Depuis presque trente ans, Ariane Doublet met en images le pays de Caux. La réalisatrice et documentariste âgée de 57 ans, ancienne élève de la Fémis, livre des histoires humaines et sincères. A l'occasion de la diffusion de son documentaire "Abou le king", France 3 Baie de Seine l'a rencontrée.
Elle a à coeur de parler de ceux que l'on n'évoque jamais, avec, toujours, la Normandie comme point d'ancrage. A 57 ans, impensable pour Ariane Doublet d'imaginer raccrocher la caméra. "Ça fait partie de ma vie, c’est un tout, tout ça s’emboîte", raconte-t-elle. "Faire mes films me permet des rencontres que je ne ferais pas autrement."
Insatiable curiosité
Passage à la retraite d'un agriculteur, urbanisation, accueil des mineurs isolés... Ariane Doublet choisit des sujets toujours ancrés dans l'actualité, au gré de ses rencontres et de ses observations. "Je ne pars pas d’un sujet. Je ne me dis pas 'tiens, qu’est-ce que je pourrais faire comme prochain film, je vais faire un film sur'. C’est toujours 'je vais faire un film sur des gens que j’ai envie de filmer'. Ça me permet d’assouvir une certaine curiosité… Et d’avoir plusieurs vies."
Découvrez le sujet d’A. Develay et A-B. Rombhot :
En 2011, c'est la vue d'un conteneur chinois dans la campagne, près de Goderville (Seine-Maritime), symbole ultime de la mondialisation, qui lui inspire par exemple "La pluie et le beau temps" : "je me suis dit : mais qu'est-ce qu'il fout là ?", se souvient la réalisatrice. "Cette préoccupation environnementale par rapport aux terres agricoles qui disparaissent, c’est parce-qu’ici [dans le pays de Caux, ndlr] j’ai vu les changements depuis 50 ans."
J’aimais bien photographier les gens. Finalement, j’ai fait une école de cinéma. J’ai réalisé mon premier court-métrage en 1995, à l’occasion du centenaire du cinéma.
Ariane Doubletà France 3 Normandie
"Au moment du démantèlement de la jungle de Calais", raconte aussi Ariane Doublet, "on a vu ces jeunes de parfois 15-16 ans qui arrivaient au Havre, et qui dormaient à la gare. On sentait qu’il y avait vraiment des gens qui avaient envie de les accueillir." Elle crée alors l'association "Des Lits Solidaires" qu'elle copréside, pour organiser l'accueil des mineurs isolés chez des particuliers. "Comme ça, j’ai rencontré pas mal de jeunes, on en a accueilli à la maison", souligne celle qui a ensuite évoqué le délit de solidarité dans son documentaire "Green Boys" (2019).
Sorti au mois d'avril, "Abou the king", sa nouvelle production, traite des ambitions d'un jeune migrant en exil au Havre, qui se rêve grand couturier. Nouvelle rencontre immortalisée en 52 minutes. "Filmer des gens, c’est une manière extrêmement privilégiée de les connaître, de les rencontrer, de partager avec eux", conclut la documentariste.