Nous avons reçu le témoignage d’une personne qui a travaillé dans l’EHPAD « la Ruche » à Elbeuf. Cet établissement est visé par une plainte pour mauvais traitement envers une résidente.
Cette personne qui a travaillé quelques mois en 2015 à l’EHPAD « la Ruche » à Elbeuf nous a contactés après la publication de l’article traitant d’une plainte pour mauvais traitements. Cette personne a porté des soins à Mme Goubert, la résidente concernée par les mauvais traitements.
Elle reconnaît que :
Titulaire d’aucun diplôme dans le domaine d’aide à la personne, cette personne a été rapidement embauchée par l’ancienne direction qui lui précise qu’ils « ont besoin de personne pour faire des heures ».Cette dame avait peur de tomber depuis qu’elle avait fait une chute. Dès qu’on la manipulait elle avait toujours peur. Mais j’ai déjà entendu une collègue lui dire « arrêtez de faire du cinéma, on y va ! ». Elle était brutale dans ses propos ce qui ne rassurait pas la dame.
Effectivement comme beaucoup d’EHPAD, la main d’œuvre manque et très vite, elle constate que le manque de moyens humains n’a d’égal que le manque de moyens financiers.
Un quota de draps
La nuit, il n’y avait que deux aidants pour tout le bâtiment soit 94 résidents répartis sur 3 niveaux dont une unité Alzheimer. En journée entre 10 et 15 personnes travaillent dans cet EHPAD.
On n’a pas le temps de bien s’occuper des résidents, il faut faire très vite au détriment de la qualité du soin.Pour moi, la maltraitance au quotidien commence par le quota de draps pour la literie des résidents. Je trouve cela déplorable, on est jamais à l’abri d’une mauvaise digestion, d’une épidémie de gastro. Quand on leur précisait qu’on avait plus de draps on nous répondait tant pis et les personnes dormaient sur le matelas.
Rien ne change malgré un changement de direction
La directrice qui m’avait embauchée a été licenciée, je pensais que ça allait changé des choses mais en parlant avec mes anciens collègues je me suis rendue compte que rien n’a changé.Un de ses pires souvenirs : avoir retrouvé une résidente le visage en sang
Quand un jour j’ai pris mon quart, j’ai retrouvé une dame par terre en sang avec les lunettes incrustées dans le visage parce qu’elle était tombée face la première. Les collègues n’avaient pas eu le temps de coucher la dame, ils l’avaient laissé dans son fauteuil et quand elle a voulu se coucher elle est tombée. Cette dame-là avait eu un AVC elle ne pouvait pas se déplacer toute seule. C’était un carnage. Il n’y a pas eu d’enquête en interne pour savoir comment cet accident a pu se passer. Aucune sanction n’a été prise.
Des actes médicaux faits par des personnes non diplômées
Elle a constaté également que certains actes médicaux n’étaient pas effectués par des infirmières ou les médecins :On avait installé un penflow à un résident alors qu’on a pas été formé pour ce genre d’intervention. Et si on a fait ça c’est parce que ce monsieur utilisait beaucoup trop de protections urinaires car il était incontinent. Au prix où les résidents payent leur hébergement. On me demandait aussi de changer des pansements et je n’avais aucun diplôme ni formation pour cela.
Quand plusieurs personnes tombaient en même temps la nuit étant donné que nous étions que deux la direction nous disait d’appeler le SAMU. On les appelait constamment. Il n’y avait aucun infirmier ni médecin la nuit.
Pendant les repas c’était pratiquement du gavage quand il fallait leur donner à la bouche car on n’était pas assez nombreux. C’est écœurant.
Je n’étais pas épuisée physiquement mais c’était moral. J’ai préféré arrêter. On s’attache aux personnes et quand on voit comment ils sont traités ça dégoûte ! Je ne voulais pas leur infliger cela.
La résignation des salariés
Quand j’en parlais avec certains collègues ils me disaient ça sert à rien d’en parler à la direction ou les médias car c’est partout pareil. On se rend compte que c’est une vérité que tout le monde sait.
Je sais que plusieurs familles s’étaient plaintes auprès de la direction et de la Croix Rouge mais je ne sais pas si elles ont déposé plainte. Il y a des familles qui ont retiré leur proche de cet établissement pour des problèmes de négligence, de qualité de soins.