Le site Seveso Total Lubrifiants près de Rouen sommé de revoir son système d’extinction d’incendies

Une inspection réalisée par la DREAL en avril dernier a mis en lumière des défaillances dans le système d’extinction d’incendies du site TotalEnergies Lubrifiants du Grand-Quevilly (Seine-Maritime). L’entreprise a jusqu’en 2024 pour démarrer les travaux.

Après les incendies de Lubrizol et de Bolloré Logistics, ces "anomalies", détectées dans le système d’extinction d’incendies d’un entrepôt de stockage TotalEnergies situé au Grand-Quevilly, classé Seveso seuil bas, ont de quoi inquiéter. Elles ont donc amené la DREAL à mettre en demeure la société à effectuer des remises aux normes, selon Paris-Normandie.

Des travaux qui doivent démarrer avant fin juillet 2024

Dans cet entrepôt sont stockées des huiles de moteur ou à usage industriel, ou encore des liquides de refroidissement. Si ces derniers sont fabriqués par TotalEnergies Lubrifiants, les activités du site sont, elles, gérées par Rhenus Logistics France. Dans deux arrêtés parus les 29 juin et 21 juillet dernier, la DREAL précise avoir constaté "que le système d’extinction automatique d’incendie" n’était pas "adapté au stockage de la majorité des produits présents sur le site".

"Cette anomalie ne permet pas de garantir l’efficacité et la cinétique de la chaîne d’extinction incendie en cas de sinistre", relève la préfecture. "Ces constats […] font courir le risque d’un incendie non contrôlable de tout ou une partie de l’entrepôt et ce, alors même qu’un incendie de stockage d’huiles et graisses présente des risques de propagation par nappe enflammée et est générateur d’intenses fumées noires."

Des travaux de mise en conformité devraient ainsi commencer avant le 31 juillet 2024, avec comme date butoir, le 30 septembre 2027, précise l’arrêté.

Compte-tenu de ce délai, "des mesures temporaires de renforcement de la sécurité ont été prescrites à TotalEnergies, permettant d’atteindre, sans délai, un niveau de sécurité équivalent à celui attendu par la réglementation, le temps que les travaux sur des équipements pérennes soient effectifs", énumère la préfecture :

  • présence 24h/24 , 7j/7 d’un binôme de gardiens formés équipiers de seconde intervention ;
  • hors utilisation, remisage des chariots élévateurs dans une zone dédiée, éloignée des stockages de matières combustibles ;
  • soumission des « permis de feu » et « permis d’intervention » (permis de travail spéciaux) pour les personnels effectuant des travaux avec points à analyse préalable par la direction Opérations de TotalEnergies Lubrifiants ;
  • mise à disposition des pompiers du SDIS de deux réservoirs souples supplémentaires de 120 m³ d’eau chacun et 2 réserves d’émulseur de 1 m³ chacune, dont l’emplacement est validé par le SDIS76 avant remplissage ;
  • augmentation de la fréquence des rondes de gardiennage hors période d’activité ;
  • augmentation de la fréquence de vérification de la protection incendie (sprinklage, détection, porte coupe-feu) ;
  • réalisation d’un exercice d’intervention incendie conjointement avec le SDIS en présence de l’inspection des installations classées avant le 30 juin 2024.

Les systèmes actuels "conformes à l'autorisation" obtenue en 2009, selon TotalEnergies

Contactée, TotalEnergies explique cet important délai et avance que "les systèmes d'extinction automatique d'incendie actuels" sont "conformes à l'autorisation d'exploiter du site" - une autorisation obtenue en janvier 2009, nous indique la société. Pourtant, ces derniers ne correspondent pas à la nouvelle législation, en vigueur depuis 2017.

L'entreprise a prévu de débloquer, d'ici le début des travaux, un investissement de dix millions d'euros pour la mise aux normes du site de stockage. "Cette mise à niveau permettra au site de bénéficier des nouvelles technologies disponibles, et a été confirmée par un rapport de l’assureur du site et une étude du système d’incendie réalisée par un bureau d’étude spécialisé", nous indique l'entreprise.

En attendant la mise en service de leurs nouveaux équipements, des mesures compensatoires "validées par le SDIS 76 et la DREAL" ont été mises en place depuis le 29 juin. Parmi elles : l'augmentation des rondes de gardiennage pendant et en-dehors des horaires d'activité du site, le stationnement des chariots à distance des stocks de matières combustibles, la réévaluation de certaines tâches par la direction Opération de TotalEnergies Lubrifiants ou encore la mise à disposition de réservoirs d'eau supplémentaires.

Un calendrier problématique ?

L'arrêté préfectoral précise que des anomalies avaient déjà "été relevées par l'inspection des installations classées dans les rapports de visite de 2020 et 2021" sur ce même site. Depuis, des études ont été réalisées... Mais le système d'extinction n'a pas encore évolué.

"Le système actuel est en toiture, il n'est pas adapté aux feux de liquides inflammables. S’il y avait un départ de feu, le liquide s’étendrait sur toute la surface possible, et mettrait en échec toute l’installation", précise Paul Poulain, ingénieur, consultant en risques industriels et auteur de "Tout peut exploser" (Fayard). "Le plus adapté serait un système de sprinklage [un système par aspersion, efficace mais très coûteux, ndlr], au plus proche du liquide inflammable, pour éviter une propagation du feu qui entraînerait des dégâts considérables et une toxicité importante pour l’environnement."

L’industriel part du principe qu’un incendie est rare. Il utilise cet argument vis-à-vis de l’administration, et met en concurrence l’investissement de sécurité face au fait d’aller dans un autre pays produire, où les réglementations ne l’obligeraient pas à s’équiper de systèmes de sécurité incendie à 10 millions d’euros.

Paul Poulain, ingénieur et consultant en risques industriels

à France 3 Normandie

Pour Paul Poulain, il y a urgence : un incendie généralisé, à ce stade, "entraînerait une combustion prolongée et émettrait des fumées toxiques bien plus longtemps que si le système était adapté à ce que préconise l'administration française."

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