Publié le Écrit par Medhi Weber
partager cet article :

Le groupe Hmarket, une chaîne de grande distribution spécialisée dans les produits Halal, est depuis le 21 octobre 2024 officiellement locataire des abattoirs de Forges-les-Eaux. L'activité devrait reprendre début 2025. Mais dans le pays de Bray, la nouvelle ne fait pas que des heureux.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"D'un côté, c'est une bonne nouvelle que l'activité reprenne, ça fait de l'emploi. Mais pour la filière porcs, c'est une mauvaise nouvelle." Dans son exploitation de 900 porcs située à Sommery, Xavier Bocquet a de la déception dans la voix. 

La filière porcine exclue d'office

Cela faisait des années qu'il espérait la réouverture des abattoirs de Forges-les-Eaux pour y faire tuer ses bêtes. Mais le couperet est vite tombé pour sa filière : le repreneur, Hmarket, est une chaîne de grande distribution spécialisée dans la viande Halal. 

L'entreprise refusera donc catégoriquement d'abattre des cochons sur ses chaînes du pays de Bray.
L'éleveur devra continuer de mettre sur la route ses animaux direction Houdan, dans les Yvelines, à deux heures de route de sa ferme. Coût total du transport : 4 000 euros par mois. 

Pas d'abattage local pour les éleveurs porcins

Au-delà de l'aspect financier, l'éleveur pointe le bien-être animal, forcément moindre lors d'un trajet aussi long, mais aussi la dimension écologique.

Son rêve à lui, c'est le circuit court de la viande, de la naissance de l'animal à la vente au consommateur. Et Xavier Bocquet coche déjà presque toutes les cases, sauf celle de l'abattage.

L'objectif de notre ferme, c'est de proposer du local. On vend de la charcuterie sur place donc on produit notre nourriture. On fait naître nos porcs sur place, on les engraisse sur place, et le seul pan qui manque, c'est l'abattoir local...

Xavier Bocquet, éleveur porcin à Sommery (Seine-Maritime)

Une désillusion pour la filière porcine locale. Alors que la Normandie est la quatrième région de France pour l'élevage de porcs. 

1,5 million d'euros d'investissements 

Malheureusement, "une filière aurait de toute manière été lésée", souligne Christine Lesueur, maire (DVD) de Forges-les-Eaux, qui a organisé en février dernier une vente aux enchères du matériel des abattoirs.

Le meilleur enchérisseur allait, de facto, devenir le futur repreneur de l'activité. 

durée de la vidéo : 00h00mn18s
Christine Lesueur, maire de Forges les Eaux, évoque les différents profils des repreneurs potentiels des abattoirs de Forges les Eaux. ©Olivier Flavien

La filière bovine étant la plus développée dans la région, l'élue considère que le projet d'implantation de Hmarket reste pertinent pour la région. D'autant plus que le futur exploitant investit 1,5 million d'euros sur ce site (matériel et rénovation des lieux) en plus de créer jusqu'à 70 emplois potentiels sur le territoire.

Une étiquette "Halal" qui divise

Mais une fois implantée, la société Hmarket fera-t-elle consensus dans la région ? Pas sûr. Philippe Deffaux est éleveur ovin à Sainte-Croix-sur-Buchy, à une vingtaine de minutes en voiture de Forges-les-Eaux.

Pour lui, l'installation de l'entreprise spécialisée dans l'abattage de viande Halal est certes une aubaine car "ces dernières années, la demande des consommateurs musulmans explose dans la filière ovine".

Mais il craint que tous les éleveurs du pays de Bray ne partagent pas son enthousiasme.

durée de la vidéo : 00h00mn28s
Philippe Deffaux éleveur ovin Sainte-Croix-sur-Buchy ©Olivier Flavien

Pour l'éleveur ovin, l'entreprise Hmarket pourrait pâtir de l'étiquette "Halal" auprès des agriculteurs brayons. Et pour cause, l'abattage rituel n'a pas toujours bonne presse dans les milieux de l'élevage. Ce qui crispe, ce n'est pas tant la dimension religieuse, que la question du bien-être animal. 

"Moi j'ai toujours été contre cette implantation d'Hmarket, s'insurge Didier Thomas, éleveur à Rocquemont, près de Buchy. Je suis surtout contre l'abattage rituel, parce que les bêtes ne sont pas étourdies. D'un point de vue éthique, ça me dérange." 

La question de l'étourdissement des animaux

En effet, même si "la réglementation actuelle rend obligatoire l’étourdissement des animaux destinés à la consommation humaine avant leur abattage", peut-on lire sur le site Internet du Ministère de l'Agriculture, "le code prévoit une dérogation à cette obligation lorsque l’étourdissement n’est pas compatible avec les prescriptions rituelles relevant du libre exercice du culte".

Une dérogation qui fait l'objet de contestations, notamment de la part d'associations de protection animale comme L214.

"C'est un faux procès !, rétorque Christine Lesueur, maire de Forges-les-Eaux. Dans tous les abattoirs de France, il y a de l'abattage rituel. Ce ne sera pas une spécificité de Forges-les-Eaux."

Et Olivier Desmaret, éleveur à Saint-Segrée, à la frontière entre la Seine-Maritime et la Somme, de surenchérir. Pour lui, l'équation est simple :

C'est une très bonne nouvelle pour tout le quart Nord-Ouest de la France. La réouverture de cet abattoir va drainer beaucoup d'éleveurs. La seule question, c'est s'ils vont faire de l'abattage non-rituel.

Olivier Desmaret, éleveur à Saint-Segrée (Somme)

Et Hmarket l'a assuré : il y aura bien deux chaînes d'abattage. L'une Halal, l'autre non. Ce qui devrait rassurer certains éleveurs du Pays de Bray. Reste à savoir si cela sera suffisant pour les convaincre de rediriger leurs bêtes vers Forges-les-Eaux pour l'abattage.

D'autant plus qu'une crainte subsiste : le site parviendra-t-il à créer une activité pérenne? Lors de la dernière reprise des abattoirs de Forges-les-Eaux, en 2022, l'exploitant n'avait tenu que huit mois avant d'être placé en liquidation judiciaire.

Les éleveurs ayant décidé de faire confiance à ce nouvel arrivant avaient donc dû faire machine arrière, avec un important surcoût logistique. Deux ans plus tard, la méfiance règne donc d'autant plus. Hmarket devra sans doute faire ses preuves avant de faire l'unanimité dans la région.


Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?
Cela pourrait vous intéresser :
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information