Témoignages. La santé mentale des sportifs, la fin d’un tabou ?

Publié le Écrit par Félix Bollez
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Stress, épuisement, dépression, de nombreux sportifs de haut niveau ont décidé d’aborder publiquement leurs doutes et leurs souffrances dans une vie vouée à la performance. Souvent déconsidérée, la psychologie fait désormais partie intégrante de la préparation d’un athlète.

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Leurs exploits cachent parfois des faiblesses et des souffrances psychologiques. Simone Biles, Martin Fourcade, Adil Rami et bien d’autres ont un jour été stoppés en plein élan, rattrapés par un excès de pression et une surcharge de travail.

L’athlète du Stade Sottevillais, Linda Angounou, en a fait la difficile expérience pendant les Jeux olympiques cet été. "C’était mon rêve les Jeux, et là j’y étais ! Mais j’ai senti une pression énorme en arrivant au Stade de France, il y avait tellement de monde et je sentais que tout le Cameroun attendait que je fasse un exploit. La veille de la course, je n’ai pas dormi de la nuit, j’avais mal au ventre", se remémore la spécialiste du 400m haies.

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Dossier : la santé mentale des sportifs ©France 3 Normandie

"Je me suis fait lyncher sur les réseaux sociaux"

"Avant le départ, je regardais mes concurrentes, elles étaient toutes d’un niveau incroyable, je n’arrivais pas à me concentrer", ajoute-t-elle. 

Vincent Turpin, son entraîneur, trouvera les mots justes pour qu’elle prenne le départ en donnant son maximum. "Ce jour-là, j’ai réussi à battre mon record ! Je finis 8ème mais je suis qualifiée pour le tour suivant. Par contre, sur les réseaux sociaux, je me suis fait lyncher... J’ai dit à Vincent : j’arrête, je ne ferai pas la prochaine course !"

Vincent Turpin sollicite un préparateur mental qui appelle longuement Linda pour lever ce blocage. Le lendemain, elle pulvérise une nouvelle fois son record : "Je n’avais jamais eu de préparateur mental, je pensais que mon coach suffisait. Maintenant, je vais m’entourer aussi de spécialistes pour ma préparation psychologique", conclut l’athlète de 31 ans.

"Les jeunes sportifs craignent d’être considérés comme fous parce qu’ils consultent un psychologue"

David Jenni est psychologue de l’Éducation nationale, il intervient également auprès des sportifs des pôles espoir de Normandie. Depuis une vingtaine d’années, il fait partie du staff qui entoure les champions de demain.

"Les jeunes sportifs craignent d’être considérés comme fous parce qu’ils consultent un psychologue mais venir nous voir ce n’est pas forcément dans un but curatif, c’est aussi comprendre comment on fonctionne pour rester performant. Faire le premier pas pour franchir le bureau du psy, ce n’est jamais facile, il faut dédramatiser la démarche".

Chaque mardi, il assiste aux entraînements des judokas du CRJS de Petit-Couronne. Certains jeunes lui parlent de leurs doutes quant à leur capacité à franchir un palier ou à gérer leur prise de poids. "Au début, on a de l’appréhension, on a du mal à parler de soi-même… Parler de soi, c’est compliqué sans savoir qui est réellement en face de nous", analyse Thomas, 18 ans.

Les espoirs du sport arrivent parfois dès 14 ans dans ces structures d’excellence. Entre l’école, les compétitions et les entraînements, ils cumulent parfois 60h d’effort par semaine. 

Ils vivent dans un état d’inconfort à l’entraînement pour se préparer à l’inconfort de la compétition. Pourtant, l’athlète doit intégrer des moments de bien-être dans sa vie quotidienne, c’est important pour qu’il reste performant. Si ce n’est pas le cas, il y a des risques psychosociaux comme des violences internes (clubs) ou externes (écoles) à la structure, du stress et de l’épuisement.

David Jenni, psychologue

"Les athlètes ne veulent pas montrer leurs faiblesses, surtout dans les sports de combat" 

Les entraîneurs sont désormais formés sur ces sujets. "On les forme à développer les habilités mentales de nos sportifs. Travailler sur des dialogues intérieurs positifs. On se rend compte qu’intérieurement, beaucoup de sportifs se parlent mal et se dénigrent. À force de se dire qu’on est nul, on est moins performant", détaille Stéphane Serinet, le directeur technique de la Ligue de Normandie de Judo.

"Les athlètes ne veulent pas montrer leurs faiblesses, surtout dans les sports de combat. Souvent, quand on rencontre des difficultés, on pense qu’on est ainsi et qu’on est plus fragile que les autres. Alors, on leur explique que ce n’est pas une fatalité. Il faut développer des habilités mentales et comprendre comment ça se passe dans notre cerveau. Ça leur permet de mettre un plan d’action en place."

Teddy Riner, qui a fait ses gammes au CRJS de Petit-Couronne, en est la plus belle illustration. Le champion olympique a très rapidement fait appel à une psychologue pour l’accompagner dans son ascension. Il est aujourd’hui l’un des principaux ambassadeurs de cette cause auprès des jeunes.

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