La marque Kleenex fêtait ce mardi 8 octobre ses 100 ans d'existence. Un anniversaire que les salariés de l'usine Kimberly-Clark de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime) n'ont pas fêté : en grève depuis une semaine, ils s'inquiètent pour leur avenir. Explications.
C'est un article de nos confrères des Échos qui a allumé la mèche. Le média évoque une possible revente "d'une partie (des) mouchoirs Kleenex" par Kimberly-Clark, la société dépositaire de la marque. Un préavis de grève est en cours depuis le 2 octobre dernier à l'usine de Sotteville-lès-Rouen, qui produit des mouchoirs en papier pour tout le Vieux Continent.
Une restructuration de l'entreprise à l'international
Dans les faits, Kimberly-Clark a décidé, en mars dernier, de restructurer certaines de ses activités, regroupant plusieurs pôles. Les produits de papier (mouchoirs, rouleaux de papier toilette et d'essuie-tout) de deux grands services, consumers (consommateurs) et professional (professionnel), seront réunis sous une seule et même entité, international family care and professional. Delphine Husson, directrice générale de Kimberly-Clark France, assure : "On ne les fusionne pas, on les réorganise au niveau de la stratégie."
Cette réorganisation des services est entrée en vigueur au niveau mondial le 1er octobre. Suscitant l'inquiétude des salariés et des syndicats. Secrétaire CGT Kimberly-Clark, en poste à l'usine de Sotteville-lès-Rouen depuis plus de vingt ans, Éric Boissy craint que certains postes ne soient menacés sur le long terme.
On entend parler d'une suppression de l'ordre de 5 000 postes au niveau international. On ne nous dit pas que la société va fermer, mais on a peur pour nos emplois.
Éric Boissy, secrétaire CGT Kimberly-Clarkà France 3 Normandie
"On a demandé des explications à la direction. Elle nous dit que l'article des Échos n'est pas un communiqué de Kimberly-Clark, mais des ragots, souligne-t-il. Les salariés cherchent des réponses. Si revente il y a, ce ne serait pas forcément à un concurrent papetier pur. On ne sait pas si on ne ferait que des marques privées, on ne sait rien du tout."
"Cette consultation ne concerne absolument pas Rouen"
Pourtant, rassure Delphine Husson, le site de Rouen n'est aucunement concerné par cette restructuration des activités. Et les 156 salariés n'ont pas à craindre pour leur poste car la revente n'est pas au programme.
"Depuis mars, on a maintenu une communication tout à fait ouverte et constante avec l'ensemble de nos employés. L'activité de la France a été très peu impactée et les postes qui ont été touchés ne concernent que des postes du siège social de Nanterre. Cette consultation, achevée depuis plusieurs semaines maintenant, ne concerne absolument pas Rouen", promet-elle.
On est bien conscient que certains de nos employés ont exprimé des préoccupations depuis la parution de l'article. Mais c'est une rumeur. Chez Kimberly-Clark, nous avons pour habitude de ne pas commenter les rumeurs, qui sont purement spéculatives.
Delphine Husson, DG France de Kimberly-Clarkà France 3 Normandie
La réorganisation, complexe, ne changera donc pas foncièrement l'activité des salariés rouennais. Mais quid des 5 000 postes menacés ? "Ce chiffre est inexact, corrige Delphine Husson, évoquant 2 000 emplois. Ce qui a été annoncé, c'est une estimation entre 4 et 5% des effectifs mondiaux, qui sont de 40 000 personnes, étalés sur plusieurs années."
"On se préparait à fêter les 100 ans de la marque Kleenex et on avait envie de parler de ce site [de Rouen], qui est pour nous un centre d'excellence", relève Delphine Husson. La filiale de Sotteville-lès-Rouen "est une des plus grandes usines de mouchoirs d'Europe. On souhaite démontrer notre engagement continu en faveur de l'innovation, et notre volonté de fournir des produits de haute qualité."
Regardez ce reportage de F. Bollez et V. Leroux :
D'autres changements mis en cause par les salariés
Mais les craintes consécutives à cette réorganisation des pôles consumers et professional ne sont pas les seules explications à ce mouvement de grève. Éric Boissy s'inquiète aussi de certains changements récents dans le rythme de travail des salariés. "Nous avons un directeur arrivé il y a à peu près un an. Il a une gestion de fermeture des sites dans son CV... Et depuis un an, il remet en cause certains avantages que l'on a réussi à obtenir avec les années."
"Il estime que nous avons trop d'accords d'établissement, que nos primes sont très complexes, que c'est une usine à gaz... Nous travaillons 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Depuis son arrivée, il a essayé d'instaurer une période de congés imposés, une période choisie pour éviter que l'on travaille pendant les jours fériés, dénonce Éric Boissy. Forcément, ça a suscité beaucoup de mécontentement dans l'établissement, et une perte de salaire."
Le risque, c'est qu'on a ici des conquis et des acquis que l'on a eu au fil des années dans cette société dans laquelle on est tous content de travailler... Mais on a peur de tout perdre.
Éric Boissy
En 2023 la marque Kleenex a enregistré un chiffre d’affaires de 82 millions d’euros en France. La direction devrait s'exprimer dans la journée pour rassurer les 156 salariés que compte le site de l'agglomération rouennaise. En attendant, la CGT maintient son appel à la grève jusqu'à nouvel ordre.
Avec Félix Bollez.