Didier Hardy, élu de l'agglomération rouennaise, a travaillé 40 ans pour France Télécom. Il a vécu de plein fouet la période du harcèlement moral, il fera une tentative de suicide. Depuis lundi, il suit attentivement le procès des anciens dirigeants devant le tribunal correctionnel de Paris.
Dix ans après la vague de suicides à France Télécom, le procès de l'entreprise et de ses anciens dirigeants a commencé lundi 6 mai 2019. Ils sont poursuivis par le tribunal correctionnel de Paris pour "harcèlement moral" ou complicité de harcèlement. En cause, la privatisation de l'entreprise et la mise en place de nouvelles technologies dans les années 2000. Les dirigeants ont alors mis en place une réorganisation, appellée Next impliquant suppressions de postes et changements de métiers.
Didier Hardy, en retraite depuis 2 ans, a vécu de près cette époque, il se souvient d'un jour terrible. En tant qu'attaché de presse pour la direction de France Télécom ex-Haute-Normandie, il doit s'exprimer devant les journalistes après un événement dramatique.
Un matin, on m'a demandé de monter sur Bois-Guillaume pour "contenir la presse". Un collègue, qui était aussi un copain, venait de tuer sa femme avant de se suicider dans le local de France Télécom. Je devais déclarer que c'était lié à des problèmes personnels. J'ai contesté et je suis devenu une cible - Didier Hardy.
Devenu une cible, on lui retire ses missions, il changera de poste alors qu'il est parmi les meilleurs attachés de presse du groupe. La pression lui semble terrible, au fil des trimestres ses primes vont baisser. Jusqu'au jour où il décide lui-même de commettre l'irréparable.
Aujourd'hui, il suit attentivement le procès, prévu jusqu'au 12 juillet prochain. Il n'en attend pas grand chose mais souhaite entendre les témoignages des salariés de l'époque, des parties civiles. Les juges d'instruction ont retenu le dossier de 39 salariés : 19 salariés suicidés, 12 ayant tenté de le faire et 8 ayant subi une dépression ou un arrêt de travail.Moi un matin, c'est dur à évoquer, j'ai pris une corde à la maison, je suis monté dans la forêt, j'ai dit "j'en finis", je n'en pouvais plus .. j'ai vu mes enfants dans mon insconscient, et là je ne l'ai pas fait. Sinon, comme beaucoup de collègues, je l'aurais fait. La pression était insupportable.
167 parties civiles sont parti prenantes.
Il s'est passé dix ans, la plupart des victimes l'attendaient, nous, on n'a pas été reconnus comme victimes, on est plus d'une centaine ...
J'aimerai simplement une chose, que Didier Lombard (ancien patron de France Télécom) présente ses excuses personnelles, c'est lui qui a initié avec les cadres une épuration, moi j'appelle ça comme ça - Didier Hardy.
En retraite depuis 2017 et après avoir suivi une psychothérapie, Didier Hardy consacre désormais sa vie à sa famille et à ses engagements politiques