Le 20 juin, au soir du premier tour, au-delà des différences politiques, la non-distribution des "plis électoraux" au domicile des électeurs a été unanimement dénoncée.
A chaque élection, les électeurs doivent recevoir, au plus tard le mercredi précédant le premier tour, ce qu'on appelle le matériel de '"propagande électorale" des candidats. A savoir une circulaire (ou "profession de foi") et un bulletin de vote de chaque candidat.
L'occasion pour les électeurs de prendre le temps de connaître les candidats, leurs co-listiers et leur programme.
Or dès jeudi soir, des Normands ont commencé à s'inquiéter de ne rien recevoir. Confirmation le vendredi dans de nombreuses communes de différents départements comme dans l'Eure où, contactée par des habitants du Vaudreuil, la préfecture indiquait collecter "l'ensemble des difficultés soulevées par les électeurs ou les communes sur la distribution de la propagande afin d'établir un rapport auprès du ministère.
La société Adrexo chargée de la distribution a également été saisie, nous sommes en attente de sa réponse. Ces difficultés touches plusieurs départements."
C'est à la suite d'un appel d'offres lancé par le ministère de l'Intérieur que cette société spécialisée dans la distribution de documents publicitaires a été retenue pour l'acheminent des plis électoraux dans une grande partie du territoire, le reste étant confié à la Poste.
Le ministre de l'Intérieur, alerté sur cette situation inédite annonçait "condamner ces dysfonctionnements" et vouloir convoquer la société Adrexo.
(Ce qui fut fait le lendemain matin du 1er tour > lire plus bas.)
Dans quelques communes, la propagande électorale a été mal distribuée par la société Adrexo.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) June 16, 2021
Nous condamnons ces dysfonctionnements et le gouvernement s’en excuse auprès des candidats concernés.
A ma demande, la société Adrexo sera convoquée dans les jours prochains. pic.twitter.com/4RwGMHE1Ug
Finalement, dimanche matin, de nombreux électeurs n'avaient toujours rien reçu.
Colère des candidats
Le soir du premier tour des élections départementales et régionales, le dimanche 20 juin, dès l'annonce des premiers résultats, élus et candidats dénonçaient la non-distribution des documents au domicile des électeurs, estimant que cela avait contribué, pour une part, dans l'abstention importante de ce scrutin.
La maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, fut un des premiers à s'exprimer sur ce sujet :
"Je n'ai pas l'habitude d'élever la voix ou de m'agacer, mais là, je voudrais quand même, si vous me le permettez, de pousser un coup de gueule parce que j'ai fait le tour des bureaux de vote à Rouen et j'ai vu quantité de citoyens qui n'ont pas reçu les documents électoraux, professions de foi etc…"
Comment se fait-il que ce gouvernement, que cet Etat, la 6e puissance mondiale, ne soit pas capable de distribuer à tous les citoyens, quelle que soit leur opinion, les documents électoraux ?
Ça c'est scandaleux !
Socialistes, RN et centristes unanimes
Fait assez rare dans une élection, des candidats de bords politiques différents partagent le même avis sur cette affaire de distribution de bulletins de vote.
A Rouen, Guillaume Pennelle, candidat RN aux départementales a exprimé dimanche soir sur l'antenne de la radio France Bleu Normandie sa colère :1
"Cela a été une véritable catastrophe ! La société Adrexo a confié la distribution, il faut le dire, je le dis ouvertement, à certains de ses employés qui sont de véritables traine-savates et qui n'ont pas fait leur travail puisque ce sont, à l'échelle de la France plusieurs millions de personnes qui n'ont pas reçu les circulaires, donc qui n'étaient pas au courant qu'il y avait des élections ! La distribution de ces circulaires ça fonctionnait très bien avec le service public : ça s'appelait la Poste ! (…) On a voulu confier cela à une compagnie privée pour faire des économies trois francs six sous…"
Mélanie Boulanger, candidate PS-EELV aux régionales regrette elle aussi le choix de cette société privée au détriment de la Poste :
"Depuis toujours l'Etat fait confiance à la Poste et aux facteurs (à qui je rends hommage) pour distribuer les enveloppes électorales. On a préféré cette fois-ci faire confiance à une entreprise privé. Vous savez, les gens, ils attendent leur enveloppe. Dans ma commune, j'ai des gens qui sont venus me voir au cours des derniers jours en me disant "on ne comprend pas madame le maire, on n'a rien reçu."
Président de région sortant, le centriste Hervé Morin, dénonce lui aussi ces dysfonctionnements de distribution :
"Dans mon coin, quasiment personne n'a eu de professions de foi, moi le premier, d'ailleurs… Et j'ai eu, je sais pas, cent maires qui m'ont envoyé un texto, ou des colistiers, qui me disaient "on n'a pas de professions de foi, on n'a pas de bulletins !" Enfin, c'est quand même un vrai scandale ce qui s'est passé !"
Convocation au ministère de l'Intérieur et premières mesures en vue du second tour
C'est ce lundi matin, au lendemain du 1er tour, que les dirigeants de la Poste et d'Adrexo ont été convoqués par Gérald Darmanin.
Je leur ai rappelé l’obligation de résultats qui les liait et demandé de garantir que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas dimanche prochain.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) June 21, 2021
Tous les enseignements des erreurs commises seront tirés au lendemain du second tour de ces élections. https://t.co/WbKQ0oYtHd
Le ministre de l'Intérieur leur a rappelé l'obligation de résultats à laquelle ils étaient liés et il leur a été "demandé de garantir que tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas pour le second tour du 27 juin". Gérald Darmanin a enjoint ces deux sociétés de "prendre toutes les mesures afin de rétablir un service normal."
Que s'est-il passé ? Pourquoi la propagande électorale n'a pas été acheminée ? On ne le sait pas encore, et le ministère de l'Intérieur ne donne pas d'information à ce sujet et indique que "les sociétés concernées communiqueront directement afin d'apporter les réponses légitimement attendues par les élus et candidats, ainsi que par nos concitoyens."
Ces deux sociétés, La Poste et Adrexo, doivent annoncer d'ici la fin de journée ce qu'elles comptent faire pour le second tour.
Par ailleurs, dans chaque département, les préfectures vont détacher un délégué qui sera chargé de contrôler la préparation des envois des enveloppes électorales et un numéro d'appel va être mis en place pour permettre aux équipes des candidats de signaler le moindre incident.