Un mois et demi après l'incendie, les habitants de Grand-Couronne s'interrogent sur la dangerosité des fumées du stockage de lithium voisinant avec un stockage de pneus. La ville dépose plainte contre X et va constituer sa réserve communale de sécurité civile.
Sur le boulevard de l'Ile aux Oiseaux, les entrepôts éventrés du stockage de Bolloré Logistics sont une vision angoissante pour les habitants et tous ceux qui travaillent dans la zone industrialo-portuaire de Grand-Couronne.
Le 16 janvier, à 16H30, ils ont entendu les déflagrations, et vu le ciel rougir. Douze-mille batteries au lithium et soixante-dix mille pneus se sont consumés.
Ni consigne d'évacuation, ni confinement n'ont été décidés par les autorités préfectorales, comme lors de l'incendie de Lubrizol. Beaucoup de riverains se sont sentis livrés à eux-mêmes.
"Moi qui habite à 300 mètres, je n'étais prévenu de rien du tout. On se retrouve avec un nuage de fumée énorme au-dessus de la tête, sans information, sans rien du tout"
Dans une entreprise voisine de l'incendie, une salariée témoigne un mois et demi après, "au bureau, plusieurs d'entre nous ont été malades le lendemain, des maux de tête, les yeux qui piquent, mal au ventre".
Une plainte contre X pour obtenir réparation et être informé du dossier
Pourquoi ce hangar loué par "Bolloré Logistics" a t-il pris feu ? La maire de Grand-Couronne, Julie Lesage, n'a pas encore connaissance d'explications. Le 27 février, elle a réuni un conseil municipal extraordinaire.
La ville va déposer plainte contre X. Elle veut obtenir réparation pour le préjudice environnemental sur la pollution de l'air et de l'eau "dans le temps, il peut y avoir des conséquences", explique l'élue.
Pour cette ville des bords de Seine, il y a aussi un préjudice moral d'atteinte à l'image de la ville, "des habitants peuvent être réticents pour venir s'installer à Grand-Couronne".
Julie Lesage tient aussi à avoir connaissance de tous les éléments des enquêtes de la Police Judiciaire et de la DREAL.
Des particuliers ont déposé plainte, l'association Robin des Bois a aussi annoncé vouloir s'engager dans cette demande de justice.
Une réserve communale pour organiser l'entraide en cas de nouvel accident
L'incendie a démontré que les habitants avaient réagi et s'étaient entraidés durant l'incendie du 16 janvier dernier .
La ville de Grand-Couronne compte 35 établissements industriels (source INSEE, 2019) dont 2 sites Seveso seuil bas.
Le maire a fait voter en conseil extraordinaire la création d'une réserve communale de sécurité civile. Elle permet d'apporter son aide dans plusieurs situations :
- Catastrophe naturelle (par exemple, inondation, incendie de forêt)
- Accident industriel (par exemple, explosion d'une usine)
- Information de la population sur les risques
- Participation à l'alerte des populations ou à l'évacuation d'un quartier
- Aide à la protection des meubles des personnes en zone inondable
- Accueil des sinistrés dans un centre de regroupement
- Suivi des personnes vulnérables en période de canicule ou de grand froid
- Surveillance de digues, de massifs forestiers ou de cours d'eau
- Aide au nettoyage et à la remise en état des habitations
- Aide aux sinistrés dans leurs démarches administratives
- Collecte et distribution de dons au profit des sinistrés
(Source : Service-public.fr)
Les volontaires pourront se faire connaitre auprès de la mairie. Les contrats ont une durée de 1 à 5 ans. La loi fixe un nombre de jours maximum de 15 jours par an.
Comme pour Lubrizol, pas d'analyses de sang, de cheveux ou d'urine mais un suivi des données médicales
Les résultats des premiers prélèvements dans l'air et l'eau ont été publiés sur le site de la préfecture de Seine-Maritime. On y apprend que la combustion des 12 000 batteries de lithium n'aurait pas laissé de traces significatives.
"Le lithium et les composés organiques chlorés, fluorés susceptibles d'être émis dans ce type d'incendie n'ont pas été retrouvés dans les échantillons. Les résultats des acides minéraux dont l'acide fluorhydrique susceptibles d'être émis lorsqu'une batterie de lithium brûle sont tous inférieurs aux limites de quantification du laboratoire."
D'autres résultats de prélèvements d'eau d'extinction, d'air et de poussières seront communiqués dans les prochains mois. .
Le panache de fumées chargées de particules polluantes a tourné au gré des vents comme une aiguille d'horloge tout autour de Grand-Couronne, jusque dans le département de l'Eure. Les modélisations du panache et analyses des capteurs d'air d'Atmo Normandie le démontrent.
Pour la santé humaine, il n'y a pas eu de campagne de "prélèvements" d'échantillons biologiques. Même choix, qu'après l'incendie de Lubrizol.
La méthode est celle de la surveillance du recours à la médecine d'urgence.
Aucun signal sanitaire lié au recours aux soins de Urgences n'a été détecté depuis la journée du 16 janvier 2023, à ce stade. (NDLR : 27 janvier). La surveillance se poursuit par Santé Publique France, mais sans évolution significative des indicateurs surveillés, la publication d'un point épidémiologique ne sera pas reconduit."
Préfecture de Seine-Maritime, le 27 janvier 2023
Des habitants ont ressenti des symptômes durant plusieurs jours. Ils ressemblent aussi à ceux d'habitants qui ont respiré sous le panache de l'incendie de Lubrizol et Normandie Logistique. "Une vingtaine de personnes habitants sur le territoire de l'agglomération rouennaise ont témoigné d'odeurs, principalement de brûlé (...) ces témoignages ont perduré jusqu'au 20 janvier et pour la majorité d'entre eux, des symptômes de santé concomitants à la perception de l'odeur ont été mentionnés, mal de tête, nausées, picotements, irritation, altération passagère de la voix, ces signalement ont été transmis à l'Agence Régionale de Santé." explique Atmo Normandie le 27 janvier dernier.