VIDÉO. Sexe, drogues et... électro. Les soirées techno sont-elles dangereuses ?

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Alcool, stupéfiants, harcèlement, les soirées électro ont mauvaise réputation. Loin des clichés, les acteurs du secteur nous parlent de réduction des risques en milieu festif. ©France Télévisions

Depuis toujours, les musiques électroniques sont associées à toutes sortes de conduites à risques. Pourtant, les acteurs du secteur sont unanimes : il n'y a pas plus de problèmes qu'ailleurs. Le monde de la techno serait même en avance sur le sujet de la réduction des risques en milieu festif.

Drogues, alcool, harcèlement, le monde de la musique électronique a toujours eu une image sulfureuse. Au sein de l’équipe du Cargö qui organise le festival NDK en octobre à Caen, ces sujets sont au cœur des préoccupations. Des discussions ont lieu et des formations sont mises en place pour appréhender au mieux ce qu’on appelle “la réduction des risques en milieu festif”.

Mais de quels risques parle-t-on exactement ? Sont ils vraiment plus importants dans une soirée electro ? Est-ce vraiment plus risqué que de sortir boire un verre dans un bar ? 

Des risques inhérents aux grands rassemblement festifs, tous styles de musiques confondus

Pour les acteurs du secteur, le constat est sans appel : oui, il est indispensable de prendre en compte les comportements à risques et mettre en place des actions de prévention, non, il n’y a pas plus de problème dans le milieu des musiques électroniques.

Jérémie Desmet (Directeur du Cargö et de NDK Festival - Caen) explique que “les consommations d'alcool, de tabac ou de stupéfiants sont un vrai souci sanitaire. Notre rôle, c’est d’alerter le public sur les risques qu’il prend en lui proposant informations et conseils. Nous travaillons avec différentes associations de prévention. Il y a aussi le sujet des violence sexistes et sexuelles. Depuis 3 ou 4 ans, la parole se libère et c’est une bonne chose. Différents acteurs interviennent sur cette thématique au cœur des soirées. C’est un enjeu important pour nous.”

Il faut apprendre aux gens à “prendre soin de leur soirée”.

Jean-Claude Lemenuel (Directeur du FAR Agence Musicale Régionale - Caen)

Jean-Claude Lemenuel (Directeur du FAR Agence Musicale Régionale - Caen) ajoute qu'“Il y a une partie du public qui a tendance à voir ce genre de soirée comme un exutoire. La réduction des risques, c’est très important, il faut apprendre aux gens à “prendre soin de leur soirée”. On n’empêchera pas les gens de prendre des substances, on n’empêchera pas les gens de passer leur soirée trop près des enceintes. L’humain recherche l’ivresse, c’est inhérent à la fête. On ne peut pas gommer cet état de fait, on doit en réduire les risques.” 

Pour Thomas Aguirregabiria et Ludovic Jumel (Collectif Ladacore - Caen), “c’est vrai que la musique électronique est souvent montrée du doigt, mais quand on regarde de plus près, il n’y a pas plus de problèmes. Par contre, il y a plus de prévention que dans les festivals généralistes par exemple” 

Pour les autorités et notamment l’équipe municipale, les soirées techno qui rassemblent plusieurs milliers de personnes sont l’objet d’une attention particulière. Mais force est de constater que les organisateurs mettent tout en œuvre pour accueillir le public dans les meilleures conditions.

“J’ai fait les visites de sécurité, c’est vrai que j’avais toujours de l'appréhension à l’approche du festival, mais ça s'est toujours bien passé, parce que tout est fait pour que ça se passe bien : prévention, encadrement. C’est une scène qui est responsable.” déclare Emmanuelle Dormoy (Maire Adjointe en charge de la culture - Caen).

Un sujet délicat traité avec attention

L’ensemble de nos interlocuteurs s’accorde sur le constat et la volonté d’agir, cette préoccupation semble partagée par tous. La scène techno serait même en avance sur le sujet.

Thomas Franco (Président du collectif M.A.D Brains - Caen) affirme : C’est une vraie préoccupation pour nous, car c’est la vie des gens qui est en question et notre responsabilité peut être engagée. On essaie de tout faire pour que ça se passe bien et avoir un environnement sain.” Il ajoute : “C’est aussi à nous en tant qu’artiste ou promoteur de montrer l’exemple, d’ailleurs quand on découvre le milieu des professionnels, beaucoup d’artistes sont végan et boivent du thé !” 

Pour Jean-Claude Lemenuel (Directeur du FAR Agence Musicale Régionale - Caen), “il faut arrêter de dire que dès qu’on a affaire à des collectifs de musiques électroniques, ils organisent des soirées n’importe comment. Ce n'est pas vrai. Aujourd’hui, ils sont parfaitement responsables.” 

Aujourd’hui c’est un standard, il n’y a pas d'événement en lien avec la musique électronique qui se fasse sans démarche de réduction des risques, donc forcément, on est un peu en avance.

