Rouen : le procureur ouvre une enquête après l'accident industriel survenu le 1er janvier 2021

L'affaire des odeurs de brûlé et d'hydrocarbures signalées par des habitants de l'agglomération rouennaise prend une tournure judiciaire.

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Le 1er janvier 2021, des habitants de Rouen et des communes voisines ont été incommodés par des odeurs.  Des odeurs rappelant un mauvais souvenir puisque "ressemblant à celles de l'incendie de l'usine Lubrizol" et décrites comme des odeurs d'hydrocarbures, de goudron, de pneu brûlé ou de plastique brûlé.

Feux de cheminée et emballages cadeaux

Le 2 janvier, Atmo-Normandie, puis la préfecture de la Seine-Maritime, évoquant un phénomène de pollution de l'air par des particules, expliquaient que l'origine de ces odeurs venaient "essentiellement des sources locales notamment le chauffage au bois et des chaudières qui sont fortement sollicitées en ce moment au regard des températures basses".

La population était alors invitée à éviter les feux de cheminée d'agrément et il était même demandé aux habitants de "bannir totalement le brûlage des emballages cadeaux (papier dorés, plastiques et autres combustibles non adéquats)."

La piste d'un incident industriel

Quelques jours plus tard, le 6 janvier, le syndicat CGT-76 annonçait dans un communiqué que l'origine du dégagement de ces odeurs était un accident industriel survenu dans les locaux de Multisol, une entreprise sous-traitante de Lubrizol située à Sotteville-lès-Rouen.

Le syndicat expliquant à la rédaction de France 3 Normandie  qu'un "dysfonctionnement extrêmement grave a eu lieu et qu'un nouveau drame a été industriel évité de très peu".

Inspection de la DREAL

Le préfet de Normandie, Pierre-André Durand, après avoir dans un premier temps rappelé qu'aucun incendie ou incident n'avait été signalé le 1er janvier (des pompiers étaient partis en reconnaissance dans l'agglomération de Rouen), a finalement demandé à la  DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Normandie) d'effectuer une opération de contrôle dans les locaux de l'entreprise Multisol.

Dans le même temps, un signalement anonyme d'un employé de Multisol était envoyé à la DREAL rapportant un dysfonctionnement et un manque de transparence de l'entreprise.

Un "incident mineur"

Et le 7 janvier la préfecture publiait un premier résultat de l'inspection, confirmant ainsi ce que révélait le syndicat CGT à savoir qu'un "incident de fonctionnement s'est produit le 31 décembre au soir, qui n'a pas donné lieu à un signalement aux autorités sur le moment."

Mise en cause, l'entreprise Multisol n'a communiqué sur cette affaire que le 8 janvier, déclarant que "Le site de production a rencontré un incident opérationnel mineur le 1er janvier, au cours duquel certaines huiles de base lubrifiantes et certains polymères ont été surchauffés au-dessus de leur températures de fonctionnement habituelle."

Une surchauffe incontrôlée

Une deuxième visite d'inspection de la DREAL  a permis de préciser les conditions de cet incident  survenu dans la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021, à la suite du "maintien de la recirculation de produits dans la cuve de l’unité VI n° 2, après arrêt de l’usine pour le week-end de fêtes." 

"Ce maintien de la recirculation a causé une élévation anormale de la température dans la cuve de l’unité VI n° 2 au-delà de la température de fonctionnement habituelle. Ce dépassement de température n’a pas entraîné d’alarme directe, ni la mise en œuvre rapide d’action corrective de la part de l’exploitant permettant de maintenir des conditions normales d’exploitation."

Un incident non signalé aux autorités

La préfecture estimant que ces faits "constituent un manquement aux dispositions de l’arrêté préfectoral réglementant les activités de Multisol International Services,l’exploitant n’ayant pas alerté les services de l’inspection des installations classées de cet événement, ni transmis le rapport d’incident prescrit à l’article R.512-69 du code de l’environnement."

Des sanctions contre Multisol

Le 12 janvier, et après la publication du témoignage (anonyme) d'un employé de Multisol par Manon Loubet notre consœur de 76 Actu,  témoignage rapportant que le site avait été nettoyé avant l'inspection pour "tout cacher", le préfet de la Seine-Maritime annonçait avoir pris deux décisions (► lire plus bas) dont celle de saisir le procureur de la République de Rouen.

M. Prache qui a confirmé le soir  même  à la rédaction de France 3 Normandie que "l’autorité préfectorale a transmis ce jour des éléments au Parquet et qu'une enquête a été ouverte."

Des pistes d'amélioration

En marge de la suite judiciaire de cette affaire, Pierre-André Durand, préfet de Normandie et de la Seine-Maritime  annonce vouloir mettre en place et en lien avec ATMO-Normandie, les élus locaux et les représentants des industriels, d’un "réseau de nez" pour compléter les dispositifs actuels, comme il en existe déjà au Havre et à Port-Jérôme.

Marqués par l'épisode Lubrizol, des élus locaux et des associations réclament "l’amélioration de la gestion du risque industriel sur notre territoire" et la plus grande "transparence que nous devons aux habitants."

Les deux décisions du préfet de la Seine-Maritime à l'encontre de l'entreprise Multisol :

• d’une part, face aux écarts mentionnés ci-dessus et eu égard aux atteintes potentielles aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement, il a mis en demeure l’exploitant par arrêté préfectoral du 11 janvier 2021 de respecter les prescriptions des textes susvisés conformément aux dispositions de l’article L.171-8 du code de l’environnement car il y a lieu de prévenir la survenue d'un nouvel incident en imposant, en urgence, des mesures compensatoires dans l’attente de la mise en œuvre des actions correctives permettant de lever ces écarts.

• d’autre part et en sus des constatations judiciaires pouvant être réalisées par la DREAL, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, le Préfet a saisi le 12 janvier le Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Rouen. En effet, dans un article de presse du 12 janvier 2021, il est indiqué que l’exploitant aurait volontairement omis de transmettre des informations aux services de l’inspection des installations classées. Ces omissions, si elles étaient confirmées, sont susceptibles de relever de suites pénales au regard du code de l’environnement qui fait obligation à tout exploitant d’informer sans délai les services de l’État.

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