Des centaines d'Ukrainiens ont trouvé refuge en Normandie depuis l'agression russe qui a débuté le 24 février 2022. Un an après le début de la guerre, nous sommes allés à la rencontre de certains d'entre eux.
Le 24 février 2022, des hélicoptères russes franchissent les frontières de l'Ukraine. Les habitants, stupéfaits, saisissent le basculement de l'histoire avec leurs smartphones. Au nord du pays, des chars se dirigent sur Kiev, la capitale. Vladimir Poutine annonce à la télévision d'état "une opération militaire spéciale" chez le voisin ukrainien. Des milliers de soldats russes se déversent sur l'Ukraine laissant craindre une défaite cinglante et rapide de Kiev.
Un an plus tard, l'Ukraine tient toujours. L'armée résiste, dopée par les occidentaux. De chaque côté, les morts se comptent en dizaines de milliers. Les déplacés, en centaines de milliers. Depuis le début de la guerre, l'ONU estime que 10 millions d'Ukrainiens ont été poussés à l'exode. Des centaines de réfugiés sont arrivés en Normandie.
"Je voudrais croire que la guerre va bientôt se terminer"
Iryna et sa fille Anastasia ont posé leurs valises à Quincampoix, près de Rouen. "C'est un vrai cadeau d'être ici, je ne m'attendais pas à être accueillie si chaleureusement", raconte Iryna. Toutes les deux sont hébergées dans la famille d'Eric Blezel. Une famille d'adoption bienveillante et généreuse pour ces réfugiées éprouvées, qui tentent de s'adapter à la vie en France. "Je me sens très bien ici, je me sens en sécurité. Les Français nous aident à nous adapter en Normandie", abonde Anastasia.
Dans la cuisine, autour de la table du déjeuner, Eric Blezel fait le bilan de cette année riche en émotions. "C'est une expérience de vie extraordinaire. On partage leurs joies, leurs peines... On voit surtout qu'elles se sont très bien intégrées", se réjouit leur hôte.
Les deux femmes avaient déjà fui une première fois leur ville d'origine en 2014, lors de l'invasion russe de la région du Donbass, revendiquée par Vladimir Poutine. Réfugiées à Kiev, elles ont dû cette fois-ci quitter leur pays. "J'ai beaucoup pleuré en faisant mes valises", se souvient Iryna, "je voudrais croire que la guerre va bientôt se terminer, mais je ne suis pas très optimiste". Depuis Quincampoix, elle continue d'exercer son métier de psychologue à distance. Anastasia, elle, poursuit ses études en France pour revenir en Ukraine "après la victoire et aider son pays à se reconstruire".
L'élite intellectuelle ukrainienne disparait
Il y a tout juste un an, Irina Anufriieva fuyait les bombes qui s'abattaient sur Kharkiv, dans l'est de l'Ukraine, à 20 kilomètres de la frontière du voisin russe. Dans son pays d'origine, elle était professeure de français. Irina a pu se réfugier avec sa famille, à Trévières (Calvados), grâce à un ami qu'elle connaît depuis douze ans.
Depuis la Normandie, elle continue de donner des cours en visio à ses élèves restés sur place. "Comment allez-vous ?", c'est par cette question que chaque leçon commence. A des milliers de kilomètres, Danil, étudiant, répond : "C'est difficile, mais les cours nous permettent le temps d'un instant d'oublier ce qu'il se passe dehors. Il faut continuer à vivre."
La professeure de français est inquiète pour l'avenir de sa nation : "Il y a beaucoup de jeunes qui sont morts. Il faut que la guerre se termine le plus vite possible. L'élite intellectuelle disparait, petit à petit, dans les combats sur le front." Selon la Commission Européenne, 100.000 Ukrainiens sont morts depuis un an, dont près de 20.000 civils.
Durant son temps libre, Irina Anufriieva se promène régulièrement avec sa petite-fille, Slata, 7 ans, (également réfugiée en Normandie) sur les plages du débarquement. Tout un symbole. Sur le sable d'Omaha Beach, lieu de souffrance et de liberté, Slata, main dans la main avec Irina, entonnent le chant de la résistance ukrainienne pour donner de la force aux combattants de leur pays. Un jour peut-être, elles rentreront en Ukraine, avec le souvenir de la Normandie comme terre d'accueil.