C’est une conséquence supplémentaire du confinement. Le service addictologie du C.H.U de Rouen tourne à plein régime. En cause : l’isolement provoqué par le confinement a révélé voire aggravé des pratiques addictives chez certaines personnes qui demandent aujourd’hui à être pris en charge.
« Le confinement m’a isolée. Quand on se sent mal dans sa tête, on se sent mal dans son corps. Et quand je me sens mal dans mon corps, je consomme de la morphine. », décrit la jeune femme tout en soulignant la présence d’une réserve d’antidouleurs chez elle. La trentenaire craint désormais de subir de nouveau cet isolement avec le couvre-feu de 21 heures. « Je ne peux plus aller assister à des concerts. Pourtant j’adore la musique. C’est une forme de thérapie. », précise-t-elle.
600 consultations supplémentaires en septembreJe suis insomniaque alors les nuits sous couvre-feu risquent d'être très longues pour moi"
Jeanne est loin d’être un cas isolé. Au C.H.U de Rouen, le service addictologie est débordé. Entre mars et mi-septembre, cette aile de l’hôpital Charles Nicolle a dû fonctionner de manière dégradée. De nombreuses infirmières ont été réaffectées à d’autres services jugés « prioritaires ». Ainsi, à sa réouverture totale il y a mois, le nombre de consultations a explosé. Le Dr Alexandre Baguet estime à 20% la hausse du nombre de consultations par rapport à la même période l’an passé. Fin septembre, le médecin comptabilisait 600 consultations supplémentaires sur un mois. Une conséquence notamment de l’absence de prise en charge de la plupart des patients pendant le confinement. Surtout, « le confinement a accentué voire révélé des pratiques addictives » explique le docteur Alexandre Baguet.
VIDEO - 23/10/2020 - Le boom des addictions - Reportage : Thomas Chammah et Damien Lefauconnier (Montage : Joffrey Ledoyen)
Au-delà du confinement, le spécialiste voit en la période actuelle une source d’angoisse pour ses patients. « Les gens sont inquiets pour leur santé, leur emploi, leur famille. Cet ensemble est déstabilisant sur le plan psychologique. Beaucoup d’addictions découlent de cette instabilité. », explique le médecin. Pour exemple, selon un sondage réalisé pendant le confinement, 5,5 millions de Français ont déclaré consommer davantage d’alcool. Certains jusqu’à l’addiction.
Le docteur Alexandre Baguet pense désormais à l’avenir. L’afflux récent de patients atteints par la covid-19 pourrait de nouveau mettre à mal son service. Pour y faire face, l’addictologue pense à mettre en place davantage de téléconsultations pour accueillir en priorité les patients qui ont besoin d’une prise en charge urgente. Le spécialiste espère également que son service sera moins mis à contribution afin de limiter les déprogrammations de soins pour ses patients. « Dans le champ particulier des addictions, nous avons souffert d’une image de soins trop programmés. En réalité certaines situations aigües ne nous permettent pas de différer leurs prises en charges. », explique le médecin optimiste quant à la gestion des prochaines semaines. « Nous avons beaucoup appris de la première vague. »