Vous avez peut-être déjà entendu parler de l'acronyme ZAN - pour zéro artificialisation nette. C'est une politique qui vise à réduire l'étalement urbain afin de préserver les sols, la biodiversité mais aussi lutter contre les problèmes de ruissellements. Problème : la Normandie est l'une des régions françaises qui artificialise le plus son territoire alors que sa population baisse...
Un joli petit pavillon, pas trop loin de la ville, du travail, de l’école des enfants et juste à côté d'un centre commercial, c’est le rêve de beaucoup d’entre nous. Mais il a un inconvénient majeur : l’étalement urbain incessant, au détriment de terres agricoles, souvent riches de forêts, d’espaces naturels dont nous avons aussi besoin. Alors, ce modèle est-il le seul possible ? À Rouen, on veut croire que non.
Un écoquartier à Rouen malgré le spectre de Lubrizol
À un kilomètre à peine de Lubrisol, la municipalité construit un écoquartier. Pas vraiment l’endroit rêvé pour vivre, d'autant que le terrain, pollué, est situé près de l'autoroute.
"On avait ici auparavant des emprises ferroviaires et des entrepôts", explique Bertrand Masson,
Directeur de l'Aménagement et des Grands Projets de la Métropole Rouen Normandie et de la Ville de Rouen. "On aura à la place une mixité de logements, des bureaux, des commerces et des services à destination des habitants."
À Rouen rive gauche, l'écoquartier Flaubert poursuit ainsi sa construction, malgré l'incendie de Lubrizol et le passé industriel du site.
Venir dépolluer un sol, c’est plus cher que quand on est en expansion urbaine sur de la terre agricole, où l'on a souvent des sols considérés comme propres.
Bertrand Massonà France 3 Normandie
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L'artificialisation des sols est l'une des causes de la perte de la biodiversité. Comment la Normandie s'engage à protéger ses sols ?
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©F3 Normandie
30% des 90 hectares dévoués à la nature
Paradoxalement, les friches restent les rares terrains où l’on peut encore construire en ville, faute de choix. L’alternative, c’est l’étalement, le modèle du pavillon en périphérie. Un modèle dépassé pour cet urbaniste.
Tirer une route pour aller jusqu’à un endroit, un peu hors de ville, tirer les réseaux d’électricité, d’eau, la ligne de bus, construire une école éloignée, etc. Quand on est en centre-ville, on vient diminuer fortement ces coûts externes. Au global, sur 50 ans de vie d'un projet, un projet en cœur de ville coûte moins cher à la société qu’un projet hors de la ville.
Bertrand Masson
L’enjeu, c’est donc de reconstruire la ville sur la ville. Sans tout bétonner.
On a une demande forte au logement et pour autant il faut qu’on arrête d’artificialiser les sols. Il faut construire, mais en aménageant des espaces verts. Par exemple sur le quartier Flaubert, plus de 30 % des 90 ha seront dévoués à la nature.
Fatima El Khili, Maire adjointe au maire de Rouen, en charge de l'urbanisme, conseillère métropolitaine déléguée Urbanisme Quartier Flaubertà France 3 Normandie
Le projet est ambitieux, mais semé d’obstacles. La métropole de Rouen compte des dizaines d’hectares de friches comme celle-ci, mais le coût de leur réhabilitation empêche parfois leur construction. Une réalité qui ne touche pas que les grandes villes.
"On arrive au terme de cette logique de l'étalement"
Dans les petites communes aussi, il est possible de limiter l’étalement urbain. À Beuzeville (Eure), la municipalité a transformé, par exemple, une ancienne cidrerie industrielle en pôle culturel.
Le pavillon, il ne faut pas oublier qu’il a répondu à un besoin, après-guerre, quand il a fallu reconstruire des logements. Maintenant, on arrive un peu au terme de cette logique de l’étalement.
Christine Boisseau, urbaniste au Conseil d'architecture d'urbanisme et d'environnement de l'Eureà France 3 Normandie
"Dans les centres bourgs. On a accès à des loisirs, à des lieux de divertissement. Ici, la cidrerie, pas loin, une médiathèque. Il s'agit d'offrir un nouveau regard sur ces espaces-là", explique Christine Boisseau, urbaniste au Conseil d'architecture d'urbanisme et d'environnement de l'Eure.
"Ça ne veut pas dire que le pavillon n’a plus d’intérêt, mais, disons que c’est une offre parmi d’autres, et que le centre bourg, lui aussi, propose tout un tas de possibilités et de qualité de vie."
87% des Français en accord avec la ZAN
En Normandie, 2133 ha de surfaces agricoles ou forestières sont artificialisés chaque année en Normandie. C'est l'équivalent d'un terrain de football qui disparaît toutes les quatre heures. Nous sommes la quatrième région française qui bétonne le plus.
88% des sols artificialisés entre 2011 et 2021 étaient originellement des sols agricoles. Ils ont été transformés, très majoritairement, en vue de créer des habitats, mais aussi pour permettre l’installation d’entreprises, de zones commerciales ou d'industries.
Ce développement est encouragé par la plupart des communes. Mais artificialiser les sols c'est aussi rendre le sol imperméable, donc diminuer son rôle de protection face à aux inondations, son utilité pour la filtration des polluants. Un espace naturel transformé en parking, c’est une faune et une flore malmenées. La France s’est engagée à diviser par deux l'artificialisation des sols d’ici 2031 et à la stopper totalement en 2050.
C'est une révolution à rebours de ce qui s’est passé ces dernières décennies. Mais la population semble prête, d’après un sondage Ifop, réalisé en 2023. 87 % des Français se disaient prêts à un ralentissement de la consommation foncière.