Emmanuel Macron a promis 5 milliards d'euros pour favoriser la décarbonation des industries les plus polluantes du pays. En Normandie, plusieurs entreprises sont concernées.
Comment diminuer largement les émissions de gaz à effet de serre des entreprises les plus polluantes en Normandie ? De retour de la COP27 de Charm el-Cheikh en Egypte, Emmanuel Macron a réuni les dirigeants des 50 entreprises les plus polluantes du pays. Parmi elles, cinq se situent en Normandie : ExxonMobil à Gravenchon (76), TotalEnergies à Gonfreville (76), Yara au Havre (76), Boréalis au Grand-Quevilly (76) et Ciment Calcia à Ranville (14).
Durant sa conférence au palais de l'Élysée, le président a rappelé que la France ne représentait "qu'un centième des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avant de poursuivre, il nous faut faire deux fois mieux."
Et en Normandie, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, est venu faire de la pédagogie auprès des salariés de l'entreprise Saipol de Grand-Couronne (Seine-Maritime). "Investir dans la décarbonation, faire preuve de sobriété, fabriquer de l'hydrogène : économiquement c'est bon" a martelé le ministre.
Du côté de Saipol (qui ne figure pas dans la liste des 50 entreprises les plus polluantes), on veut faire des efforts et notamment s'allier avec les autres partenaires industriels de la région. "Ici on brûle des plaquettes de bois issues des forêts normandes et nous pourrions offrir nos surplus de vapeur", explique Christophe Beaunoir, directeur général de Saipol. Dans cette entreprise qui fabrique des biocarburants, on voit d'un bon oeil les projets de stockage de carbone annoncé par le président de la République, "c'est une technologie intéressante qui nous permet de nous projeter à l'horizon 2027", ajoute M. Beaunoir.
Devant l'entreprise, le ministre Béchu assure que la décarbonation est d'abord dans l'intérêt des entreprises : "il y a la pression des consommateurs, mais décarboner c'est aussi se passer de notre dépendance à des matières premières dont on ne maitrise pas les prix." Quant à savoir si les industries qui ne respectent pas leurs engagements en matière d'émissions de gaz à effet de serre, seront sanctionnées, le ministre de Transition écologique botte en touche.
Près de 10 millions de tonnes de gaz à effet de serre rejetés le long de l'axe Seine
L'industrie représente aujourd'hui 20% des émissions de CO² en France, notamment dans les secteurs de la métallurgie, de la chimie, du verre et du ciment. Leur point commun est d'émettre des quantités considérables de CO² dans l'atmosphère, soit parce qu'ils brûlent du gaz pour chauffer leurs installations, soit parce qu'ils extraient certains éléments chimiques (l'hydrogène par exemple) du méthane et rejettent le CO². A eux seuls, les 50 sites les plus polluants représentent 54% des émissions de l'industrie et 10% des émissions du pays.
En Normandie, "c'est autour de l'axe Seine que se concentrent les entreprises les plus polluantes", a souligné Emmanuel Macron lors de sa conférence. Au total, près de 10 millions de tonnes sont rejetés par les industries notamment dans le bassin havrais.
Les industries ont maintenant 6 mois pour proposer une feuille de route, filière par filière, pour décarboner leur production
Emmanuel Macron, Président de la République
"Le but c'est de baisser les émissions sans baisser la production", souligne les conseillers du président Macron. Plusieurs changements vont intervenir ces prochaines années à commencer par l'abandon des énergies fossiles (pétrole ou gaz) pour se tourner vers l'électricité non émettrice de CO2, soit verte (éolienne ou solaire), soit nucléaire, soit encore de l'hydrogène décarboné, produit à partir d'électricité elle-même décarbonée. Sept milliards d'euros ont déjà été promis pour favoriser la filière hydrogène. "Les industries ont maintenant 6 mois pour proposer une feuille de route, filière par filière, pour décarboner leur production", a annoncé le Président de la République. L'objectif : éviter l'émission de 10 millions de tonnes de CO² d'ici 2027.
Les industries pourront également capturer et séquestrer le CO2 émis ou de le réutiliser dans le processus de production. "Le gouvernement devra me présenter un plan d'action sur le captage du CO² dans les 6 mois à venir", a souligné Emmanuel Macron.
"Si vous doublez vos efforts nous doublerons les aides"
Si l'objectif est ambitieux, le chef de l'État voit plus loin. Il a promis aux industriels de doubler l'aide initiale de 5 milliards d'euros. "Si vous doublez vos efforts (..) nous doublerons les moyens consacrés à cet enjeu et passerons l'enveloppe 10 milliards d'euros d'accompagnement", a notamment annoncé Emmanuel Macron.
"La clé sera le montant de l'aide publique qui sera consentie" pour aider les industriels, résume Vincent Charlet, économiste à la Fabrique de l'Industrie, "sans aides publiques, des filières entières risquent de disparaître" en France et en Europe. Le Président de la République a donné rendez-vous aux industriels dans six mois pour faire un premier point d'étapes sur les efforts qu'ils auront mis en œuvre en faveur de la planète.