C'est l'hypothèse défendue par le gouvernement et l'Assurance Maladie : les arrêts maladie signés par les médecins sont trop nombreux. Ils ont en effet augmenté de 30% entre 2012 et 2022. Mais qu'en pensent les médecins normands et que cache l'augmentation de ce chiffre dans notre région ? Décryptage.

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Mardi 4 juin 2024, après 18 mois d'âpres discussions et débats, ça y est : la nouvelle convention entre les médecins et l'Assurance Maladie vient enfin d'être signée pour les cinq prochaines années. 

Pour Thomas Fatôme, directeur de l'Assurance Maladie, invité le lendemain sur le plateau de France Info, c'est  "une convention qui est riche, positive pour l'accès aux soins, pour la qualité des pratiques, des prescriptions et qui va nous permettre d'avancer pour transformer le système de santé et améliorer l'accès aux soins pour les patients". 

Côté médecins, cette convention entérine surtout une mesure devenue leur cheval de bataille depuis plusieurs années : l'augmentation du tarif de la consultation, qui va donc passer à 30 euros. Une hausse qui sera principalement financée par l'Assurance Maladie. Coût de l'opération : 1,6 milliard d'euros par an.

Une convention "donnant-donnant" pour l'Assurance Maladie

Un investissement qui vient avec une contrepartie : les médecins libéraux doivent désormais participer activement à la diminution des dépenses publiques de santé. Dans le viseur de l'administration centrale : les arrêts maladies qui sont passés de 6,4 millions en 2012 à 8,8 millions en 2022 (dont près de 500 000 en Normandie). Et qui coûteraient désormais au contribuable 12 milliards d'euros par an. 

L'Assurance Maladie a donc assorti cette nouvelle convention d'une table de 10 commandements à destination des médecins sous forme d'objectifs de performance. Et notamment : diminuer chaque année de 2% le nombre d'arrêts maladies prescrits. Et il y aura d'ailleurs plus de contrôles, promet Thomas Fatôme. 

Une fraude aux arrêts maladie "très marginale"

"L'administration veut créer une forme de délit statistique", considère Bruno Burel, délégué général de l'Union des Médecins Libéraux pour la Normandie (URML).

Il s'agit de faire porter la responsabilité à chaque médecin du nombre d'arrêts maladies qu'il signe. Alors que selon le milieu social d'une patientèle, il y aura forcément plus ou moins d'arrêts maladie. Un médecin implanté dans un quartier ouvrier aura par exemple beaucoup d'arrêts liés aux troubles musculo-squelettiques (TMS).

Bruno Burel, délégué général de l'Union Régionale des Médecins Libéraux de Normandie

De manière générale, les arrêts maladie signés de manière abusive ou frauduleuse sont selon Bruno Burel "très marginaux".

Le représentant siège d'ailleurs régulièrement en commission des contentieux entre les médecins et la CPAM de Seine-Maritime. Une instance où les médecins sont parfois appelés pour rendre des comptes sur leurs nombreuses prescriptions d'arrêts maladie.

"Dans plus de 95% des cas, il n'y a pas de suites, la CPAM considère que ces prescriptions sont cohérentes", souligne Bruno Burel. 

Hausse des arrêts maladie : des causes sociétales

Comment expliquer, alors, cette hausse des arrêts maladie dans les dernières années ? Pour le représentant de l'URML, d'autres causes sont à observer. D'abord il y a un changement de paradigme du côté de la médecine : la fin du "tout-médicament". "Pour les troubles anxio-dépressifs, en particulier si le travail est stressant, souligne celui qui exerce aussi en cabinet, on considère aujourd'hui que l'arrêt maladie est une partie du traitement. Si vous voulez que la personne ne plonge pas complètement, il faut que cette personne soit arrêtée."

Autre cause extérieure selon Bruno Burel : la baisse du taux de chômage. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette donnée est à prendre au sérieux. En Normandie, le nombre de chômeurs a diminué de plus de 30% entre 2012 et 2022. Or c'est mathématique, "moins de chômeurs = plus d'arrêts maladie, car il y a plus de personnes en activité et donc susceptibles d'être malades et arrêtées", explique le représentant. 

Dernier facteur conjoncturel : la crise sanitaire. L'explosion des arrêts maladie s'observe surtout à partir de 2021. Et elle s'explique notamment par la hausse des pathologies psychiques dues aux confinements successifs, ou à une perte de sens au travail (en forte hausse après la crise sanitaire).

Les arrêts maladie : "une responsabilité collective"

D'ailleurs bonne nouvelle, pourtant pas criée sur tous les toits par l'Assurance Maladie ou le gouvernement, 2023 semble marquer la fin de cette conjoncture. En Normandie, comme à l'échelle de tout le territoire français, les dépenses liées aux arrêts maladie sont en forte baisse par rapport à 2022. -10% en un an seulement dans notre région ! 

"La problématique des arrêts maladie est une responsabilité collective", conclut Bruno Burel.

Ce n'est pas seulement celle des médecins libéraux prescripteurs, comme semble induire cette nouvelle convention. C'est aussi la responsabilité du gouvernement qui doit optimiser l'accès aux soins des Français, et celle des entreprises qui doivent améliorer le bien-être au travail des salariés. 

Bruno Burel, délégué général de l'Union Régionale des Médecins Libéraux de Normandie

Le représentant milite d'ailleurs pour que ces arrêts maladie de courte durée (ceux qui ont le plus augmenté ces dernières années) soient gérés en interne dans l'entreprise, sans passer par une visite médicale, considérant que les médecins n'ont pas de traitement particulier à donner à ces patients.

Une mesure qui risquerait d'ouvrir la voie à un changement de paradigme pour ces arrêts de travail qui pourraient à terme être financés directement par les entreprises, comme aux Pays-Bas ou au Canada. Cela irait d'ailleurs dans le sens des récentes recommandations de la Cour des Comptes de ne plus rembourser les arrêts maladie de moins de huit jours, ayant provoqué une énorme polémique. 

Pour l'heure, cet horizon n'est pas encore sérieusement envisagé par le gouvernement mais le besoin impérieux de réaliser des économies sur les dépenses publiques de santé nous y mènera-t-il un jour ? Impossible de complètement écarter cette hypothèse.

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