Son nom : l'aculops fuchsiae. Une appellation barbare qui va à merveille à cet organisme ravageur. Au Jardin des Plantes de Rouen, cet acarien est parvenu à éradiquer la quasi totalité de la collection de fuchsias. Explications.
Tout a commencé en 2013. À l’époque, le Jardin des Plantes de Rouen peut se targuer d'avoir la plus grande collection de fuchsias de France. Mais tout va basculer avec l'arrivée d'un nuisible destructeur : l'aculops fuchsiae, cet acarien tueur de fuchsias, tout droit débarqué d'Amérique Latine (d'où est aussi originaire le fuchsia).
Toute la collection mise en quarantaine
Immédiatement, la direction décide de mettre les 1000 espèces différentes de fuchsias que possède le Jardin en quarantaine, comme l'explique Jérémy Bex, responsable des collections des serres tropicales : "aucune visite du public, aucun échange de plante avec d'autres jardins, aucun don, donc c'est vraiment une collection qui a été isolée du reste du jardin".
Mais même cette mesure drastique n'est pas suffisante, l'acarien est trop virulent, trop agressif pour la plante.
L'acarien s'attaque à toutes les parties aériennes de la plante, donc les feuilles, les tiges et les fleurs. Cet insecte provoque d'innombrables piqûres et la plante en réaction elle va provoquer ce qu'on appelle des galles, c'est-à-dire une croissance cellulaire très importantes, comme une tumeur. A cause de cela, la plante ne va plus être capable de faire sa photosynthèse et donc à force elle va s'affaiblir, attraper d'autres maladies, et elle finit par mourir.
Jérémy Bex, responsable des collections intérieures du Jardin des Plantes de Rouen
Résultat, la collection est en train de s'éteindre petit à petit. Malgré les soins des jardiniers qui luttent depuis une dizaine d'années contre ce nuisible, impossible de contenir les dégâts de l'acarien sur les fuchsias.
Aujourd'hui, il ne reste plus qu'une centaine de spécimens, en particulier les cultivars (variété obtenue de manière artificielle) ou des croisements hybrides d'espèces, qui sont plus résistants à l'aculops.
"C'est toujours une tristesse de voir une collection comme celle-ci mourir à petit feu, surtout nous en tant que jardiniers qui en avons la charge", glisse Jérémy Bex, un peu consterné.
Un symptôme du réchauffement climatique?
Mais l'aculops n'est pas le seul à blâmer. Le changement climatique a lui aussi sa part de responsabilité. La nouvelle donne météorologique que nous vivons en Normandie (comme ailleurs) n'aura pas été un allié pour ces végétaux.
"Les fuchsias ne sont plus adaptés à nos conditions actuelles, explique Marc-Antoine Cannesan, responsable du Jardin des Plantes de Rouen. Parce qu'avec cette modification du climat, les étés sont plus chauds, avec plus de canicules et d'orages, ce que détestent les fuchsias. Donc désormais, ils pourront plutôt être produits et cultivés dans des pays du nord de l'Europe."
En Normandie, les parcs et jardins (et tous les botanistes en herbe) vont donc devoir se tourner vers des plantes plus rustiques qui s'adaptent à ces excès de fortes températures et de grosses précipitations. Des plantes méditerranéennes par exemple ou encore venant des pays de l'Est.
La collection de fuchsias remplacée par des agrumes
Le Jardin des Plantes de Rouen va ainsi petit à petit remplacer la collection de fuchsias par... des agrumes, effectivement plus résistants aux fortes chaleurs. Une adaptation nécessaire, presque inhérente aux métiers de la botanique. Mais malgré cela, la disparition (à terme) des fuchsias dans le jardin reste un crève-cœur :
Le rôle des jardins botaniques, c'est de faire de la conservation de variétés qui sont extrêmement rares. On sait aujourd'hui que la biodiversité est en difficulté partout dans le monde. Tous les jours, des espèces végétales disparaissent. Donc l'objectif c'est de pouvoir conserver ce patrimoine génétique, et pas juste dans des bouquins.
Marc-Antoine Cannesan, directeur du Jardin des Plantes de Rouen
Il ne reste plus qu'à espérer que quelque part, plus au Nord donc, d'autres jardins pourront sauver ce patrimoine génétique que représentent les fuchsias. Sans quoi, certaines variétés pourraient effectivement finir par disparaître.