Incendie Lubrizol : un maire de Seine-Maritime porte plainte contre l'industriel

Le maire de Serqueux (Seine-Maritime) porte plainte contre Lubrizol. Selon une étude basée sur des prélèvement de lichens sur 23 communes de Rouen et ses alentours, les niveaux de substances cancérigènes dépassent de deux fois le seuil d'alerte pour les villes de Serqueux et de Bosc Bordel

La pollution liée à l'incendie Lubrizol a-t-elle été sous-évaluée ? C'est ce que considère le maire de Serqueux qui porte plainte contre l'industriel. En cause, une étude basée sur des prélèvements de lichens, sur 23 communes de Rouen et aux alentours. Ce champignon très sensible à la pollution, est une véritable "pellicule" pour les chercheurs. Il agit comme une éponge lorsqu'il est confronté à un évènement polluant, tel que le passage du nuage de l'incendie Lubrizol le 25 septembre 2019. Les résultats montrent qu'à Serqueux, tout comme à Bosc-Bordel et Romcherolles-en-Bray, dans le pays de Bray, les niveaux de produits cancérigènes relevés dépassent de deux fois le seuil d'alerte. 

"Ces chiffres avaient été présentés de manière succincte par le directeur de la DREAL à la toute fin du 9e comité de la transparence et du dialogue à la préfecture de Rouen (Seine-Maritime) début juillet 2021", nous indique Christophe Haulville, président de l'association de l'union des victimes de Lubrizol. A l'ordre du jour de cette réunion : les résultats de l'étude de Santé Publique France réalisée auprès de 5 000 personnes sur l'impact sanitaire et psychologique de l'incendie.

Le seuil d'alerte doublement dépassé

A l'issue de la réunion, la préfecture de Seine-Maritime a rendu public sur son site internet deux rapports d’analyses concernant les mesures réalisées dans les lichens par le bureau d’études Aair Lichens. Les chiffres indiquent que des molécules d'hydrocarbures cancérigènes (HAP) ont été retrouvées parfois en grande quantité dans les lichens prélevés. Certains étaient deux fois supérieurs au seuil d'alerte après l'incendie. 

"Pendant 3 heures on a essayé de nous vendre la belle parole comme quoi Lubrizol n’avait absolument rien pollué et que tout était ok pour la santé. Entre le discours très simpliste de la DREAL et les tableaux bardés de rouge de seuil d’alerte dans tous les sens, on est tombé des nues", s'indigne le président de l'association.

Le maire de Serqueux porte plainte

Alerté par l'association des victimes de Lubrizol, le maire de Serqueux Thomas Hermand a décidé de porter plainte contre Lubrizol. "Ce n’est pas normal qu’avec des taux pareil la commune ne soit pas au courant. Heureusement que l’association existe pour nous faire découvrir ce genre d’information et nous mettre en alerte." Le maire invite d’ailleurs tous les maires des communes du pays de Bray, "terre agricole", à faire de même. Il réclame un suivi sanitaire, ainsi qu’un accompagnement de tous les habitants “sans exception”.

Le maire de Serqueux souhaitait également porter plainte contre l'Etat mais a fait marche arrière car "plus compliqué administrativement."Thomas Hermand porte donc plainte contre Lubrizol pour "infractions de destruction de bien d'autrui et de mise en danger délibérée de la vie d'autrui". A cela s'ajoute "l'atteinte à l'environnement notamment pour avoir laissé couler, répandu ou jeté sur la voie publique des substances susceptibles de nuir à la salubrité et à la sécurité publique ou d'incommoder le public", mais aussi "jeté, déversé ou laissé s'écouler dans les eaux superficielles et souterraines, directement ou indirectement, des substances quelconques dont l'action ou les réactions ont, même provisoirement, entraîné des effets nuisibles sur la santé".

Dans son jardin, un habitant de Serqueux a conservé les vestiges de la pollution générée par la catastrophe de Lubrizol. Guy Pessy habite pourtant à plus de 40 km de l'incendie mais le panache de fumée a impacté l'environnement bien au-delà des frontières rouennaises. "Convaincu d’avoir été victime de cette pollution", il demande aujourd'hui à l'état un véritable suivi sanitaire. 

De son côté la préfecture considère que ces analyses révèlent avant tout une pollution ponctuelle.“Je ne trouve pas ces chiffres inquiétants. Ils traduisent simplement le passage de l’incendie. Tout incendie produit un certain nombre de molécules", rassure le préfet de Seine-Maritime Pierre-André Durand. Ce dernier assure qu'un suivi sanitaire de la population concernée sera possible par le biais du système national des données de santé. 

"Jamais un incendie industriel en France n'aura fait l'objet d'autant d'investigations"

Dans un courrier adressé aux maires de dizaines de communes touchées par la catastrophe industrielle, le préfet de Seine-Maritime, Pierre-André Durand dément les "informations inexactes diffusées par un acteur associatif et relayées dans les médias". Il rappelle que l'ensemble des études, analyses et rapports produits depuis la catastrophe sont en ligne sur le site de la préfecture.

Courrier du préfet aux maires

Pierre-André Durand souligne également que tous les prélèvements réalisés juste après l'incendie "se sont toujours révélés comme conformes aux seuils en vigueur et ou au bruit de fond en l'absence de seuil." De plus, la préfecture conteste l'interprétation faite de l'étude réalisée par le bureau d’études Aair Lichens : "Il n'y a pas de relation directe entre la teneur par les lichens et la teneur de ces polluants dans l'air." 

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