Des experts pour constater les conditions de vie indécentes des détenus de la maison d'arrêt de Rouen, c'est la requête qu'une avocate rouennaise vient de déposer au tribunal administratif de Rouen. Elle se base sur le témoignage de plusieurs prisonniers.
La prison de Rouen est de nouveau pointée du doigt pour les conditions de détention dégradées des détenus. Depuis plusieurs années, les associations de défense des libertés et plusieurs avocats alertent sur l'état de délabrement avancé d'une partie de la maison d'arrêt.
Construit en 1860, le bâtiment présente aujourd'hui de nombreux problèmes : de la moisissure dans certaines cellules du sol au plafond, des fissures, des infiltrations et une toiture dégradée. Actuellement 50 cellules ne peuvent être utilisées et sont condamnées
Des conditions de détention déplorables
Dans une requête que nous avons pu consulter, formulée par Me Julia Massardier et Me Mathilde Sanson, avocates au barreau de Rouen, huit détenus témoignent de leur quotidien entre les murs de la prison. Plusieurs d'entre eux dénoncent la présence de cafards, d'insectes, de rats, mais aussi l'absence d'accès à l'eau chaude dans les cellules, et des toilettes parfois hors-service.
Ils témoignent aussi de l'ambiance dégradée au sein de l'établissement pénitentiaire. Une avocate souligne qu'un détenu a été "témoin de brimades exercées par certains membres du personnel en raison de la tension existante parmi les détenus due aux conditions de détention."
Les conditions de détention sont indignes, particulièrement du fait de la saleté ambiante (douche, cellule, salle d’attente, promenade), du manque d’intimité et d’aération, de la surpopulation au sein de la cellule, des fuites d’eau et de l’insalubrité générale au sein de l’établissement.
un détenu incarcéré depuis moins d'un an
La requête à destination du juge des référés précise que les conditions de détention se dégradent chaque jour du fait de l’affaiblissement de la structure en raison de son ancienneté et des infiltrations d’eau. "Face à ce constat, de nombreux condamnés font actuellement l’objet de procédure de transfert.
Il est évoqué par les surveillants le transfert d’environ 40 détenus pour le seul mois de janvier 2024", soulignent les avocates.
Un autre détenu témoigne de la présence "de petites bêtes au bord des fenêtres et d’araignées" dans sa cellule. Il ajoute qu'avec le rafraîchissement des températures ces dernières semaines, "la situation est très difficile. [Je suis] souvent tombé malade en raison du manque d’isolation."
Dans une autre division de la prison, un troisième détenu dénonce aussi la surpopulation. "[Je] n'ai jamais osé demander à être seul en cellule car [je sais] d’avance que cela serait refusé par l’administration pénitentiaire par manque de places", s'émeut-il. S’il n’est actuellement qu’avec un seul codétenu dans sa cellule de 9m², il explique avoir passé cinq mois à trois en cellule. Selon lui, les parloirs sont également dans un état déplorable. Il évoque des moisissures, de l’urine et des déchets en tout genre.
Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti appelé à l'aide
Les détenus et leurs avocats ne sont pas les seuls à porter un appel au secours quant à la vétusté de la maison d'arrêt rouennaise. Les organisations syndicales ont publié une lettre ouverte début décembre. Quelques jours plus tard, leurs courroux et inquiétudes étaient relayés au Garde des Sceaux par trois élus de la zone. Gérard Leseul, député, Didier Marie Sénateur, et Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen cosignaient alors une missive à destination d'Eric Dupond-Moretti, dans l'espoir que la situation évolue au plus vite.