Le tribunal correctionnel de Rouen a condamné le groupe Renault et l'usine automobile de Cléon pour l'homicide involontaire d'un salarié. En 2016, Jérôme D., technicien de maintenance, est décédé à 33 ans après une intervention sur une machine de nettoyage de pièces automobiles
"La SAS Renault et la SNC Renault Cléon sont reconnues entièrement responsables des faits qui leur sont reprochés", a annoncé la présidente du tribunal, citée par l'agence France presse.
Renault Cléon et la société Renault comparaissaient pour homicide involontaire dans la cadre du travail et infraction à la réglementation générale sur l’hygiène et la sécurité au travail. Le groupe Renault a été condamné à une amende de 200.000 euros et la SNC Renault Cléon à une amende de 100.000 euros.
A titre de peine complémentaire, le jugement devra être affiché pendant un mois à l'entrée de l'entreprise et sur les panneaux des représentants du personnel. Renault et le parquet ont dix jours pour faire appel.
Carence de l'employeur dans la formation sur la machine
"Nous sommes soulagés par ce jugement", a réagi Karim Berbra, avocat de la famille du salarié mort. "Renault est responsable de la mort de Jérôme D. Il faut que Renault accepte le jugement et en tire des conséquences pour les salariés qui travaillent encore sur le site."
La vice-procureure de la République, avait relevé "un cumul de fautes de la part de l'employeur, avec un lien de cause à effet avec le décès de" la victime, père de deux enfants.
La magistrate du parquet avait notamment souligné que la victime n'avait pas reçu "de formation spécifique à cette machine" et une "absence d'évaluation préalable des risques".
"Plusieurs témoignages disent que Jérôme D. ne connaissait pas le fonctionnement de la machine. Il n'a pas été formé au fonctionnement de cette machine", avait de son côté relevé la présidente du tribunal correctionnel.
Un technicien de maintenance expérimenté
Le 10 mars 2016, dans la soirée, Jérôme D. était retrouvé inconscient, le corps coincé dans une machine de nettoyage de pièces automobiles, de 5 mètres sur 11 mètres. Il devait ajouter un tendeur pour augmenter la cadence de l'appareil. Il décèdera quelques jours plus tard de ses blessures.
L'enquête montrera qu'il avait fait fonctionner la machine, portes ouvertes, dans le cadre de son opération de maintenance. En se penchant, il était passé devant un capteur, un caisson très lourd était tombé sur lui.
Une manière de procéder pour limiter l'arrêt des machines
Les syndicats avaient expliqué lors du premier procès (en 2019, le juge avait conclu par une demande de complément d'information) qu'il était courant dans l'usine de Cléon que des systèmes de sécurité soient désactivés pour faciliter les opérations de maintenance.
Le 13 mai, l'avocat de la partie civile maitre Karim Berbra a expliqué que "La pratique du shuntage des machines chez Renault Cléon était courante, connue de la hiérarchie". Elle permettait d'éviter que les machines ne fonctionnent pas pendant un délai trop long.
Pour la direction de Renault, la victime était un technicien expérimenté ayant bénéficié de formation sur la sécurité. Il aurait commis le 10 mars 2016 une imprudence. "L'entreprise et les procédures ne sont pas en cause, selon moi. C'est une faute d'inattention", avait en revanche estimé à la barre l'ancien directeur de l'usine. "C'est un accident dramatique, un traumatisme pour moi aujourd'hui encore", avait-il ajouté.
William Audoux, secrétaire de la CGT Renault Cléon avait dénoncé une organisation qui commande de"faire toujours plus, toujours plus vite, avec moins de monde"