VIDÉO. La Normandie d'Annie Ernaux en trois lieux incontournables

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Une coproduction Tamara Films et France Télévisions
Une coproduction Tamara Films et France Télévisions ©Un film de Coralie Miller

Dans son documentaire "Annie Ernaux, je suis née quelque part", la réalisatrice Coralie Miller revient sur les 25 premières années de l'écrivaine, depuis sa naissance à Lillebonne, son enfance à Yvetot jusqu'à ses études à Rouen. Une géographie normande qui constitue ses racines et qui nourrit son œuvre.

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1 Lillebonne

Annie Duchesne est née à Lillebonne, en Seine-Maritime (alors Seine-Inférieure) en septembre 1940, pendant l'Occupation. Sa vie commence dans une atmosphère marquée par la guerre, les bombardements, la peur. Elle passe une partie de son enfance dans le quartier de La Vallée, quartier ouvrier près des usines de filature, dans une maison sans eau courante.

Son grand-père paternel ne sait ni lire ni écrire. Ses parents ont été arrachés à l'école pour travailler. Cette mémoire-là, c'est ce qui lui fera dire qu'elle écrit pour "venger (sa) race. La phrase qui fait hurler les bien-pensants et les bourgeois. C'est qu'ils n'ont pas cette mémoire."

En 2023, la réalisatrice Coralie Miller la filme alors qu'elle est de retour pour la première fois dans sa ville natale à l'occasion du festival du livre dont elle était l'invitée d'honneur. Face à sa caméra, elle décrit ce moment particulier : "C'est une ville dont je sais qu'elle est la mienne, mais elle ne ressemble pas à la ville de ma mémoire."

Je suis née quelque part... Et c'est là.

Annie Ernaux

Extrait du documentaire "Annie Ernaux, je suis née quelque part"

2 Yvetot

Alors qu'Annie a cinq ans, ses parents déménagent à Yvetot, dans le pays de Caux, pour tenir un café-épicerie. Elle y grandit "sous le regard des clients", avec une "absence d’intimité" qui explique sans doute pourquoi, dans son œuvre,  "l’intime est social".

 

Là, ses parents l'inscrivent dans une école privée catholique où elle côtoie des filles de milieux plus aisés que le sien et fait l’expérience de la honte sociale. Elle raconte dans le documentaire : "Mon père parlait patois et il avait aussi l'accent normand. À l'école, on me faisait une guerre terrible pour les tournures normandes. On me disait que je parlais mal. Je me disais, mais mon père lui alors, il parle mal.

Je garderai toujours l'impression qu'il y a deux langages, le langage de l'école et le langage de la maison. C'est une dissociation très profonde. J'ai été longtemps et je reste timide lorsqu'il s'agit de parler en public. La langue écrite, l'écriture, est mon truchement de communication naturel."

Il y a le monde de mon enfance et de ma jeunesse et le monde dans lequel je suis parvenue par les études. C'est là certainement que j'ai nourri le rejet de mes parents et cette colère de constater que malgré tout, je ressemblais à ma famille et à mes parents.

Annie Ernaux

Extrait du documentaire "Annie Ernaux, je suis née quelque part"

3 Rouen

Annie poursuit son chemin de brillante élève à Rouen, avec une terminale de philosophie au lycée Jeanne d'Arc où Simone De Beauvoir était professeur avant-guerre.

Puis, elle entre à l'université de Rouen, en fac de lettres : "Pour moi, c'était le lieu de la liberté, encore plus que le lycée. Il me semblait que je devenais une intellectuelle. J'avais le sentiment que l'université était le lieu de la pensée libre et du savoir. J'étais là où je n'aurais pas dû être. Et j'y étais."

Elle quittera la Normandie en 1964, tout juste diplômée. Elle rencontrera cette année-là puis épousera Philippe Ernaux. Avec lui, elle laissera son nom, son enfance. En 1974, Annie Ernaux publie chez Gallimard son premier livre, Les Armoires vides, qui dépeint sous une forme romancée l’avortement clandestin qu’elle a subi, ainsi que sa trajectoire sociale de "transfuge de classe".

Aujourd'hui, après plus de 4 millions d'ouvrages vendus à travers le monde, et le prix Nobel de littérature en 2022, la réalisatrice Coralie Miller filme son retour dans la ville où elle est née et raconte la géographie normande qui constitue les racines de l’écrivaine. 

Riche en images d’archives, porté par le témoignage d’Annie Ernaux elle-même, pour la première fois depuis le prix Nobel, ce film tente de retrouver ce qu’il y a d’illimité dans le régional, du moins quand on essaye d’en parler (et de le filmer) comme Annie Ernaux écrit, c’est-à-dire en faisant en sorte que le "je" soit transpersonnel, que le particulier soit universel et que la mémoire individuelle se retrouve dans la mémoire collective.

"Annie Ernaux, je suis née quelque part", un documentaire à découvrir ce jeudi 19 décembre à 22h45 sur France 3 Normandie et quand vous voulez, sur france.tv.

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