputation faite à son village et craint que cette "attitude" compromette les inscriptions à l'école communale pour la rentrée 2021. La maire Monique Bertrand nous a répondu que : "le conseil Municipal et moi même sommes neutres et troublés par cette affaire et avons répondu immédiatement à la demande suspension à titre conservatoire de l'Académie. Nous nous reposons sur l'enquête menée par la Gendarmerie de ST ROMAIN DE COLBOSC et respectons la compétence des instances judiciaires. :

Suite à la décision du Procureur, nous avons réintégré l'ATSEM dans ses fonctions sur le temps scolaire.

Monique Bertrand, Maire des Trois Pierres

L'édile nous précise que "cette personne très affectée moralement et physiquement par cette procédure, ne comprend pas cette campagne persistante et de dénigrement. L'affaire étant classée, n'ayant pas connaissance de nouveaux éléments, nous ne comprenons pas, tout cet acharnement médiatique, avec pour conséquence un coeur de village bientôt orphelin de ses écoliers."

Une enquête administrative ouverte par le rectorat

Le procureur nous a précisé que le dossier pourrait être rouvert si de nouveaux éléments lui parvenaient. M Dieudonné a évoqué le rôle de l'Education Nationale qui pouvait avoir recours à l'article 40 du code pénal : "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs".

 Une de ces 5 familles va saisir le doyen des juges et se porter partie civile. Le directeur académique a ouvert une enquête administrative sur le fonctionnement de l'école. Deux inspecteurs de l'Education Nationale sont chargés de recueillir les témoignages des parents, des professeurs et du personnel en lien avec l'école. Si un dysfonctionnement est mis à jour, la mairie en sera informée voire la justice en cas de maltraitance avérée. Les conclusions de l’enquête devraient être connues en juin.

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