Deux chirurgiens du CHU de Rouen, ont participé à une première en France : la toute première greffe du larynx. Elle a été réalisée durant le mois de septembre. Le 26 octobre, la patiente est rentrée chez elle.
"C’est prometteur. C’est une étape", avance le professeur Jean-Paul Marie du CHU de Rouen (Seine-Maritime). Ce spécialiste de la chirurgie de réinnervation a participé, avec le docteur Sophie Deneuve et pas moins de 12 autres chirurgiens issus de plusieurs spécialités, à la première greffe du larynx.
Ils se sont relayés nuit et jour pour réaliser cette opération. Du prélèvement à la transplantation, elle a duré plus de 27 heures, aux Hospices Civils de Lyon (HCL). À leurs côtés, près d’une cinquantaine de professionnels du CHU de Lyon ont été mobilisés. La patiente se prénomme Karine.
Une chirurgie collective
Le tissu est vivant, il est toléré par la patiente et on attend la repousse axonale, qui se fait à la vitesse d’un mm par jour.
Professeur Jean-Paul Marie, Chef de service ORL au CHU de Rouen
À lire aussi : Movember : un mois pour sensibiliser sur la santé des hommes
Le larynx détient différentes fonctionnalités, il permet d'émettre un son, d'avaler, de tousser…
La première technique de transplantation a déjà été réalisée à Cleveland en 1998, mais sans réparer les nerfs et le patient ne pouvait pas récupérer la parole.
À lire aussi : Un robot aux bras télé articulés présenté au CHU pour sensibiliser au cancer de la prostate
Pour cette prouesse, le prélèvement sur la donneuse, a été effectué le samedi 2 septembre à l’hôpital Edouard-Herriot à Lyon, puis l’intervention chirurgicale s’est achevée le dimanche 3, aux alentours de 8h, à l’hôpital de la Croix-Rousse, avec la transplantation sur la patiente receveuse.
Pour cette première, un larynx, qui avait les mêmes dimensions a été prélevé, l'équipe chirurgicale a sélectionné les artères et les nerfs, puis, "tout a été rebranché". Ce montage des transferts nerveux a été élaboré par le professeur Jean-Paul Marie et ses équipes à la faculté de médecine de Rouen.
On a fait tout ce qu’il fallait pour qu’elle puisse reparler normalement, on espère qu’elle va pouvoir tout récupérer.
Professeur Jean-Paul Marie, Chef de service ORL au CHU de Rouen
"Cela reste encore une chirurgie d'exception"
Depuis plusieurs années, le professeur a mis au point des techniques de "réinnervation", les gens viennent de toute la France pour bénéficier de cette chirurgie. L’objectif du professeur est de trouver des solutions pour réparer les nerfs du larynx en lui redonnant des fonctions, plutôt que de le retirer.
Pour permettre une telle opération, une équipe pluridisciplinaire a été réfléchie pendant 10 ans. Avec l'impulsion, de deux autres spécialistes Philippe Céruse, chef du service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale de l’hôpital de la Croix-Rousse, et du Lionel Badet chef du service d’urologie et de chirurgie de la transplantation de l’hôpital Edouard-Herriot.
L’autorisation éthique et le financement ont été obtenus en 2016. Malheureusement le Covid est passé par là, "mais on a continué à se perfectionner, c'est un travail de coordination qui a demandé de l’entraînement, c’est une chirurgie collective".
Il ne faut pas oublier la patiente qui a été courageuse. Car le temps opératoire pour elle a été d’environ 15 heures.
Professeur Jean-Paul Marie, Chef de service ORL au CHU de Rouen
Place maintenant à la cicatrisation. Il faudra attendre une année complète pour s’assurer de la réussite définitive de la transplantation. Dans un second temps, deux autres patients seront opérés, "cela nous apportera encore plus d'informations", conclut Professeur Jean-Paul Marie.
Du côté de la patiente une vingtaine d’années après avoir perdu l'usage de la parole, elle pourrait durablement la retrouver.
.