Après un mois de septembre marqué par des pluies deux fois plus abondantes que l'an passé, les agriculteurs qui cultivent des pommes de terre en Seine-Maritime sont inquiets. Parviendront-ils à récolter les précieux tubercules avant que le gel ne s'en mêle ?
L'accalmie météo de ce milieu de semaine changera-t-elle la donne ? Pas sûr. Car dès ce samedi 26 octobre, de nouveau, des épisodes pluvieux sont annoncés en Seine-Maritime.
Et après un mois de septembre particulièrement humide dans le département, chaque nouvelle averse complique le travail des producteurs de pommes de terre.
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Une récolte tardive et qui s'éternise
À Hautot-Saint-Sulpice, près d'Yvetot, Guillaume Tesson patiente. Depuis dix ans qu'il cultive des pommes de terre, c'est la première fois qu'il fait face à une telle situation.
"Nous avons débuté la récolte le 19 septembre. Il nous reste huit hectares à récolter. Cela représente 15 à 20% de la surface que nous cultivons en pommes de terre", explique l'agriculteur.
Les années précédentes à cette période de l'année, la récolte était finie depuis au moins une semaine.
Guillaume Tesson, agriculteur à Hautot-Saint-Sulpice
Une récolte tardive, comme tous les producteurs de pomme de terre, Guillaume Tesson s'y attendait. Car au printemps dernier, lors de la plantation, les agriculteurs ont déjà été confrontés à une météo très pluvieuse qui a compliqué et stoppé un temps leur travail.
Mais en plus cet automne, la récolte s'éternise, régulièrement entrecoupée par des journées de pluie.
Des mauvaises conditions de récolte pour les engins
Les cultivateurs le savent, dans certaines zones, il est possible que les pommes de terre ne soient même pas récoltées. "Un phénomène marginal", tempère Cécile Daures, conseillère spécialisée dans la pomme de terre à la Chambre d'agriculture de la Seine-Maritime.
Car les pluies abondantes et quasi continues créent des amas d'eau, tels des petites mares, entre les rangs de pommes de terre. Impossible dans ces conditions pour les machines de s'aventurer dans les parcelles.
"L'arracheuse pourrait tout simplement rester embourbée, précise Guillaume Tesson. Sans compter que la terre collante se colle sur les tapis des machines, se met dans les mécanismes et peut engendrer des pannes."
Alors le producteur d'Hautot-Saint-Sulpice scrute sans cesse les bulletins météo. "On espère terminer la semaine prochaine si les conditions météo sont là", nous précise-t-il.
Un risque accru de maladie pour les pommes de terre
Au moment de la récolte, la terre collante n'est pas bonne pour les machines et elle ne l'est pas non plus pour les pommes de terre. Si le tubercule apprécie l'eau pour se développer faisant des Hauts-de-France, de la Picardie et de la Normandie les principales régions productrices de France, pour la récolte, c'est une autre histoire.
Rentrées trop humides, les pommes de terre sont plus sujettes aux maladies. "Lorsqu'on arrache dans des conditions météo comme celles que nous connaissons, la terre reste collée sur les pommes de terre. Or, pour les stocker convenablement pendant plusieurs mois, il faut l'enlever en secouant fort les tubercules sur les tapis sur lesquels ils sont récoltés. Ce type de manœuvres entraîne des chocs sur la pomme de terre et risque de les endommager", explique Cécile Daures.
C'est comme une coupure pour nous sur notre peau. S'il y a un choc sur la pomme de terre, c'est une porte d'entrée potentielle pour tous les agents pathogènes. Cela peut ensuite engendrer des pourritures.
Cécile Daures, conseillère auprès de la Chambre d'agriculture en Seine-Maritime
Une fois la terre retirée, la seule solution reste de sécher convenablement la pomme de terre afin de pouvoir la stocker longtemps sans risque de maladie. "Pour une bonne conservation, nous avons fait tourner la ventilation dans notre hangar de stockage 24h/24h pendant dix jours", détaille Guillaume Tesson.
Voyez le reportage complet de Grégory Thélu, Emmanuelle Partouche et Stéphanie Pierson :
Des coûts supplémentaires pour les agriculteurs
"Et à chaque nouveau lot de pommes de terre que nous rentrons dans le bâtiment, il faut redémarrer les ventilateurs pour sécher de nouveau. Cela entraîne une dépense énergétique supplémentaire. Nous avons presque doublé le temps de ventilation. Tout ce qui compte désormais, c'est de pouvoir vendre correctement nos pommes de terre", poursuit-il.
Si les nerfs des producteurs de pommes de terre sont mis à rude épreuve cette année, côté consommateurs, Cécile Daures qui conseille une centaine d'agriculteurs en Seine-Maritime se veut rassurante. "En moyenne, près de 70% des surfaces en pommes de terre ont déjà pu être récoltées. Les 30% encore en terre seront plus difficiles à sortir mais seuls des épisodes précoces de gel avant la fin de la récolte pourraient les rendre inconsommables, car la pomme de terre ne supporte pas le gel".
Mais pour l'heure, le rendement est bon. Les consommateurs ne manqueront donc pas de pommes de terre cet hiver, d'autant que les surfaces réservées à cette culture ont augmenté cette année.