Les confinements successifs leur ont ouvert les yeux. Cuisiniers, serveurs, barmans...ils sont nombreux à avoir abandonner le secteur chronophage de la restauration pour se reconvertir. A l'heure de la réouverture des terrasses, certains restaurateurs peinent à recruter.
Il a rouvert aujourd'hui la terrasse de son restaurant face à l'église Saint-Maclou de Rouen avec un effectif réduit de moitié. S'en suivra la salle le 9 juin prochain. Thomas Lemelle aura alors besoin d'une équipe complète pour faire tourner son établissement spécialisé dans la viande.
Problème, l'une de ses anciennes salariées a déménagé et quitté son poste. Alors depuis plus de deux semaines, le restaurateur recherche un serveur polyvalent, en vain. Le propriétaire du restaurant "Rotomagus" installé dans le centre-ville historique a pourtant lancé des appels sur les réseaux sociaux : Facebook, Instagram ainsi que sur des sites spécialisés dans la recherche d'emploi.
Des candidats non-qualifiés
Les candidatures n'ont pas manqué, le professionnel a reçu une cinquantaine de CV, mais aucun n'a convenu : "c'était des CV de personnes qui ne sont pas du tout du métier. Pour travailler dans la restauration, il faut un minimum de qualification malgrè l’impression qu’on peut avoir".
Ça paraît simple de servir une assiette mais en fait ça ne s’improvise pas !
Les confinements successifs sont l'une des explications de cette pénurie, selon Pierre Guéret, propriétaire de plusieurs restaurants rouennais : "l'inactivité entraîne forcément une réflexion sur sa profession. Quand vous êtes chez vous le soir, le week-end...vous vous rendez compte de certaines choses et c’est normal d'avoir envie de changer de vie". Quelques salariés du chef d'entreprise ont profité des périodes de confinements pour partir vers d'autres horizons.
Il l'admet, la restauration est un milieu contraignant mais passionnant. C'est d'ailleurs ce qui motive ses troupes : "ils sont passionnés par leur métier et n'ont qu'une envie c'est de retrouver le contact avec les clients".
Les effectifs sont incomplets mais il reste encore trois semaines aux gérants des établissements de Pierre Guéret pour remonter des équipes.
On passe des annonces, on cherche des serveurs, des barmans, et surtout des cuisiniers. Ils sont devenus une denrée rare.
On estime à environ 110 000 en France, le nombre de salariés de l'hôtellerie et de la restauration qui travaillent désormais dans un autre secteur.
Une pénurie accentuée sur l'emploi saisonnier
Avec l'arrivée des beaux jours, nombreux sont les restaurateurs à employer du personnel pour quelques mois, d'avril à septembre et plus particulièrement les professionnels installés sur la côte normande.
Malheureusement, certains n'ont pas pu renouveler les contrats de leurs salariés employés les années précédentes. "Généralement, le personnel saisonnier est contacté en mars pour débuter la saison un mois plus tard, mais il se trouve qu'en mars on n'avait aucune visibilité sur les éventuelles réouvertures", explique Philippe Coudy, président de l'UMIH, Union des Métiers de l'Industrie Hôtellière de Seine-Maritime, avant de poursuivre "bien sûr que certains ont profité du confinement pour se remettre en question, c'est dans tous les secteurs d'activité et particulièrement le nôtre".
La pénurie est telle qu'un regroupement de professionnels normands a lancé un appel à candidatures pour recruter du personnel. Il est possible de les contacter via l'adresse recrutementgni@orange.fr.
Slimane Hamzaoui
Président du Groupement national des indépendants hôtellerie et restauration Normandie
Pas de crise de la vocation
Contrairement aux attentes, les confinements successifs pourraient profiter aux jeunes étudiants du secteur de l'hôtellerie et de la restauration.
Au lycée professionnel Georges Baptiste de Canteleu près de Rouen, l'inquiétude était grande chez les élèves en CAP Hôtellerie comme chez le personnel enseignant.
En raison de la situation sanitaire, beaucoup ne pensaient pas pouvoir poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. Finalement, sur la promotion de 90 élèves, la quasi-totalité a trouvé un stage de fin d'année chez un professionnel. Il débutera le 24 mai : "Ils ont trouvé parce que le déconfinement a été annoncé. Certaines entreprises ont même accepté de prendre les élèves en amont, pour préparer leurs réouvertures et ça c'est très interéssant pour les jeunes", explique Frédéric De Bellis, proviseur de l'établissement. "Pour certains, ce stage va même servir de tremplin, poursuit-il, les entreprises ont fait des propositions aux élèves parce qu'elles savent qu'elles ne vont pas retrouver la totalité de leur effectif de personnel".
L'année compliquée qui vient de s'écouler n'a pas refroidi les élèves qui envisagent une carrière dans le secteur.
Le nombre de postulant au BTS Hôtellerie Restauration pour la rentrée 2021 est loin d'être catastrophique, bien au contraire. "On attend les affectations pour l'année prochaine mais on a déjà 290 candidatures pour 36 places. C'est plus important que le volume habituel. Et puis on n'a pas eu d'abandon d'élèves en cours d'année. Ce sont des jeunes filles et des jeunes garçons qui savent pourquoi ils sont là, et qui ont envie de rester dans le métier !".