Après l'incendie mortel de Rouen, Valérie Fourneyron demande une évolution de la réglementation des bars

La députée de Seine-Maritime a écrit au ministre de l'intérieur pour proposer quatre mesures afin d'éviter un autre drame comme celui des 14 morts du bar rouennais "au Cuba Libre"

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"La réglementation doit être revue et améliorée"

C'est l'incendie en 1970 du dancing le "Cinq-Sept" et ses 146 morts qui a imposé une réglementation et un contrôle des discothèques. Et dès 1977, on se préoccupa des matériaux utilisés, de leur résistance au feu, de la toxicité des fumées de combustion dégagées, de la présence d'éclairages et d'issues de secours…
Mais ces règles, qui sont encore obligatoires pour les responsables de discothèques, semblent ne jamais l'avoir été pour les cafés et les bars, qui, de plus en plus souvent, proposent à leurs clients un espace pour danser, avec (comme dans les boîtes) décoration, jeux de lumières et sono…

Comme c'était le cas dans la petite salle située  au sous-sol du bar rouennais "Au Cuba Libre" le jour de l'incendie qui fit 14 morts dans la nuit du 5 au 6 août 2016.

Ce jeudi 8 septembre quelques jours l'annonce du décès d'une 14e victime, l'ancienne maire de Rouen et actuelle député de Seine-Maritime a publié une lettre ouverte à Bernard Cazeneuve  (à lire en bas de cette page) pour demander à ce que la réglementation des bars soit revue et améliorée afin d'éviter qu'une nouvelle tragédie puisse se reproduire. 

Emue et profondément bouleversée par le drame du "Cuba Libre", Valérie Fourneyron déclare s'être penchée pendant plusieurs semaines et avec minutie dans l'étude de la réglementation qui s'applique aux Établissements Recevant du Public (ERP) :

"Au-delà du cas particulier et douloureux du Cuba Libre, il apparaît clairement que c’est toute la réglementation actuelle pour les ERP de 5e catégorie, décidée dans les années 70 et révisée en 1990, qui est aujourd’hui devenue obsolète et insuffisante en termes de sécurité.  L’incendie du Cuba Libre fait actuellement l’objet d’une information judiciaire pour homicides et blessures involontaires contre X par manquement délibéré à la sécurité.
Deux juges d’instruction ont été nommés. C’est cette enquête qui permettra de déterminer s’il y a eu manquement ou non aux règles de sécurité en vigueur. Mais au-delà du drame, et sans vouloir sombrer dans la fièvre législative hâtive de circonstance, décidée sous le coup de l’émotion, il semble évident que la réglementation à laquelle sont soumis les ERP de 5e catégorie doit être rapidement revisitée, pour la sécurité de tous.
"

> Valérie Fourneyron détaillera ses préconisations et ses quatre propositions demain vendredi (9 septembre) en direct dans le JT 19/20 de France 3 Normandie, antenne de Rouen.
  La Lettre de Valérie Fourneyron :

Mes préconisations adressées au Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve

Monsieur le Ministre,
Dans la nuit du 5 au 6 août 2016, un dramatique incendie a coûté la vie à 14 jeunes dans l’établissement « Le Cuba Libre » sur la ville de Rouen.
Une information judiciaire pour homicides et blessures involontaires contre X par manquement délibéré à la sécurité a été ouverte et deux juges d’instruction ont été nommés.
Sur le plan de la règlementation, le Cuba Libre relève de deux polices administratives : la législation relative aux établissements recevant du public et la police spéciale des débits de boissons.

Sur la base de la déclaration de l’exploitant au registre du commerce, le Cuba Libre est enregistré en tant que « café, bar, débit de boissons, petite brasserie », c’est à dire un établissement de type N de 5ième catégorie dont l’effectif maximal doit être inférieur à 200 personnes sur l’ensemble des niveaux.
Ce drame nous a fait appréhender le fait que les dispositions règlementaires en vigueur, arrêtés du 25 juin 1980 et du 22 juin 1990, contraignent de façon limitée ces établissements. En effet, même si les exploitants ont l’obligation de respecter certaines prescriptions, la règlementation ne prévoit pas d’obligation de consultation de la commission communale de sécurité préalable à la délivrance du permis de construire, à la réalisation des travaux et à l’ouverture du public. Il n’y a pas non plus d’obligation de visite périodique de sécurité, ni de registre de sécurité et pas plus de diagnostic de sécurité lors d’une vente de l’exploitation. Si le maire peut décider de visites inopinées de contrôle, et en cas de carence le préfet s’y substituer, de telles visites ne peuvent s’envisager que sur la base de signalements étayés.

Bien évidemment, l’absence de visite n’exonère pas l’exploitant du respect des mesures de prévention et de sauvegarde propres à assurer la sécurité des personnes.
Face à ce constat, et en accord avec la Préfète de Région, les services du SDIS et la Police Nationale, la ville de Rouen organise des visites inopinées dans des établissements aux caractéristiques proches de celles du Cuba Libre, particulièrement l’existence d’un sous-sol et la diffusion de musique. Les premières constatations mettent en évidence la grande fréquence de la présence d’un DJ et d’une activité de danse qui auraient dû conduire ces établissements à être classés en ERP de type P, et à être de fait, pour nombre d’entre eux, reclassés en 4ième catégorie.

Au regard de cette douloureuse expérience, il m’apparait aujourd’hui évident que la règlementation en place, dont une large part a été élaborée à la suite du drame du 5-7 à Saint Laurent du Pont, le 1er novembre 1970, doit être revue et améliorée.

Quatre mesures me semblent devoir être proposées :
 
  • Obliger tout établissement accueillant une activité de danse à se déclarer en type P avec les exigences attenantes (alarme couplée à la musique, densité d’occupation…). J’attire votre attention sur une incidence de cette proposition, cause et conséquence du choix des exploitants de se déclarer en type N : la fiscalité de l’alcool pour les établissements de nuit de type P est plus défavorable et les obligations Sacem sont plus strict.
  • Imposer un registre de sécurité aux ERP de 5ième catégorie avec fréquence de vérification des installations techniques afin d’améliorer l’auto responsabilisation des exploitants au regard de la maintenance des outils et des règles de sécurité.
  • Exiger que tout acte de cession soit accompagné d’un diagnostic sécurité. A l’heure où tout achat de véhicule impose un contrôle technique, où toute vente immobilière impose des diagnostics divers (amiante, termites…), il est indispensable que l’acheteur, à l’image des particuliers, soit éclairé des travaux éventuels qu’il devra réaliser en matière de sécurité avec ses conséquences sur le prix de la transaction qui ne peut avoir comme seul critère le chiffre d’affaires.
  •  Informer les clients de ces établissements à partir d’une labellisation qui pourrait être obtenue par tout exploitant pouvant attester du respect des normes de sécurité en vigueur après visite de la commission sécurité ou d’un bureau de contrôle agréé.

Monsieur le Ministre, comme Députée de Rouen, et avec le Maire de Rouen, nous ne pourrions comprendre que la règlementation en vigueur ne soit pas revisitée à l’aune de ce drame qui restera à jamais, marqué dans nos mémoires collectives. Nous sommes à votre disposition pour échanger sur ces propositions.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de ma haute considération.
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