Environ 200 habitants de deux immeubles de 10 étages situés à Bihorel près de Rouen vivent une galère au quotidien. Les pannes d'ascenseur à répétition empêchent certains résidents de sortir. Les machines ont pourtant été récemment installées.
Chaque sortie de son domicile est devenue une hantise. Martine hésite à quitter son appartement, elle a peur de ne pas pouvoir se servir de l'ascenseur ou pire de rester coincée à l'intérieur. Depuis quelques mois, celui de son immeuble, la résidence Nivernais à Bihorel, tombe en panne presque tous les jours : "on sort faire des courses, l'ascenseur fonctionne. On rentre, il est en panne. On est toujours dans l'anxiété, il faut prévoir à chaque fois qu'on sort", raconte cette habitante du 6ème étage.
En fait, on vit au rythme des pannes d'ascenseur !
Martine vit dans cet immeuble de dix étages avec son mari Michel depuis 45 ans. Ces dernières semaines, plusieurs de ses voisins ont dû être "sauvés" par les pompiers. "L'un de mes voisins de palier a été coincé pendant plus d'une heure. On a appelé la société Otis qui s'occupe de la maintenance, on nous a redirigé vers les pompiers". L'homme a été sorti entre deux étages, tiré par les pompiers car l'ascenseur était bloqué entre le 4ème et le 5ème étage.
Avant de monter dans l'ascenseur, on fait une prière !
Cet été, l'ascenseur a été bloqué pendant douze jours. En moyenne, il est inutilisable cinq jours par semaine. À chaque panne, les locataires joignent la société Otis qui leur envoie un technicien. Mais la plupart du temps, une heure après l'intervention du réparateur, l'ascenseur pourtant installé en octobre 2019, s'arrête. "Si la panne a lieu un jeudi, en général le réparateur ne vient pas avant le lundi, donc les week-ends sont compliqués !".
Des habitants isolés
Au dixième et dernier étage vit une femme de 92 ans. Ses voisins l'assurent : lorque l'ascenseur est en panne, elle ne met pas le nez dehors. Un isolement qui peut durer plusieurs jours. "Cette dame là est coincée ! L'aide à domicile qui vient s'occuper d'elle chaque jour ne veut plus monter. D'habitude, son aide à domicile lui fait faire un petit tour de l'immeuble, dehors, là elle ne peut plus !", poursuit Martine.
Il y a quelques années, lorsque le bailleur de l'immeuble a annoncé aux habitants que les ascenseurs seraient changés et s'arrêteraient à tous les étages (et non plus un étage sur deux), Véronique était ravie. Elle vit au rez-de chaussée du bâtiment avec son mari, un faux rez-de-chaussée, il faut tout de même monter quelques marches pour accéder à son appartement. Une semaine et demi avant la reprise de son travail, cette assistante maternelle qui garde trois enfants chez elle appréhende. "Il va falloir que ça change ! Quand je vais récupérer mes petits, malheureusement je ne pourrais pas sortir avec eux s'il fait beau. Avec la poussette, je n'ai pas le droit de descendre les escaliers. Et si la PMI vient me contrôler et me voit descendre avec des bébés dans les bras, elle m'enlève mon agrément", explique t'-elle.
Des ascenseurs dernier cri
Dans l'immeuble jumeau, l'Orléanais, situé juste à côté, le problème est identique. L'ascenseur rénové en novembre 2018 par la société Thyssen est victime de pannes très fréquentes. Les deux bâtiments ont subi des travaux de réhabilitation qui ne sont pas tout à fait terminés. Le bailleur Logéo Seine a alors à l'époque, sollicité la société Thyssen pour rénover entièrement les ascenseurs.
C'est aujourd'hui la société Otis qui a en charge la maintenance de ces appareils. Jointe par téléphone, l'entreprise a déclaré avoir connaissance des complications sur les ascenseurs qui datent des années 70 et qui ont été modernisé il y a un an et demi.
Une réparation compliquée
Selon la personne en charge de la communication pour Otis, les dysfonctionnements de l'ascenseur de l'immeuble Orléanais seraient liés à l'ouverture et à la fermeture des portes. "Il s'agit d'organes de sécurité essentiels et un mauvais calage ou un mauvais réglage doit générer une mise à l'arrêt", explique la salariée. "En revanche, concernant l'ascenseur de l'immeuble Nivernais, les dernières pannes sont liées à des problèmes d'impulseurs. Le matériel a été commandé et devrait bientôt arriver".
Otis assure qu'un expert technique est venu plusieurs fois dans le mois pour faire des études poussées et identifier les pannes. Différents changements de pièces ont été effectués, mais il faut plusieurs tentatives pour trouver l'origine du problème, "nous sommes bien conscients que cela génère de grandes difficultés en terme d'accessibilité pour les résidents mais nous mettons tout en oeuvre pour rétablir la situation" affirme la société.
C'est une affaire que l'on prend au sérieux.
De son côté, le bailleur Logéo Seine se dit "conscient" de la gêne occasionnée à leurs locataires. "Il y a eu un retard à la mise en service de l'ascenseur par Thyssen puis il y a eu un début de fonctionnement compliqué", explique Vincent Delizy, directeur territorial de Logéo Seine pour Rouen avant de poursuivre "les complications se sont accélérées ces derniers mois. En 1 an et demi, il y a eu entre 40 et 50 pannes sur chacun des appareils, c'est un taux anormal". Le bailleur veut être certain des diagnostics techniques de l'opérateur chargé de la maintenance, "nous voulons réunir le plus vite possible le bureau d'étude qui accompagne l'entretien et la rénovation des ascenseurs, ainsi qu'Otis et Thyssen".
En attendant que la situation s'améliore, Logéo Seine propose réguièrement aux locataires un service de portage. Le bailleur fait appel à des associations ou des entreprises d'insertion qui mettent à disposition du personnel dans les halls d'entrée des immeubles en fin de matinée et en fin d'après-midi pour aider les habitants à porter des courses par exemple. Il envisage aussi si nécessaire une régularisation des charges des locataires : "si on a un taux de fonctionnement qui n'est pas satisfaisant et qu'il n'y a pas de service minimum, le locataire peut le voir sur sa facture l'année suivante, ça semble légitime".