C’est un procès qui aura finalement lieu en deux temps. Celui qui est présenté comme le cerveau du commando pour avoir séquestré et volé un couple de restaurateurs à Petit Quevilly en 2014 n’est pas en état de comparaître. Les 9 autres accusés comparaîtront sans lui au palais de Justice de Rouen.
Les faits remontent à décembre 2014, mais ils ne sont jugés qu'aujourd'hui. 10 hommes doivent répondre du vol et de la séquestration en bande organisée d'un couple de retaurateurs à Petit-Quevilly. Les mis en cause, qui s'étaient fait passer pour des faux douaniers, leur avaient dérobé 60 000 euros. Reportée plusieurs fois, l'audience a enfin débuté mardi 29 juin 2021 devant la cour d'assises de Seine-Maritime... mais sans le cerveau présumé.
Le cerveau présumé du commando atteint d'une maladie génétique dégénérative
Dans une salle d'audience pleine, une question se pose ce mardi 29 juin : le principal accusé va-t-il venir comparaître ? Celui qui est présenté comme le cerveau du commando est atteint d’une maladie dégénérative. Il est hospitalisé au CHU de Rouen depuis le 18 juin pour de fortes douleurs qui lui font perdre connaissance. Après 1h30 de suspens, l'accusé se présente finalement dans un fauteuil médicalisé en forme de coquille, la jambe tremblante, accompagné d'un médecin. "Ne vous inquiétez pas, ça va aller", tente de rassurer tant bien que mal la présidente de la cour d’assises de Seine-Maritime.
Mais au moment d'ouvrir l'audience ce mardi matin, les spasmes de cet ancien douanier s'accélèrent. Il enchaîne les pertes de connaissance. La présidente de la cour d'assises tente de poursuivre en lisant le nouveau rapport d'expertise d'un professeur du CHU de Rouen, stipulant que l’accusé pouvait physiquement répondre de son crime. La veille, un rapport indiquait que l’accusé ne pouvait comparaître. Mais après plusieurs reports, les avocats des autres accusés et du couple de restaurateurs ne souhaitaient pas que ce procès démarre sans lui. Une seconde expertise a alors été demandée.
Sa pathologie ne date pas d'aujourd'hui, ses douleurs s'empirent depuis plus de 7 ans.
"Il parle normalement malgré la douleur, il est apte à venir pour plusieurs jours", lit la présidente de la cour d'assises sur le rapport d'expertise pendant que le principal accusé est inconscient. Au premier rang, la petite soeur de l'accusée, en larmes, crie au scandale. La présidente l'invite à s'exprimer à la barre. "Sa pathologie ne date pas d'aujourd'hui, ses douleurs s'empirent depuis plus de 7 ans. C'est un état déplorable et critique aujourd'hui, mon père en est mort !"
S’il fait une crise toutes les dix minutes, ça va être compliqué.
La scène provoque l'indignation dans la cour d'assises. "S’il fait une crise toutes les dix minutes, ça va être compliqué", intervient l’avocate de l'ancien douanier Me Christelle Linval qui demande une suspension d'audience. Cette dernière est refusée. Mais les avocats des autres accusés et l'avocat du couple de restaurateurs soutiennent leur consoeur et demandent à leur tour une suspension de séance.
"Ça fait 20 ans que je plaide aux assises, et ce matin, j’ai honte", se désole un avocat des 9 autres accusés. "Confronté à cette réalité je ne sais pas si je suis en capacité de poursuivre ma mission. Je sollicite un nouveau report de ce procès ." "C’est extrêmement compliqué d’envisager de pouvoir l’entendre. Il en a va de la dignité de la personne humaine", ajoute l'avocate générale.
"On est allé au bout des choses, on a une réalité médicale et elle est là, devant nous, il n'est pas du tout en capacité de comparaitre", conclue Maître Linval. La présidente finit par plier et suspend la séance. Le "cerveau" du commando repart en ambulance. Quant à ses 9 complices présumés, leur procès peut enfin commencer.
Un procès en deux temps
Le procès se fera finalement par disjonction, c’est-à-dire 2 procès : l’un pour juger les 9 autres accusés et l’autre pour juger le cerveau de ce commando quand son état de santé le permettra. "C'est un soulagement pour mes clients, victimes dans ce procès. Il y a eu une durée bien trop longue avant que ce dossier ne soit traité", indique Me Thomas Dugard, avocat du couple de restaurateurs. "A la base j'étais contre cette disjonction , mais la réalité médicale nous a ramené à une réalité procédurale."
Il manque la pièce maîtresse de ce procès.
La majorité des avocats des accusés s’opposaient fermement à cette disjonction. "Ce dossier est un tout, sans le principal lien et maillon du dossier, ce qui va brouiller les débats", nous confie Me Lisa Lenglet, avocate de l'un des accusés. "Son absence ne donne pas pleinement satisfaction sur la possibilité qu'on aurait eu de l'interroger, de mettre la lumière sur les réponses de certains coaccusés... Il manque un chaînon et non des moindres... il est la pièce maîtresse de ce procès d'assise", ajoute Me Amèle Mansouri, avocate de l'un des autres accusés.
30 000 euros de tickets restaurants
Dans la nuit du 13 au 14 décembre 2014, un couple de restaurateurs asiatiques quitte les locaux de son enseigne Au bon accueil, implantée au Petit-Quevilly (Seine-Maritime). Alors qu'ils regagnent l'appartement familial situé à proximité, les époux sont arrêtés par quatre hommes - dont trois cagoulés- qui se présentent comme agents des douanes.
Ils conduisent alors le couple jusqu'à leur domicile, et expliquent, après avoir menotté le mari, qu'ils doivent perquisitionner les lieux dans le cadre d’une enquête. Outre des chèques restaurants, les faux douaniers inspectent le coffre fort du restaurateur et font main basse sur les 30 000 euros qui s'y trouvent, avant de laisser une fausse adresse parisienne au couple qui s'inquiète de récupérer l'argent liquide et les chèques restaurant. Après le départ des faux douaniers, les restaurateurs réalisent qu'ils ont été victimes d'un vol par ruse.
Ce premier procès devrait durer un peu plus d’une semaine. Reste à savoir si le second aura lieu, tout dépendra de l’état de santé du principal accusé.