Figure du monde médical, créateur et chef du service de génétique au CHU de Rouen, le Professeur Thierry Frébourg est décédé le 13 mars 2021, à l'âge de 60 ans. Dans un communiqué, la directrice de l’hôpital avait alors expliqué qu’il avait été "victime d’un événement indésirable grave associé aux soins". Aujourd’hui, sa famille prend la parole pour rétablir la vérité et attend que l’hôpital reconnaisse sa responsabilité dans ce drame.
"On ne s'habitue pas à cette mort, notre famille est fracassée, c'est une mort injuste". C’est par ces mots qu’Olivier Frébourg achève sa déclaration. Un an et trois mois après le décès de son frère, Thierry Frébourg, l’émotion est toujours vive. Accompagné de Coralie, sa nièce et la fille du spécialiste de la génétique, il a choisi de s’exprimer pour rétablir la vérité sur les circonstances de sa mort.
Au-delà de sa famille, l’annonce de la disparition de ce Professeur reconnu et respecté avait aussi ému la communauté médicale et scientifique, à Rouen, en France et même à l’international.
"Le premier rapport est mensonger"
A la suite de son décès et sur demande de la famille, une enquête interne avait été menée par la commission de médiation du centre hospitalier. "Nous leur avons expliqué notre souhait de transparence et de clarté", détaille Olivier Frébourg. Mais aucun médecin, aucun soignant n’est alors interrogé. "Ce premier rapport est mensonger", dénonce le frère du Professeur, "ils y expliquent que mon frère a refusé d’être hospitalisé et qu’il s’est conduit de façon rebelle. Ce sont des mensonges. Sa femme, qui travaille aussi à l’hôpital, mais également plusieurs médecins ont vu mon frère livide et suffocant."
La famille de Thierry Frébourg, via un avocat, décide alors de saisir la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI). Deux experts en réanimation et en neurologie, n’exerçant pas à Rouen, ont été mandatés pour conduire une enquête externe.
"Une accumulation de mauvaises pratiques"
Les conclusions de ce rapport ont été livrées début mai 2022 à la famille, ainsi qu’au centre hospitalier rouennais.
Olivier Frébourg raconte : "Thierry a développé une maladie auto-immune et a dû subir un échange de plasma. Un cathéter était posé au niveau jugulaire. Ce cathéter a été enlevé par une infirmière, seulement accompagnée d’une élève infirmière de première année. Puis, mon frère s'est senti oppressé et a signalé des difficultés respiratoires."
A ce moment-là, des bulles gazeuses sont entrées dans le sang du patient, entraînant une embolie. Le rapport relève ainsi "une accumulation de mauvaises pratiques qui constituent des fautes graves et a donc conduit à une embolie gazeuse à forme pulmonaire et à terme au décès du patient."
Selon le rapport des experts, l’ablation du cathéter aurait par exemple due être réalisée tête en bas et en expiration forcée, l’acte aurait été réalisé en inspiration forcée et le lit incliné à 10 degrés seulement.
Désormais, la famille veut faire reconnaitre la faute médicale mais attend surtout une reconnaissance morale.
Les experts ont mis en lumière tous les dysfonctionnements, nous savons ce qui s’est passé mais n’avons pas eu amende honorable de la part du CHU. Nous n’avons jamais eu une main tendue, une excuse, un pardon de la part de l’hôpital. La moindre des choses, c’est de reconnaitre ses erreurs.
Olivier Frébourg
Pour Coralie, l’une des enfants de Thierry Frébourg, l’hôpital doit aussi la vérité aux soignants que son père a côtoyés et aux patients qu’il a soignés. "On demande cette prise de parole et cette mise en lumière de la vérité aussi pour les gens dont il était le médecin. Certains pensaient qu’il avait un cancer ! Nous on connait la vérité, maintenant on a besoin que les autres puissent aussi comprendre".
Deux autres recours déposés
Le rapport de la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux pointe clairement la responsabilité de l’établissement de soins rouennais et demande donc l’indemnisation de la famille. "Mon frère et moi avons été élevés dans le respect et l’amour de l’hôpital public. Tout ce que je souhaite, c’est que le CHU admette les choses, qu’il améliore les procédures… et que l’hôpital public aille mieux de manière générale. L'argent, on s'en fout", tient à préciser Olivier Frébourg.
Deux recours ont aussi été déposés, l’un auprès de l’Ordre des médecins et l’autre auprès de l’Ordre des infirmiers.
Contacté par nos équipes, le CHU de Rouen assure avoir modifié ses protocoles pour les ablations des cathéters. L’hôpital reconnait également des erreurs médicales et ajoute que le décès du Professeur Frébourg est une grande perte pour l’établissement. Il précise enfin qu’une première offre d’indemnisation est en cours de finalisation et sera bientôt adressée à l’avocat de la famille Frébourg.