Mort de Mamoudou Barry : « mon mari s’est fait tuer parce qu’il était noir »

Deux ans après la mort de Mamoudou Barry à Canteleu près de Rouen, sa veuve témoigne. Elle dénonce un crime raciste et regrette la lenteur de la justice.

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Le 19 juillet 2019, la vie de Fatoumata Barry prend un tournant dramatique. Elle assiste à la violente agression de son mari par un homme à Canteleu. Roué de coups, Mamoudou Barry décédera au CHU de Rouen le lendemain de son lynchage. Tout s’est déroulé sous les yeux de cette jeune maman. La fille du couple n’avait que deux ans au moment des faits. Son papa venait de l’endormir. Avant de regarder un match de foot avec ses amis, il était venu chercher sa femme en voiture à un arrêt de bus. Un homme l’agresse verbalement. Mamoudou Barry tente de le calmer mais se voit assener plusieurs coups violents. Sa femme est en pleurs à côté et supplie l’homme d’épargner son mari. Elle recevra également des menaces de mort.

Notre journaliste a recueilli son témoignage : « je me sens toujours comme si ça venait de se produire. C’était il y a 2 ans, mais c'est comme si c'était hier tellement c’est présent, douloureux, de perdre un être cher ça s’oublie pas. On apprend à vivre sans la personne, mais on peut jamais oublier, elle reste présente. » Pour la jeune femme, seul un procès peut l’aider à se reconstruire : « c’est très dur. Personnellement, je suis impatiente mais toute la famille aussi. J’ai besoin de me reconstruire, de faire mon deuil. Avec tous les rappels, tout le temps, c’est difficile, c’est dur à vivre. On attend ça impatiemment. On aurait souhaité que ça se termine. Voilà pourquoi on fait cette mobilisation, pour se faire entendre. »

Après plusieurs marches en 2019 et 2020, un nouveau rassemblement est prévu samedi 24 juillet 2021 à Rouen. Personne ne veut oublier ce crime et tous veulent que justice soit rendue.

L’agresseur responsable pénalement ?

Les proches de Mamoudou Barry attendent les résultats de l’expertise psychiatrique de l’agresseur. Arrêté rapidement, il avait reconnu les faits mais n’avait pas pu être placé en garde à vue en raison de ses troubles psychiatriques. Il était connu des services de police et sous traitement lors de son arrestation. Actuellement, il est toujours hospitalisé.

La juge d’instruction de Rouen avait qualifié les faits de violence volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Une qualification qui ne satisfait pas Mme Barry qui appréhende de revoir l’agresseur de son mari : « ça va être très dur de le revoir. On m'a dit que cette personne souffrait de troubles psychiatriques, ce je n’ai pas ce que j'ai vu. J’ai vu par mes propres yeux mon mari roué de coups. Je suis venu vers lui. Je lui ai dit : "t’as tué mon mari". Je l’ai crié trois fois, très fort. Et il me répond et m'insultes "si tu le rejoins tout de suite". Mon mari qui est couché sur le sol. Après, il est parti tranquillement attendre le bus. »

Le caractère raciste de l’agression

Il nous a vu avec notre couleur de peau noire. La seule infraction de mon mari c’est d’avoir la peau noire. Je suis choquée de voir qu’en 2021, au 21e siècle, on se fait tuer parce qu’on est noir.

Fatoumata Barry

"Etre noir n’est pas un crime, un délit. On est tous pareil. Mon mari se considérait comme un citoyen du monde aussi bien comme un Guinéen, Français, Européen, Africain. Mon mari ne méritait pas ce sort. Personne ne le mérite. Je suis sûre et certaine que ce criminel est raciste. Mon mari se serait mis à genou pour lui adresser la parole, c’était un grand homme. Pour moi, c’est quelque chose qui ne devrait pas exister. On le vit tous les jours : les insultes, les agressions, c’est tous les jours, ça se multiplie. Pour moi, les autorités françaises et la justice devraient  faire quelque chose. On est au 21e siècle, c’est inacceptable. C’est une honte pour un être humain de se croire supérieur à son prochain. Tout ce que je peux dire : levons-nous toutes et tous contre cela. Le racisme doit s’arrêter."

Mamoudou Barry s’apprêtait à devenir avocat en Guinée

Fatoumata Barry admirait son mari pour son intelligence et son parcours. Le jeune homme de 31 ans avait brillament réussi ses études en droit et s’apprétait à devenir avocat en Guinée, son pays natal où il repose désormais. « C’était quelqu’un d’exceptionnel. Mon mari était attentionné, très aimant. Un fils digne. Avec toute la force qu’il avait, le courage l’intelligence, il a fait un parcours incroyable. Il a fait scolarité dans notre pays d’origine, la Guinée. Il était venu en France pour poursuivre ses études supérieures. Il savait ce qu’il voulait faire, devenir et s’est battu, a tout donné, abandonné, pour réussir ce qu’il voulait être. Il a fait son master en droit privé en France, puis s’est inscrit en droit doctoral pour faire sa thèse qu’il a soutenue. Une mention lui a même été accordée, exceptionnellement. Il s’apprêtait à rentrer dans notre pays pour prêter serment et devenir avocat. Il avait pour projet de candidater au barreau de Paris. Au-delà du milieu académique,  il était très aimant. Il s’entendait avec tout le monde. Il avait créé un vaste réseau dans le sens académique. Il avait des connaissances et amis partout dans le monde. Il avait aussi une mixité culturelle, on recevait tout le temps des gens de différentes origines. Il était vraiment une référence pour l’Afrique. C’était vraiment quelqu’un de formidable. C’est une perte pour nous, pour moi. »

Aujourd’hui Fatoumata Barry n’arrive toujours pas à expliquer à sa petite fille ce qui est arrivé à son papa.

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