Rouen : la justice ordonne l'évacuation des squatteurs d'un ancien couvent

Le collectif qui occupe depuis le mois de juin 2021 les locaux de l'ancien foyer Sainte-Marie de Rouen (Seine-Maritime) pour s'opposer à un projet immobilier, est déclaré "expulsable".

Le juge des contentieux a tranché. Le collectif des jardins joyeux, qui occupe un ancien couvent à Rouen, doit expressément quitter les lieux. Depuis le mois de juin, ils sont une quarantaine à se relayer pour contester sa transformation en immeuble d’habitation. 

L'ancien couvent est situé dans le quartier Saint-Nicaise, rue de Joyeuse, au nord du centre-ville de Rouen, entre le lycée Corneille et la place du Boulingrin. Ses bâtiments, ses cours et ses jardins constituent un ensemble qui s'étend sur un grand espace de plusieurs milliers de mètres carrés.

Un projet immobilier

Après la fermeture du couvent Sainte-Marie et de l'ancien foyer de jeunes filles du même nom, les locaux ont été achetés en 2017 et font l'objet d'un grand projet immobilier.

La transformation des lieux prévoit la construction de logements neufs et implique la démolition d'une partie du bâtiment existant, en dépit du patrimoine historique et environnemental. 

Mais depuis son occupation… le promoteur et le propriétaire réclame l’expulsion des squatteurs avant la trêve hivernale… afin de pouvoir débuter les travaux.

Occupation des lieux par un collectif

Opposés à ce projet immobilier dans l'ancien couvent, les membres d'un collectif du nom de "Jardins Joyeux" ont envahi et squatté les lieux en juin 2021. Depuis, ils sont une quarantaine à se relayer pour tenter d'empêcher le projet des promoteurs :

"Nous on est là pour proposer un projet alternatif plutôt que du ciment et du béton. L'objectif c'est que ce soit un jardin partagé par les gens du quartier, et que les associations et habitants du quartier se réapproprient les lieux" expliquait l'un des militants le 26 juin. Depuis cet été, les occupants s’organisent pour faire vivre cet espace. Jardin partagé, mais aussi lieu de culture où des concerts sont régulièrement organisés. La programmation des concerts était faite jusqu'au mois de janvier 2022.

Expulsables en quelques heures par décision de justice

Débutée avant l'été, la bataille juridique entre occupants et propriétaires de l'ancien couvent a été relancée ce vendredi 29 octobre 2021 par le délibéré du juge des contentieux qui a déclaré le collectif expulsable. Avec leur avocat, les membres des "Jardins Joyeux" ont déposé un recours pour "faire appel de la décision et de solliciter la suspension de l'exécution d'expulsion auprès de madame la Première Présidente de la cour d'appel."

Dans un communiqué, le collectif conteste cette décision d'expulsion qui pourrait intervenir d'ici la fin de la journée, avant 19h, comme l'a précisé un huissier venu sur place en début d'après-midi :

"La rapidité de l'exécution alors que le verdict n'a été rendu public qu'à 9h ce matin est scandaleuse. De nombreuses personnes vivent sur place, sans aucune autre solution de logement. Un délai de 3h seulement est déloyal d'autant plus qu'une procédure d'appel est en cours. Nous demandons l'annulation de cette expulsion immédiate."

"Cette décision semble plus un jugement moral sur les personnes occupantes qu'un verdict neutre prenant en compte les procédures légales."

Les occupants rappellent par ailleurs les raisons de leur mobilisation :

"La construction de logements neufs alors que de nombreux logements sont vides ou vétustes nous semble totalement inappropriée. L'unique argument valable pour justifier la frénésie de construction de logements neufs semble la défiscalisation permise par la loi Pinel."

"En cela, nous nous battons ici aux Jardins Joyeux contre ce monde, contre cette logique d’enrichissement aux dépends des citoyen.ne.s et aux dépends de la planète. Nous nous battons pour que le logement soit pensé de manière collective au sein d’un groupe et qu'il soit attentif aux questions écologistes et accessibles à tous.tes. Nous nous battons pour qu’il n’y ait plus de logement neufs tant qu'il y en a tellement à rénover et vides. Nous nous battons pour penser l’habitat autrement qu’à travers des logiques d’intérêts économiques"

Dans le même communiqué, le collectif interpelle le maire et les élus rouennais :

"Nous attendons aussi le soutien avéré de la municipalité. Voulant faire de Rouen la capitale française de la transition écologique, se positionnant médiatiquement en faveur de politique de protection de l'environnement, nous ne comprenons pas leur absence. Cette municipalité a été élu pour son programme socialiste et écologiste, nous demandons de la congruence de leur part. Europe Écologie Les Verts refuse de signer le permis modificatif, nous leur demandons d'aller plus loin : que la mairie aille à l'encontre d'une expulsion par les forces de l'ordre décidée par la préfecture."

La mairie de Rouen, qui ne souhaite pas commenter la décision de justice, ne peut pas s’opposer au projet immobilier mais a demandé au promoteur de retravailler ses plans.

Ne rien lâcher

Malgré l’expulsion ordonnée, le collectif des jardins joyeux ne compte pas lâcher. Alors que la décision a été rendue publique vendredi matin et qu’une procédure d’appel est en cours, il leur a été demandé de quitter les lieux au plus tard en fin de journée.

Samedi matin, les occupants étaient toujours présents, barricadés de l'intérieur depuis la veille en prévision d'une éventuelle intervention des forces de l'ordre. Jean-Michel Bérégovoy, adjoint au maire et président de Rouen Ecologie les Verts, se rendra sur place mardi 2 novembre à 6 heures du matin pour soutenir le collectif des Jardins joyeux. "Si des gens occupent un espace vert pour proposer un projet alternatif, ça vaut le coup de les écouter", nous indique-t-il ce samedi 30 octobre. "Examinons ce projet alternatif et voyons comment on peut faire un mixte du projet alternatif et du projet du promoteur."

Le projet alternatif des Jardins joyeux semble en tout cas fortement soutenu par les Rouennais. Leur pétition en ligne rassemble près de 30.000 signatures.

Peuvent-ils être expulsés malgré le début de la trève hivernale ?

La trêve hivernale s'applique du 1er novembre 2021 au 31 mars 2022. Durant cette période, l'expulsion du locataire de son logement ne peut pas avoir lieu, elle est reportée. Mais cette trêve ne s'applique pas au squatteur occupant un logement. Selon la loi, lorsque les squatteurs occupent un garage ou un terrain, le juge qui prononce l'expulsion peut décider de supprimer la trêve hivernale.

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