Elles sont mères, et en colère. Alors que leurs enfants sourds ou malentendants n'ont pas toujours le suivi nécessaire pour une scolarité adaptée, elles ont manifesté dans les rues de Rouen pour réclamer des moyens supplémentaires.
L'école a parfois l'ouïe sélective. C'est le constat que dressent des parents d'élèves sourds ou malentendants, révoltés par les parcours parfois chaotiques de leurs enfants à l'école et l'inégalité qui subsiste avec les autres élèves.
Ce mercredi 19 juin 2024, à l'initiative de l'APEDAHN, l'association des parents d'enfants déficients auditifs de Haute-Normandie, ils manifestaient dans les rues de Rouen vers le bâtiment de la direction académique de Normandie.
400 enfants sourds en Normandie
Sur les pancartes, les slogans le martèlent : les AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) ou les enseignants spécialisés sont trop peu nombreux pour accompagner au mieux les quelque 400 enfants sourds de la région.
En fonction des effectifs, les élèves sont donc ballottés de classe en classe et de structure en structure. Comme l'explique Céline Sellier, présidente de l'APEDAHN.
Ils, enfin plutôt elles (essentiellement des mamans dans le collectif), réclament du personnel adapté et des moyens financiers supplémentaires.
Car ces personnels dédiés sont la condition sine qua non de la réussite des enfants.
On demande à ma fille Jade une triple tâche : entendre, lire sur les lèvres et retranscire à l’écrit. Choses qu’elle ne peut pas faire. L’AESH, c’est vraiment une béquille, un soutien qui est là dans l’accompagnement de nos enfants sourds. C'est grâce à cette personne qu'ils peuvent reformuler les consignes et surtout comprendre ce que les professeurs veulent transmettre.
Morgane Gomis, mère de Jade, élève sourde en Première
Pour cette maman, le constat est désolant : sa fille, pourtant très bonne élève depuis des années, a vu ses résultats chuter cette année en classe de Première. La cause ? Du fait d'un manque d'effectifs, son AESH ne peut plus l'accompagner aussi régulièrement que par le passé.
"Dans certaines matières, les profs parlent mais n'écrivent pas au tableau. Moi, je ne peux pas lire sur les lèvres et écrire en même temps", raconte la lycéenne. Alors, plus que ses jeunes compagnons de classe, elle décroche.
"Beaucoup d'écoles ne sont pas adaptées à notre handicap"
Difficile pour elle aujourd'hui de se projeter dans un métier, du fait de ces récentes difficultés. Elle rêve pourtant de devenir infirmière, mais comment réussir ses études avec sa surdité dans ces conditions ? "Beaucoup d'écoles ne sont tout simplement pas adaptées à notre handicap", soupire la jeune fille.
Le caractère indispensable de cet accompagnement pourrait même se résumer même en quelques mots simples, dans la bouche de Noam, élève de CE2 :
Pour sa maman, Juliette Moreau, le constat est là encore sans appel : il y a un manque chronique d'effectifs. "L'année prochaine, la maîtresse spécialisée de Noam va devoir gérer quatre niveaux d'enfants sourds (contre trois précédemment), du CP au CM1".
Avec un nombre d'enfants par classe qui augmente chaque année, difficile d'accompagner au mieux ces enfants avec des besoins particuliers.
Même chose avec l'AESH, qui assume seule la responsabilité de plusieurs enfants sourds. "Si elle est absente, il n'y a pas de remplaçante et donc pas d'accompagnement. Cela devient très difficile pour Noam de suivre le cours en classe ordinaire." À la fin de ces journées, Noam est épuisé, et n'arrive parfois pas à se concentrer pour faire ses devoirs.
Ce mercredi, une délégation de parents a été reçue par l'inspection académique de Normandie. Une entrevue durant laquelle ils ont pu faire remonter leurs doléances et appuyer leur demande de renforts de personnels. Reste à savoir s'ils seront entendus par l'Éducation nationale.