Alors que se tiennent les assises de la pêche et des produits de la mer les 21 et 22 septembre 2023 à Nice, nous nous sommes penchés sur l'incidence du réchauffement climatique sur la pêche en Normandie.
"Le réchauffement climatique, c’est un fait", rappelle Dominique Lamort, qualiticien des produits de la mer chez Normandie Fraîcheur Mer, le groupement des Marins-Pêcheurs, Criées et Mareyeurs de Normandie. Selon lui, "les changements se feront sentir à plus ou moins long terme et il est encore trop tôt pour dire quelles nouvelles espèces on pourra pêcher en Normandie dans quelques années, et lesquelles vont disparaître." Mais certaines tendances se dessinent déjà.
"On ne voit pratiquement plus de cabillauds"
Avant, on pêchait le cabillaud sur toutes les côtes normandes, de manière "cyclique" : régulièrement, le nombre de cabillauds présents sur nos côtes diminuait, puis on en trouvait à nouveau en abondance. Surtout l'hiver. Mais selon Dominique Lamort, il y a une nette diminution depuis une dizaine d'années.
Le cabillaud est parti ailleurs, plus au Nord, comme tous les poissons qui aiment les eaux froides.
Dominique Lamort, qualiticien des produits de la mer chez Normandie Fraîcheur Mer
Les bulots, directement impactés
Si les poissons peuvent se déplacer et migrer là où les eaux leur conviennent davantage, les coquillages, eux, subissent de plein fouet le réchauffement climatique. Et le bulot est le premier à en faire les frais. Même si on pêche toujours le bulot en Normandie, et notamment dans la Baie de Granville, "on s'oriente vers une diminution de la ressource", précise Dominique Lamort.
On sait que le réchauffement des eaux affecte la reproduction des bulots.
Dominique Lamort, qualiticien des produits de la mer chez Normandie Fraîcheur Mer
Difficile d'estimer cette diminution, mais le constat est là : "depuis le début des années 2000, les volumes diminuent."
Coquille Saint-Jacques et dorade royale apprécient
Certaines espèces vont, au contraire, bénéficier du réchauffement des eaux. C'est le cas de la coquille Saint-Jacques.
On en voit de plus en plus, grâce à une meilleure gestion de la ressource d’abord, mais aussi grâce, sans doute, au réchauffement des eaux.
Dominique Lamort, qualiticien des produits de la mer chez Normandie Fraîcheur Mer
On trouve ce coquillage dans les eaux froides, mais il semblerait qu'il apprécie les eaux un peu plus chaudes pour se reproduire.
Autre espèce appréciant des eaux plus chaudes : la dorade royale.
"Cela fait quelques années qu’on en trouve en Normandie, alors qu’avant, c'était très rare, explique Dominique Lamort. On pêchait plutôt de la dorade grise."
Mais, comme le cabillaud migre vers le nord pour des eaux plus fraîches, la dorade royale trouve certainement les eaux de la Manche plus à son goût. D'ordinaire la dorade royale est pêchée plus au sud, dans le golfe du Morbihan, le bassin d'Arcachon.
De nouveaux prédateurs
L’araignée de mer, elle, continue de proliférer sur nos côtes. Est-ce lié au réchauffement climatique ? Difficile à dire. "On savait qu’il y avait des migrations au cours des saisons. Elle repartait l’hiver dans le centre de la Manche. Et le printemps, elle revenait sur nos côtes. Mais maintenant, on a l’impression qu’elle reste toute l’année. Et depuis 2-3 ans", rappelle Dominique Lamort, "on en trouve des quantités très importantes."
Les mytiliculteurs s'inquiètent de cette soudaine abondance de prédateurs pour les élevages de moules. D'ailleurs, les gisements de moules sauvages n'existent plus. Mais là encore, difficile de dire si c'est lié au réchauffement climatique, à l'abondance soudaine de prédateurs, ou à un virus.