Le cargo saoudien Bahri Yanbu, attendu depuis plusieurs jours au port français du Havre où il devait procéder à un chargement d'armes, ne fera finalement pas escale dans le port français, a-t-on appris vendredi de source portuaire.
"L'escale n'aura pas lieu", a indiqué la source portuaire à l'AFP.
Source de controverses
Attendu mercredi au port, le cargo mouillait depuis plusieurs jours au large du Havre (nord-ouest) tandis que la polémique n'a cessé d'enfler en France sur la destination des armes qu'il devait embarquer, plusieurs associationsaffirmant qu'elles pourraient être utilisées "contres des civils" au Yémen.
Le président Emmanuel Macron a indiqué jeudi "assumer" la vente d'armes françaises à l'Arabie saoudite, assurant avoir la "garantie" qu'elles "n'étaient pas utilisées contre des civils" au Yémen.
L'Acat (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) et l'ONG Action Sécurité Ethique Républicaines (ASER) avaient de leur côté déposé des recours en urgence au tribunal administratif de Paris pour empêcher le départ du Havre du cargo chargé d'armes.
Plusieurs autres organisations comme Human Rights Watch, Amnesty International ou l'Observatoire des armements sont également vent debout contre ces ventes.
Direction : l'Espagne
Le cargo était passé par le port belge d'Anvers puis par la Grande-Bretagne avant de se diriger vers Le Havre. Il fait désormais route vers le nord de l'Europe avant de se diriger vers Santander (Espagne), selon plusieurssources.
En Belgique, des ONG soupçonnent la compagnie nationale saoudienne Bahri d'avoir régulièrement, depuis l'été dernier, chargé des armes ou des munitions à destination de Ryad.
Le recours d'une ONG rejeté
Le tribunal administratif de Paris a rejeté, ce vendredi 10 mai, le recours déposé par l'ONG française Acat pour empêcher un cargo saoudien de partir du Havre (Seine-Maritime) avec des armes qui pourraient, selon cetteassociation, être utilisées dans la guerre meurtrière menée par Ryad au Yémen.
L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat) entendait contester la décision de la Direction générale des douanes d'autoriser le cargo Bahri Yanbu battant pavillon saoudien à procéder au chargement et à l'exportation de ces armements.
Selon le site d'investigation Disclose, ce navire devait prendre livraison de huit canons de type Caesar au port du Havre, au large duquel le navire se trouvait depuis quelques jours.
Mais finalement, le cargo saoudien ne fera pas escale dans ce port comme initialement prévu, a appris l'AFP vendredi de source portuaire. "L'escale n'aura pas lieu", a-t-elle indiqué.
La France avait reconnu mercredi qu'un navire saoudien allait effectuer un chargement d'armes mais assuré qu'elle ne disposait d'"aucune preuve" permettant d'affirmer qu'elles seraient utilisées au Yémen.
Saisie en urgence, le tribunal administratif n'exclut pas que des canons Caesar soient "susceptibles" d'être utilisés au Yémen dans des zones où se trouvent des civils mais assure que cette hypothèse ne suffit pas à caractériser "une situation d'urgence" justifiant d'empêcher le départ du cargo saoudien.
"L'autorisation de sortie douanière de ces armements ne crée pas un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes" et ne porte pas "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit au respect de la vie", estime le tribunal dans sa décision consultée par l'AFP.
Contactée par l'AFP, l'avocate de l'Acat, Me Laurence Greig, s'est réjouie d'apprendre que le navire saoudien ne ferait pas escale au Havre tout en contestant le raisonnement adopté par le tribunal.
"Il est certain que ce n'est pas dans les 24 heures qu'un civil yéménite pourrait être blessé ou tué par l'usage de ces armes. Mais l'imminence existe bien car c'est le dernier moment où on pouvait arrêter cette livraison d'armes. Une fois que le bateau sera parti, on ne pourra plus intervenir", a-t-elle expliqué.
Un deuxième recours
Une deuxième association, l'Aser (Action Sécurité Ethique Républicaines), a elle aussi saisi les tribunaux pour empêcher le départ du cargo mais ce recours n'avait pas encore été examiné vendredi.Jeudi, le président Emmanuel Macron avait dit "assumer" la vente d'armes à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis mais assure avoir obtenu "la garantie" que ces équipements "n'étaient pas utilisés contre des civils".
A la tête d'une coalition, l'Arabie Saoudite mène depuis mars 2015 une guerre au Yémen contre les rebelles Houthis appuyés politiquement par l'Iran. Le conflit a fait quelque 10.000 morts, en majorité des civils, et provoqué la pire crise humanitaire en cours dans le monde, selon l'ONU.