Des surveillants du centre de détention de Val-de-Reuil rejugés à Rouen

Cinq gardiens de prison sont accusés de violences commises en 2020 sur un détenu. Leur procès en appel a débuté le 22 février 2021.

Les cinq hommes dont l'âge s'échelonne de 36 à 52 ans, avaient déjà été condamnés par le tribunal judiciaire d'Evreux en avril 2020 à des peines allant de 4 mois de prison avec sursis à un an ferme.

En appel à Rouen

Placés sous contrôle judiciaire, ces cinq prévenus étaient à nouveau réunis ce lundi en début d'après-midi pour le début de leur procès en appel au palais de justice de Rouen.

Frédéric K. est jugé pour violence aggravée, Erwin D. pour violence aggravée et faux et usage de faux. En première instance, ils avaient été condamnés en avril 2020 par le tribunal judiciaire d'Evreux  respectivement à 1 an de prison dont huit mois avec sursis, et deux ans de prison dont un avec sursis.

Les trois autres sont jugés pour "abstention volontaire d'empêcher un crime ou un délit contre l'intégrité d'une personne" et/ou "faux et usage de faux". En première instance, ils avaient été condamnés à des peines allant de 4 mois de prison avec sursis à un an de prison dont huit mois avec sursis.

Deux d'entre eux (Erwin D. et Cédric D.) avaient également écopé de l'interdiction définitive d'exercer l'activité de surveillant pénitentiaire.

"Espace de non droit" et "système général d'omerta en détention"

En attendant avril et le jugement, l'audience d'hier (lundi 22 février 2021) a permis de décrire les rapports de force qui existent en milieu carcéral et de mieux comprendre comment et pourquoi des agents de l'administration pénitentiaire (qui dépend du ministère de la Justice) en sont arrivés à commettre des actes si graves.

"L'administration pénitentiaire n'est pas un assemblage de lâcheté et de laissez-faire, même si ce dossier montre le contraire", a lancé l'avocat général Philippe Coindeau.

"L'image de tout cela, c'est que la détention à Val-de-Reuil, le 7 février 2020, c'était un espace de non droit. Le mensonge atteint toute l'institution et, au-delà, toute la République. Le métier de surveillant est un métier particulièrement dur. Si votre action est individuelle, le déni est collectif", a ajouté le magistrat.

Il a requis une peine de quatre ans de prison, dont trois ferme, à l'encontre d'Erwin D., condamné à deux ans de prison dont un avec sursis par le tribunal correctionnel d'Evreux pour violence aggravée et faux et usage de faux. Dix-huit mois de prison, dont un an ferme, ont été requis contre Cédric D. Une interdiction définitive d'exercer le métier de surveillant a été requise à l'encontre de ces deux prévenus.

Huit mois de prison avec sursis ont été requis contre Sylvain O. et Matthieu S.  L'avocat général a également demandé d'infirmer la dispense d'inscription au casier judiciaire accordée à Frédéric K., condamné à un an dont 8 mois avec sursis et qui n'a pas fait appel au pénal.

L'avocat de la victime, Me Jérémy Kalfon a dénoncé à l'audience "des coups qui humilient, une volonté de faire mal, il aurait pu mourir".

Les cinq prévenus, âgés de 36 à 52 ans et placés sous contrôle judiciaire, ont globalement reconnu les faits à l'audience.

"De voir un collègue blessé, j'ai perdu mon sang froid. Je m'en veux. Je ne conteste pas ma culpabilité mais la peine", a déclaré Erwin D. à la barre. "Tout le monde savait pour les faux rapports. J'ai l'impression que ma hiérarchie essaye de m'enfoncer."
Suspendu de ses fonctions, il cherche à se reconvertir en ambulancier.

"Je suis resté sans rien dire lorsque j'ai vu les claques. Quand on dénonce, vous êtes en quarantaine, plus personne ne veut vous parler", a lâché Matthieu S., surveillant depuis 18 ans, jamais sanctionné.

Me Claire-Marie Pépin, avocate de Sylvain O. a évoqué "un système général d'omerta en détention".

"L'administration pénitentiaire n'a rien fait pour que cette enquête avance. Rien ne sort de l'administration pénitentiaire. Vous ne savez pas ce qui s'y passe. C'est une boite noire", a abondé Me Marc François, avocat d'Erwin D.

La cour d'appel a mis sa décision en délibéré au 20 avril.

Des coups de talon au visage d'un détenu

Les faits reprochés remontent au 7 février 2020 lorsqu'un détenu, Lee-Bert F., signalé comme "potentiellement agressif", avait refusé une fouille par palpation et  porté un coup de stylo dans le menton d'un gardien, ce qui avait occasionné au gardien blessé 3 jours d'ITT.

Lee-Bert F. avait ensuite donné aux enquêteurs une autre version que celle des surveillants qui affirmaient que, dans un "accès de rage" le détenu s'était débattu et avait tenté de frapper des agents.

Le détenu a déclaré avoir été violemment plaqué au mur après avoir refusé la palpation, puis avoir pointé son stylo "sans réfléchir" en direction du surveillant. Il avait ajouté que les autres surveillants s'étaient jetés sur lui pour le maîtriser, que l'un d'entre eux lui avait placé un genou sur la nuque, l'empêchant de respirer, puis qu'il avait reçu des coups de talon au visage.

Plusieurs certificats médicaux avaient permis de déterminer la nature des blessures du détenu dont l'occlusion complète d'une paupière, des hématomes à chaque orbite et une vision trouble à un œil.  

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