Samedi 30 septembre 2023, deux immeubles "Verre et Acier" du quartier St Julien, sur la rive gauche, sont détruits par le feu. Désaffectés et promis à la destruction, ils symbolisaient l'histoire urbaine des années 68-70, l'ère de la construction "moderne". Depuis, les drames se sont succédé, causant la mort de plusieurs habitants. Retour sur cette histoire.
On les appelle les "Verre et Acier", ce sont des immeubles construits par l'architecte Marcel Lods, à la fin des années 60 sur les Hauts de Rouen. Il y en aura également dans le quartier Saint-Julien, sur la rive gauche. Ces immeubles sont novateurs pour l'époque. Dès 1968, c'est un immense chantier expérimental qui voit le jour à la Grand Mare.
Ce qui est révolutionnaire ? Tous les éléments sont fabriqués en usine et assemblés sur place. Cette méthode permet de construire rapidement à une époque où les besoins en logements sont importants. L'architecte Marcel Lods en fait sa marque de fabrique, il recevra pour ça le grand prix international Reynolds. La méthode fait ensuite débat, notamment le vide entre les cloisons (pour améliorer l'aspect phonique) qui crée un appel d'air en cas d'incendie.
Mon but est d'effondrer le prix de la construction. Sur le chantier de Rouen, nous livrons deux appartements par jour, sur les chantiers futurs, nous devrions en livrer sept. En ce qui concerne l'insonorisation, les appartements sont séparés des uns des autres par un vide d'air de 30 centimètres.
Marcel Lods - Archives de l'INA
Quatre incendies mortels depuis les années 80
Au fil des décennies, ces immeubles modernes sont le théâtre d’incendies qui feront au total 6 morts dont des enfants en majorité.
Un premier incendie mortel marque le début d'une série d'autres, en avril 1981, c'est un père et son fils âgé de 5 ans qui décèdent. Des locataires choisissent alors de quitter ce quartier "moderne" des Hauts de Rouen. Ce sont particulièrement les familles aisées, qu'on appellerait aujourd'hui "bobos" attirées par ce nouveau mode de vie, qui délaissent cet habitat.
Onze ans plus tard, deux nouveaux incendies se déclarent en deux jours. Un homme de 78 ans décède. Les habitants de l’immeuble mettent en cause la vétusté des installations électriques. Des opérations de réhabilitation sont mises en place.
Fin 2008, la Ville de Rouen décide de détruire les trois immeubles non habités et non réhabilités qui lui appartiennent. À l’époque, cette décision fait polémique. L’association "les amis des Lods" voit le jour afin de préserver ce qu’ils considèrent comme un patrimoine architectural unique.
L’opposition municipale s’empare du dossier, la ministre de la Culture de l’époque Christine Albanel place à titre d’urgence en 2009 les "Verre et Acier" au classement des Monuments Historiques. Résultat, toute destruction est interdite.
Mais en mars 2011, un bébé de 18 mois meurt à la Grand Mare et 6 mois plus tard ce sont deux fillettes Ambre et Lizzy qui perdent la vie dans un incendie. Le jour de la mort de ces enfants, le préfet de Seine-Maritime autorise "exceptionnellement" la destruction des trois immeubles appartenant à la Ville.
Après tous ces drames, pourquoi les immeubles Verre et Acier étaient-ils encore debout ?
Pour les autres immeubles propriétés de Rouen Habitat, la volonté de démolir, à partir de 2018, les 540 appartements (l’ensemble des « Verre et Acier ») a été stoppée net par la loi Élan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) votée fin 2018, qui a changé les règles pour les bailleurs sociaux.
Une démolition imminente
"Les immeubles du quartier Pépinières étaient désaffectés depuis 2018. Le projet de dépollution/démolition/reconstruction de l’ensemble du site a été acté en 2019. Il s’agit d’un projet à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’Euros. Après parution de l’appel d’offres en 2020 et examen des propositions, le projet a été attribué en 2021 au groupement Virgil/Cogedim. Après concertation avec les riverains en 2022 et passage par les étapes réglementaires imposées par la loi sur ce type de projet d’envergure, le permis d’aménager a été accordé début 2023 et les permis de construire étaient déposés cet été. La démolition était donc imminente." précise la Mairie de Rouen dans un communiqué du 02 octobre 2023.