Le musée national de l’éducation de Rouen présente des compositions originales de Gustave Flaubert au sein d’une exposition sur son parcours scolaire. Un élève passionné du début du XIXème, un tantinet rebelle.
Gustave Flaubert est l’auteur qui à l'âge de dix ans publie Éloge de Corneille démontrant ainsi sa connaissance de Molière, et déjà, sa maitrise de l’ironie, et même de l’autodérision. Le jeune Flaubert est éduqué par sa mère jusqu’à son entrée en 8ème - ancienne classe de CM1 - au collège royal de Rouen, futur lycée Corneille. « Dans les familles aisées, c’était soit un précepteur, soit la mère qui donnait les premiers rudiments pour entrer en classe : lire, écrire, compter », explique Joëlle Robert, commissaire de l’exposition L’élève Flaubert : « Nous étions à l’étude… ». L’école primaire gratuite et obligatoire à partir de six ans arrivera avec la loi Jules Ferry cinquante ans plus tard…
Pour fêter le bicentenaire de la naissance de l’auteur de Madame Bovary, le musée national de l’éducation de Rouen expose des documents, dessins et autres objets, évoquant le parcours intellectuel du jeune homme, jusqu'au 31 octobre 2021. Des ouvrages que Gustave Flaubert découvre dès son plus jeune âge comme Don Quichotte, ou encore un buste miniature représentant Corneille lui ayant appartenu… mais surtout, des écrits originaux du Collège Royal et des compositions calligraphiées par le jeune homme. « J’ai envie de voir ce qu’il faisait à l’école, et surtout son écriture. Mon arrière-grand-mère était premier prix d’écriture alors ça m’intéresse. Cette écriture penchée, la forme des lettres… Ça me rappelle des souvenirs », évoque Marie-Claire, qui vient régulièrement visiter les expositions du musée.
L’école au début du XIXème siècle
Les visiteurs de l’exposition peuvent découvrir la composition de Flaubert pour les prix d’Histoire. C’est l’année de première (appelée à l’époque « rhétorique ») et c’est l’un des derniers examens de l’année 1937. « On y découvre qu’il était un très bon élève sur le plan du savoir. Ce n’est pas un très bon élève en latin ou en grec parce qu’il n’aime pas les traductions mais il se passionne pour l’Histoire littéraire car il aime lire et raisonner », analyse Joëlle Robert. Une composition d’histoire naturelle est également exposée, vraie passion de Flaubert pour cette matière dont l’enseignement dure deux ans. « Les deux années de suite il aura le premier prix d’histoire naturelle », souligne la commissaire de l’exposition.
Latin, Grec, Rhétorique, Humanités… des matières majeures aujourd’hui remplacées par le français, l’histoire géographie ou encore les mathématiques. « L’idée de parler de la scolarité de Gustave Flaubert c’est également pour les collégiens de comparer leur scolarité actuelle, comment les choses ont évolué. De voir les différences, que ce soit en matière de contenus, de formes ou d’enseignements », déclare Emily Busato, régisseuse des expositions du musée national de l’éducation de Rouen. « Les Humanités, le grec, le latin ne font plus partie des bases de l’enseignement actuel », poursuit-elle.
En 1830, le mobilier était très rudimentaire, les élèves écrivaient sur leurs genoux, il y avait très peu de tables.
Pourtant issus de milieux aisés, les élèves du collège royal étudient dans un environnement très dépouillé. « En 1830, le mobilier était très rudimentaire, les élèves écrivaient sur leurs genoux, il y avait très peu de tables » atteste Emily Busato. Les tableaux et les cartes géographiques sont des éléments pédagogiques nouveaux à l’époque, bien loin des rétroprojecteurs et autres tableaux numériques interactifs modernes…
L’élève passionné se rebelle
Gustave Flaubert est passionné par le savoir et par certains de ses maîtres comme le professeur d’Histoire Adolphe Cheruel, érudit exceptionnel agrégé de Lettres, qui parle sans note et éblouit les élèves.
C’est avec un professeur remplaçant que le parcours scolaire du jeune Flaubert s’assombrit en décembre 1939 en classe de Terminale après une punition qu’il estime injustifiée. « À la fin du premier trimestre, alors qu’il est premier à la composition de Philosophie, le professeur Mallet tombe malade. Le remplaçant ne se fait pas écouter de ces élèves et donne un pensum à toute la classe, qui devra copier une phrase en latin mille fois. Flaubert s’insurge et écrit une lettre au proviseur signée par vingt-neuf élèves », raconte Joëlle Robert. La punition n’est pas retirée et trois élèves sont exclus, dont Gustave. « À cette époque-là, il y avait une discipline, qui n’existe plus maintenant, c’est sûr ! », s’exclame Michel, du haut de ses soixante-dix-neuf ans.
Du régime impérial, le collège de Rouen avait hérité une certaine allure militaire. « Moi j’ai fait le service militaire… il y avait de la discipline et c’est dommage que ça n’existe plus », observe le visiteur, nostalgique.
Gustave Flaubert écrit beaucoup en dehors des devoirs demandés pour le collège. Il lit beaucoup de littérature romantique et possède une culture classique formidable. Sa maturité et son autonomie lui permettront d’obtenir son certificat d’études en candidat libre le 3 août 1840.