La ville de Rouen a pris sa décision après des semaines de suspense. Elle a fait le choix de ne plus autoriser l'organisation des 24h Motonautiques. Une décision à laquelle les organisateurs ne s'attendaient pas et la fin d'un événement sportif international dont la 60ème édition devait se tenir en 2023.
C'est une nouvelle à laquelle il ne s'attendait pas. Hier soir, Gilles Guignard président du Rouen Yacht Club et de la Fédération Française de Motonautisme a reçu un coup de téléphone du maire de Rouen lui annonçant que la ville ne soutenait plus les 24h Motonautiques. "J'ai été très surpris", raconte t'il. "On avait eu une réunion de travail mi-juin avec la mairie et on était reparti avec de bons espoirs. On avait même prévu de se revoir en septembre pour parler de la prochaine édition, en 2023".
Sauf que la mairie en a décidé autrement. En plein été, dans un communiqué publié jeudi 11 août, la ville de Rouen a annoncé mettre fin à l'autorisation au Rouen Yacht Club d'organiser les 24h Motonautiques. Une décision motivée par le contexte économique et l'impact écologique de la course, très décrié ces dernières années.
"Le réchauffement climatique, si tragiquement visible cet été à travers des épisodes majeurs et récurrents de canicules, a également des conséquences et nous pousse à agir. Des efforts importants sont demandés à tous, ménages, collectivités, entreprises, notamment en matière de sobriété énergétique. Nous devons être exemplaires." explique le communiqué de la mairie, avant de conclure : "ce contexte difficile [...] impose de faire des choix. C’est la raison pour laquelle la Ville de Rouen a décidé de ne plus délivrer l’autorisation au Rouen Yacht Club d’organiser les 24h motonautiques".
Mais l'argument écologique ne tient pas pour Gilles Guignard qui voit plutôt dans cette décision, un accord politique avec le groupe écologiste : "on pense qu'il y a un accord post-élections. L'excuse écologique est trop facile. C’est vrai qu'il y a du carburant consommé, ce sont des moteurs thermiques mais des moteurs de plaisance, des moteurs standard".
Le président rappelle que pour l'édition 2023, l'équipe d'organisation travaillait dur pour réduire l'impact écologique de la course "lors de la réunion avec la mairie, on avait mis en avant le carburant propre, l’ajout d’hydrogène. Concernant le moteur électrique, on avait commencé a travaillé avec certains constructeurs mais ça ne se fait pas en claquant les doigts !" explique t'il, déçu.
Une décision qui en tout cas, a satisfait les élus écologistes de la ville qui souhaitaient depuis longtemps voir disparaître cette course qu'ils jugeaient trop polluante.
La mairie elle, se défend : cette décision n'a pas été prise sous la pression du groupe écologiste. "Il en va tout simplement de la responsabilité collective. Tout va dans le même sens, vers une ville plus respirable et moins polluée" explique Sarah Vauzelle.
On doit faire des choix en tant qu’élus. Les 24h Motonautiques, c'est l'équivalent de la consommation annuelle de 50 voitures. L'intérêt sportif est assez limité et la course provoque des nuisances dans une ville déjà fortement polluée.
Sarah Vauzelle - Adjointe au sport à la Ville de Rouen
L'adjointe au sport à la mairie de Rouen pointe aussi du doigt la baisse de popularité de la course : "les 24h motonautiques n’ont plus l’attrait qu’ils avaient avant. L'engouement n'est plus aussi fort, les quais n’étaient plus aussi bondés. ça a sans doute été déclenché par l'accident mortel qui a eu lieu en 2010..."
Un événement controversé
Du côté des habitants, les avis sont partagés. Pour certains, les 24h Motonautiques étaient restés un événement d'un autre temps et d'une discipline trop confidentielle : "c'est un anachronisme. C'est probablement une bonne chose de supprimer cette épreuve qui faisait plaisir qu'à quelques personnes et c'était une hérésie sur le plan écologique. Il faut laisser les milieux naturels tranquilles", déplore Stéphane.
A l'inverse, Frédérique regrette la suppression de cet événement populaire qui faisait vivre la ville : "Je trouve que c’est dommage, ça ramenait du monde à Rouen. C'était attractif pour la région et atypique. Ça faisait partie de l'image de la ville", raconte-elle.
La ville ajoute dans son communiqué qu'elle prouve aussi "sa capacité à organiser de grandes fêtes populaires, gratuites" en ville et autour de la Seine et rappelle qu'en 2023, les Rouennaises et les Rouennais accueilleront le monde pour faire la fête à l'occasion de la 8ème édition l'Armada.
Certains internautes restent dubitatifs sur cette décision de la mairie et ont réagi sur les réseaux sociaux.
Une course devenue incontournable
C'est le Rouen Yacht Club qui en 1964 fonde les 24h Motonautiques. Cette compétition de motonautisme d'endurance se déroulera à Rouen chaque année les 30 avril et 1er mai.
La course se faisait sur la Seine autour de l'île Lacroix et le bateau vainqueur était celui qui avait accompli la plus longue distance pendant ces 24 Heures.
En 1993, André Larue (FR), Patrice Kabatski (FR) et John Castelli (États-Unis) ont effectué le plus grand nombre de kilomètres (3 182) en 24 heures et détiennent toujours le record de la distance parcourue.
Cette manifestation gratuite d'ampleur internationale comptait pour le championnat du monde d'endurance motonautique et attirait chaque année près 400 000 spectateurs sur les bords de Seine.
Cette course a permis de tester de nouveaux moteurs, coques de bateaux et transmis la passion du motonautisme à plusieurs générations de pilotes normands.
Le rouennais Philippe Chiappe est devenu champion du monde de cette discipline en F1. Mais il a marqué l'histoire des 24h Motonautiques en remportant la course 5 fois consécutivement, de 2013 à 2017.
Dans notre discipline, nous contribuons à développer avec les constructeurs des moteurs plus vertueux.
Philippe Chiappe - Multiple vainqueur des 24h Motonautiques de Rouen
Joint par téléphone, le pilote de 58 ans n'a pas été surpris par cette annonce mais s'étonne tout de même des raisons évoquées par la mairie : "Je ne suis pas certain que les 24h Motonautiques soit la seule cause du réchauffement climatique. Il y aura toujours des transports motorisés sur l'eau", explique t'il.
Quant à l'organisation de la course Gilles Guignard, il lance un appel aux municipalités qui accepteraient de recevoir la course, une compétition "unique au monde", tient-il à rappeler.