Alors qu’ils vivent suspendus à la décision du tribunal de commerce de Rouen concernant l’avenir des boulangeries Luval, des salariés et anciens salariés dénoncent des conditions de travail compliquées et un nombre important d’arrêts maladie.
Que vont devenir les 12 boulangeries Luval de Rouen et du Havre ? Quatre d’entre elles ont déjà fermé, dont celle de la rue du Gros Horloge à Rouen (Seine-Maritime). Les salariés auraient appris leur licenciement quelques jours seulement avant la fermeture définitive de la boutique de cette rue emblématique de Rouen.
Pour les autres boulangeries, il faudra attendre le 29 février 2024 pour connaître la décision du tribunal de commerce. Celui-ci a examiné le 13 février l'offre de reprise, et rendra son délibéré à la fin du mois.
Des mauvaises conditions de travail dénoncées
En attendant ces changements, l’ambiance est lourde chez Luval. Les salariés ont interdiction de parler aux journalistes qui veulent les faire réagir sur la situation qu’ils traversent. Nous avons pu toutefois nous entretenir avec l’un d’entre eux.
Conditions de travail, burn-out et arrêts maladie, il revient sur son expérience dans cette jeune société qui aura tenu à peine deux ans.
Ce salarié nous raconte que beaucoup de boutiques travaillent en sous-effectif et que les employés sont contraints de changer de boutiques pour pallier le manque de personnel.
Il nous explique que le turn-over est important car plusieurs salariés ont abandonné leurs postes par manque de considération et de reconnaissance de leur implication.
On a vu des responsables qui ne restent pas longtemps en poste car ils sont en burn-out.
Un salarié de Luval
Selon lui, les heures supplémentaires ne sont pas payées : "On a tous des gros quotas d’heures supplémentaires". Payé au SMIC, "le seul avantage ce sont les 30% sur les produits mais si nous avons le malheur de se servir dans les produits qui sont en perte en fin de journée on se fait convoquer".
Les employés Luval déplorent un manque de communication officielle : "On est juste informés par des bruits de couloir. Nos collègues de la rue du Gros Horloge n’ont eu aucune réunion d’information ni de courrier recommandé pour les prévenir de leur licenciement".
Des apprentis livrés à eux-mêmes
Quant aux apprentis, "le travail qu’on leur demandait à Luval n’était pas du tout représentatif de la formation promise au CFA Luval. Souvent les apprentis faisaient le ménage, ils n’avaient pas droit de toucher à la caisse. Ils n’apprenaient pas du tout le métier ni le service client", confie le salarié.
Bien souvent, il n’y avait pas de professeurs pour assurer les cours et selon lui, les apprentis travaillaient autant que les salariés.
"Même si on est racheté, on est beaucoup à espérer une proposition de licenciement car nous sommes nombreux à vouloir partir", assure l’employé.
"J'ai tenu six mois avant un arrêt pour harcèlement"
Un récit d’expérience qui corrobore ceux publiés sur Instagram. Rouen le Mag avait appelé à la solidarité avec l’enseigne Luval en incitant les Rouennais à consommer chez eux.
Suite à cette publication de nombreux commentaires en défaveur des magasins avaient été publiés. Depuis le post n’est plus ouvert aux commentaires.
"Ma fille a travaillé pour eux et ça a été une très mauvaise expérience", indique une internaute. "Les conditions de travail sont infectes. Aucune empathie, même après un décès, le patron ne s'empêchera pas de vous hurler dessus jusqu'à vous faire pleurer devant les clients", écrit une ancienne salariée.
"J'ai tenu six mois avant de me mettre en arrêt pour harcèlement et éviter une dépression", souligne un ancien apprenti sur Instagram.
Le Rollon : même destinée que Luval
"Tous les collègues du Rollon ont sauté en même temps que le Luval du Gros". Le restaurant Le Rollon situé à l’angle des rues du Gros-Horloge et du Bec à Rouen appartient au même propriétaire que Luval en association avec le gérant de la brasserie Ragnar.
Le même jour que Luval, la société Fusion 4 (filiale du groupe Luval, dont dépend le restaurant) a été placée en liquidation judiciaire. Les salariés du restaurant ont déjà subi du chômage partiel et parlent eux aussi d’une mauvaise ambiance et d’un manque de personnel.
Nous avons tenté de joindre à plusieurs reprises Fabrice Antoncic, président des Vitrines de Rouen et patron de Luval, mais il n'a pas donné suite à notre demande d'interview.