Tommy Vaudecrane (Président de l'association Technopol - Paris)

Tommy Vaudecrane (Président de l'association Technopol - Paris) rappelle que “le mouvement a été précurseur sur le sujet de la prévention des risques, notamment grâce aux “free party” et à l’association Technoplus. Aujourd’hui c’est un standard, il n’y a pas d'événement en lien avec la musique électronique qui se fasse sans démarche de réduction des risques, donc forcément, on est un peu en avance.” 

Des solutions, parfois coûteuses et des difficultés

Aujourd’hui, les organisateurs bénéficient d’une certaine expérience et le sujet, qui n’est pas tabou dans ce milieu, est l'objet de nombreuses discussions et d’échanges. Résultat : de nombreuses actions sont mises en place et de nouvelles solutions innovantes voient le jour.

Jérémie Desmet (Directeur du Cargö et de NDK Festival - Caen) fait la liste de certains dispositifs mis en place :  L’année dernière, nous avons été l’un des premiers festival à utiliser l’application SAFER qui permet de signaler les comportements déplacés, nous allons renouveler la démarche cette année. Nous avons fait appel à l’association “tu n'es pas seule” qui propose un accompagnement psychologique des victimes et qui interviendra sur le festival. Il y aura également des bénévoles qui effectueront des maraudes pendant les soirées.” 

Lors de nos soirées, j’aimerais mettre en place des “safer places”. Ce sont des endroits où les gens peuvent se reposer et se sentir en sécurité, quel que soit le problème qu’ils rencontrent.

Zélie Jeanne-Le Guern (DJ/productrice - Co Présidente de l'association Vnion - Caen)

De son côté,  Zélie Jeanne-Le Guern (DJ/productrice - Co Présidente de l'association Vnion - Caen) explique que “c’est un sujet qui est central. Lors de nos soirées, j’aimerais mettre en place des “safer places”. Ce sont des endroits où les gens peuvent se reposer et se sentir en sécurité, quel que soit le problème qu’ils rencontrent. En parallèle, nous sommes dans une démarche de formation pour pouvoir apporter une première réponse, bien accueillir les personnes en difficultés et les orienter vers des personnes compétentes si besoin. Pour l’instant, cette démarche commence à se mettre en place, mais nous manquons de moyens.”

Pour les associations les plus modestes, la réduction des risques se heurte cependant à un problème de moyens et d’accompagnement : pour Thomas Aguirregabiria et Ludovic Jumel (Collectif Ladacore - Caen), “il y a des initiatives qui sont les bienvenues, comme les protections auditives fournies par des associations. Mais sur le sujet des éthylotests, par exemple, il nous est très difficile de nous en procurer gratuitement, et cela coûte cher. Pour ce qui est des grands rassemblements, la présence de brigades pour prévenir les agressions ou les faits de harcèlement est vraiment une bonne initiative.”

“Notre métier, c’est de proposer de belles fêtes tout en faisant en sorte que tout se passe bien. Ça demande des moyens humains et financiers importants. On préfère dire au public ce qu’il a le droit de faire, plutôt que de rappeler les interdits. Mais ce n’est pas si simple. La question de la prévention n’est pas nouvelle dans le milieu des musiques électroniques." ajoute Jérémie Desmet (Directeur du Cargö et de NDK Festival - Caen).


Les piqûres : un problème difficile à combattre

Reste le délicat problème des piqûres et de la soumission chimique qui a fait la une de l’actualité plus tôt dans l’année. Si ce sujet n’est pas, lui non plus, propre au monde de la musique électronique, il n’en reste pas moins une préoccupation importante. Gabriel Legrand qui travaille au Portobello Rock Club à Caen raconte :Il y a eu une affaire de GHB dans notre salle. Évidemment, à la suite de ça, nous avons mis en place des actions. Nous avons fait de l’affichage, nous proposons des couvercles pour les verres, il y a une équipe de sécurité et nous avons un système de vidéo surveillance. Malheureusement, c’est très compliqué de détecter ces comportements. Depuis la rentrée, nous n’avons pas eu de problème, mais on reste vigilant."

Le vrai problème c’est la soumission chimique, ça existe depuis longtemps, et plutôt dans un cadre privé que dans des lieux festifs.

Pour Cindie LE DISEZ et Marion DELPECH (Association Actright - Paris)

Pour Cindie LE DISEZ et Marion DELPECH (Association Actright - Paris), il faut aussi prendre un peu de recul : “C’est vrai qu’on en a beaucoup parlé, c’est sûrement lié à la libération de la parole, notamment des femmes, car se sont elles qui sont le plus concernées. Le problème des piqûres, c’est un peu compliqué car on a des difficultés à relier l’acte de piquer à une injection de produit, voire à une agression. Le vrai problème c’est la soumission chimique, ça existe depuis longtemps, et plutôt dans un cadre privé que dans des lieux festifs.”

Vous l’aurez compris, la réduction des risques est un sujet qui est pris très au sérieux dans le monde de la musique électronique. Pour l’ensemble des personnes que nous avons rencontré, une fête techno n’est pas plus risquée qu’une autre.



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