Les agents portuaires et territoriaux de Rouen, échauffés par la réforme des retraites, ont mis en place depuis lundi 20 mars au matin un barrage filtrant aux abords du Smedar, le site d'incinération des déchets de la métropole rouennaise. Le ramassage des poubelles pourrait être impacté dans les jours à venir.
Des poubelles qui s'entassent sur les trottoirs et jonchent les rues, ces images sont devenues fréquentes depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites.
Après Paris, Nantes, le Havre, Antibes ou Montpellier, Rouen sera t-elle la prochaine ville touchée par les difficultés de collecte de déchets ? C'est en tout cas le moyen de pression choisi par les personnels portuaires de l'agglomération. Empêcher les camions de collecte d'atteindre le SMEDAR au Grand-Quevilly , le site d'incinération de la métropole rouennaise.
L'action, qui s'inscrit dans le mouvement de la CGT "port mort", a débuté à 3 heures du matin dans la nuit du 20 au 21 mars, et doit durer au moins 72 heures. Une centaine de manifestants bloquent ce matin encore l'accès des camions de collecte, au site d'élimination des déchets de l'arrondissement de Rouen. Si la collecte du début de semaine s'est faite sans encombres, les camions sont pleins et contraints de stationner à quelques centaines de mètres de là.
"Les camions bennes ne peuvent pas entrer et décharger leur marchandise, ce qui fait tourner le four. Si le four ne tourne pas, il se met à l'arrêt" explique Yann Mallet, le secrétaire CGT dockers de Rouen.
On a un incinérateur assez important dans l'agglomération de Rouen, donc il a été décidé de bloquer l'activité, puisqu'il n'y a que comme ça qu'on peut se faire entendre
Fabrice Lottin, secrétaire CGT portuaire à Rouen
La colère gronde, les poubelles débordent
Le mouvement est censé durer trois jours, ce qui correspond à 2500 tonnes de déchets qui ne seront pas incinérés.
Deuxième conséquence du blocage des camions, la collecte ne pourra pas se poursuivre puisque les camions sont pleins. Ainsi les déchets des 71 communes du territoire de la Métropole Rouen Normandie s'accumuleront dans les foyers des habitants, ou sur les trottoirs. Pour éviter cette accumulation, la métropole demande aux habitants de conserver leurs poubelles quelques jours chez eux, et de ne pas se rendre aux points d'apport volontaire.
"Malheureusement la première atteinte sera pour les citoyens qui verront des poubelles sur le bord de la route, mais ce sont des sujets médiatiques, confie David Lottin, délégué syndical CGT, qui travaille pour le Smedar. On fait ces blocages pour être entendus du gouvernement, du président, mais aussi du monde du travail. C'est aussi une réponse à la radicalité que l'on a face à nous ".
Les manifestants ne souhaitent pas pénaliser les citoyens, mais rappellent que cette réforme qu'ils n'acceptent pas, aura des répercussions importantes sur la vie de tous.
Selon la CGT l'espérance de vie des éboueurs est de 12 ans inférieure aux autres salariés, et de 8 ans inférieure pour un travailleur portuaire docker.
"Il faut savoir que dans nos métiers il y a énormément de pénibilité, que ce soit le port de charge, ou ce qu'on respire quand on traite ou qu'on touche les déchets ménagers, poursuit David Lottin, aller jusqu'à 64 ans ça va être très très compliqué pour nous. Imaginez un ripeur ou un éboueur qui prend des bacs de déchets sur le bord de la route, avec des tournées de plus en plus longues et intenses physiquement, je ne pense pas qu'il puisse garder le rythme à 64 ans".
L'allocution du président de la république ce mercredi 22 mars qui reste figé dans ses convictions et n'ouvre aucune porte aux contestataires de sa réforme, ne devrait pas infléchir la colère de l'intersyndicale ni des manifestants. "70% des français sont contre cette réforme, voyez le nombre de parlementaires qui sont contre cette réforme, et cette intersyndicale qui tient bon depuis des semaines... et malgré cela Macron se dit légitime, il faut durcir le mouvement" commente Fabrice Lottin, le secrétaire CGT des portuaires de Rouen.
L'usine d'incinération du SMEDAR n'est pas encore arrêtée à ce jour, mais quand elle le sera, cette pause dans ses activités aura un coût, comme celui de la remise en fonctionnement des fours, ou la baisse de certaines recettes comme celle de la production d'électricité.
"Toucher au porte-monnaie", le nerf de la guerre pour le syndicat CGT qui organise le blocage de la Smedar.