Procès de l'incendie du Cuba Libre à Rouen : "ils sont partis bras dans les bras"

Emotion intense ce mardi, au 2ème jour du procès de l'incendie du Cuba Libre à Rouen. Les pompiers ont fait le récit de leur éprouvante intervention, dans la nuit du 6 août 2016. L'un d'eux a déclaré avoir trouvé "deux corps enlacés l'un contre l'autre". Ceux de deux frères morts dans l'incendie.

"Un piège", "une souricière": en ce deuxième jour du procès de l'incendie du Cuba Libre au tribunal correctionnel de Rouen, les pompiers ont livré le récit de leur éprouvante intervention dans la nuit du 5 au 6 août 2016. 14 personnes sont mortes cette nuit-là.

"Une porte fermée", "un sol glissant", "une visibilité quasi nulle, un escalier étroit et pentu", se souvient Anthony Le Corre. Ce pompier volontaire est descendu en binôme dans le sous-sol du bar.

Avec l'issue de secours fermée, c'était clairement un piège, a-t-il dit à la barre du tribunal correctionnel de Rouen, devant lequel comparaissent Nacer et Amirouche B., deux frères de 48 et 40 ans.

Ils sont jugés depuis hier pour "avoir involontairement causé la mort" de 14 personnes et involontairement blessé cinq autres grièvement, dans l'incendie de leur établissement dans la nuit du 5 au 6 août 2016.
 

Les victimes fêtaient les 20 ans d'une jeune femme dans le sous-sol de 24,4 m2 de ce bar aménagé sans autorisation en boîte de nuit, lorsque deux bougies du gâteau d'anniversaire, des fontaines à étincelles, ont enflammé le plafond d'un escalier étroit, bas et très pentu.

L'air n'était pas respirable, y compris à ras du sol, a expliqué le pompier. Il y avait entre huit et neuf corps dans le fumoir. Les victimes ont décidé de se retrouver tous ensemble là pour tenter une survie.

Mais les fumées noires ont tout envahi. Le pompier a raconté avoir découvert "deux corps enlacés l'un contre l'autre, assis, et tête contre tête." Il s'agissait de deux frères morts dans l'incendie.

En entendant ce témoignage, Karen Levesque, la soeur des deux victimes a été touchée en plein coeur :


Très émue parce que j’ai entendu une réponse à une des questions que je me posais à propos de mes deux frères. On se demandait s'ils avaient vécu ce moment ensemble. Et on a eu confirmation qu'effectivement, ils sont partis bras dans les bras en fait. C'est dur à entendre mais c'est un soulagement aussi. 


L'un des avocats des parties civiles demande au pompier :

Mon hypothèse, c'est que les frères ont vu la mort arriver. La partagez-vous ? "Oui", a-t-il répondu.

Peut-on parler d'une souricière ? a demandé une autre avocate. "Oui", a-t-il aussi acquiescé.

Une boule de feu

C'est Anthony Le Corre qui a découvert l'existence d'une issue de secours verrouillée au cours de l'intervention.

Sans outil de forcement, il était impossible de l'ouvrir.

Interrogés par deux fois par les pompiers à leur arrivée, les deux gérants du bar, aujourd'hui accusés, ont pourtant nié l'existence de cette issue de secours, qui était dissimulée derrière de la mousse isolante. Maître Marc François, avocat de la famille de Zacharia, le DJ mort lui aussi dans l'incendie, revient sur les conséquences de cette omission volontaire :

Si la porte de secours avait été déverrouillée, le bilan n'aurait pas été celui-ci. Ils auraient pu s'enfuir et ils auraient survécu à ce drame, a d'ailleurs estimé un autre pompier à la barre, le capitaine Cédric Le Borgne, entendu un peu plus tôt.

L'extraction des victimes a été très difficile en raison de l'étroitesse de l'escalier (...) Il fallait remonter des personnes à la verticale à la force des bras, a-t-il raconté, parlant d'une opération très éprouvante.

Alerté un peu après minuit, Cédric Le Borgne a décrit un feu de faible ampleur mais accompagné d'une "fumée très épaisse et opaque au sous-sol", générée notamment par la combustion de plaques de mousse en polyuréthane extrêmement inflammable et fumigène.
 
Selon le pompier, "80 à 90% de la mousse a été consumée" dans l'incendie. "Ce genre de matériau" ne doit pas être utilisé "dans un sous sol recevant du public", a-t-il rappelé.

Le champ de vision était réduit à quelques centimètres au sous-sol, a-t-il précisé. Il n'y avait pas non plus de système de désenfumage dans le bar.

Est-ce que c'est si rare que ça les établissements qui ne sont pas aux normes d'incendie ?", lui a demandé Antoine Vey, avocat de la défense.
Non, pas si rare, a répondu le pompier.

Les deux soldats du feu ont été applaudi en sortant de la salle d'audience.
 

 Dans la matinée, les deux prévenus avaient été interrogés sur le déroulement de l'incendie.

J'étais assis au bout du bar, je lève la tête et je vois une boule de feu arriver. Je n'ai pas compris, je crie: y'a le feu, il faut sortir ! J'ai essayé de descendre mais mon corps n'a pas réussi, j'étouffais et je suis sorti", a décrit Nacer B.

Interrogé lui aussi par la présidente, son frère Amirouche n'a pas pu répondre et s'est effondré en pleurs.
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