Suite à une lettre adressée par l'intersyndicale à la Direction de l'administration pénitentiaire le 6 décembre sur l'état de délabrement de la maison d'arrêt Bonne-Nouvelle de Rouen, le député PS de Seine-Maritime Gérard Leseul s'est rendu sur place. Le constat est sans appel : il y a urgence.
De la moisissure dans certaines cellules du sol au plafond, des fissures, des infiltrations, une toiture dégradée. En service depuis 1860, la liste de l'état de délabrement de la maison d'arrêt Bonne-Nouvelle de Rouen (Seine-Maritime) est longue.
Des "conditions dégradantes et dangereuses"
Dans un courrier adressé à la DAP (Direction de l'administration pénitentiaire) le 6 décembre, l'intersyndicale de la Maison d’arrêt tire la sonnette d'alarme. Le message est sans appel : "Nous ne pouvons plus tolérer ces conditions dégradantes et dangereuses".
Quelques lignes plus loin : "Ces problèmes créent du stress et de l'insécurité parmi l'ensemble du personnel et des personnes détenues".
La structure de cet édifice dans un état critique
Cinq jours plus tard, les élus locaux, Didier Marie (sénateur de la Seine-Maritime), Gérard Leseul (député de la Seine-Maritime) et Nicolas Mayer-Rossignol (maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie) adressent un courrier au garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
La direction de l'établissement est bien consciente de l'état de l'édifice et demande également de l'aide.
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Durant plusieurs heures, lundi 18 décembre 2023, le député Gérard Leseul, accompagné de Élise Theveny, cheffe d'établissement de la maison d'arrêt de Rouen, a déambulé, constatant l'ampleur des dégâts.
Douches, toits, salles communes, couloirs, etc. Le responsable politique a pris la mesure du dossier. Il est loin d'être simple.
Il y a urgence à entamer des travaux et une vraie réflexion sur la question bâtimentaire : faut-il rénover ou en bâtir une autre ?
Gérard Leseul, Député PS Seine-Maritime (5ème circonscription)
La direction agit comme elle le peut, en fermant petit à petit les parties qui peuvent nuire à la sécurité du personnel et des détenus. Un diagnostic est en cours, il rendra ses conclusions à la fin du premier trimestre 2024, "il faudra prendre des mesures urgentes, pour décider", souffle Élise Theveny.
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"Les difficultés, elles sont connues"
La direction et l'organisation syndicale l'assurent, elles travaillent main dans la main pour essayer d'améliorer la situation. Selon la direction "les décisions doivent être prises au niveau plus élevé".
La rénovation globale de la structure semble inévitable. Les travaux sur la toiture avoisineraient près de 10 millions d’euros et devraient débuter en 2025.
Les conditions de détention, comme les conditions de travail ne sont pas satisfaisantes. On ne peut pas envisager de ne rien faire de cette maison d’arrêt.
Gérard Leseul, Député PS Seine-Maritime (5ème circonscription)
L’établissement est situé en centre-ville, "cela permet aux détenus de rester au sein de la cité et de garder un lien avec leur famille durant leur détention", rappelle Élise Theveny. Selon cette dernière, les démarches de réinsertion peuvent être entamées plus facilement.
Les trois quarts des détenus sont issus de l’agglomération rouennaise. La durée de la détention moyenne est de huit mois. L'emplacement permet de continuer les partenariats, "tout ce qui fait le cœur de vie d’un centre pénitentiaire", assure-t-elle.
Une partie du plafond est tombée
La prison devait fermer en 2008, elle n’a pas été rénovée depuis. "Chaque semaine, on est obligés de fermer deux, trois cellules", relate Romain Gomez, secrétaire local du syndicat Force ouvrière, à la maison d'arrêt de Rouen.
Au total, ce sont 90 cellules qui ne sont plus exploitées. Par ailleurs, un bureau d’études a aussi été sollicité pour analyser une dalle qui s’effrite. La direction est en attente des résultats. Des devis pour des filets de gravats sont aussi en cours. Il y a quelques semaines, une partie du plafond est tombée.
On a eu de la chance qu’il n’y ait pas de détenu dans les douches quand cela s’est effondré, sinon il y aurait pu y avoir un drame.
Romain Gomez, secrétaire local du syndicat Force ouvrière à la maison d'arrêt de Rouen
Le temps presse
Qui dit cellule fermée, dit surpopulation et augmentation des tensions et des dérapages... Alors que la préconisation est d'une personne par cellule, compte tenu de la situation, la fréquentation a doublé voire triplé, entraînant "une augmentation de la charge de travail"... Romain Gomez rajoute : "Les détenus commencent à se rendre compte du danger et ils se demandent comment on en est arrivés là".
Du côté des politiques locales, Gérard Leseul l'assure : "Je prends l’engagement de mobiliser l’ensemble des politiques de l’agglomération rouennaise". Car le temps presse, des "pansements ont été réalisés, mais là on ne peut plus. Il faut des moyens rapides, on ne peut plus travailler correctement". Est-ce que toutes ces tractations suffiront pour faire bouger les lignes ? Depuis plusieurs années, les établissements français sont régulièrement pointés du doigt.
Retrouvez le reportage de Stéphanie Letournel et Cécile Bonté-Baratciart :
Dans un nouveau rapport annuel d’activité, publié le 11 mai 2023, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Dominique Simonnot, pointait l'inertie de "l'État", avec un sentiment "d'abandon". Avec 73 080 détenus au 1er avril 2023 et un taux d’occupation moyen des maisons d’arrêt à 142,2%, la France a atteint un nouveau record d’incarcérations.