Qui a dit que la contraception n'était qu’une histoire de femme ? Depuis environ 5 ans, de plus en plus d'hommes s'intéressent à la question aussi. Un sujet qui reste tout de même tabou et qui est mis sur la table en ces journées mondiales de la contraception et du droit à l'avortement.
Clément est en couple depuis deux ans et demi. Lorsqu'au début de sa relation la question de la contraception se pose, sa copine décide de tenter le stérilet en cuivre. Mais très vite elle ne le supporte pas, des douleurs s'installent régulièrement et puis parfois, elle a ses règles en continue. Elle refuse de prendre la pilule, comme beaucoup de femmes, à cause de ses nombreux effets secondaires dus aux hormones qui ont un impact sur le corps... Ensemble ils réfléchissent à une nouvelle contraception "on utilise des préservatifs?", ils sont d'accord c'est "non". Alors le lexovien de 28 ans décide de se renseigner sur la contraception masculine.
La contraception masculine, j'en avais vaguement entendu parler !
Clément, utilisateur d'un contraceptif masculin
Le jeune homme qui vit désormais à Paris en a "vaguement entendu parler". Il regarde sur internet pour trouver des réponses et puis un jour d'avril 2021, il se rend au sein d'un planning familial : "j'ai posé des questions sur le slip chauffant et l'anneau en silicone, j'ai eu mes réponses et le planning familial m'a prescrit un spermogramme. C'est un test réalisé en laboratoire pour connaître le taux de spermatozoïdes et vérifier dans un premier temps si je suis fertile". Tout va bien pour le normand. Maintenant, ne reste plus qu'à choisir un moyen de contraception : "à part les préservatifs, il n'y a rien en pharmacie ni au planning familial. On m'a redirigé vers une association qui via des tutoriels m'a appris à coudre un slip contraceptif. J'ai aussi acheté un anneau en silicone".
Après quelques essais, Clément opte définitivement pour l'anneau en silicone. Un petit cercle qui permet la remontée mécanique des testicules. Cette technique, tout comme le slip chauffant, permet de remonter la chaleur des testicules de 34 à 37 degrés : "c'est une contraception 100% thermique et surtout naturelle, les spermatozoïdes meurent juste avec la chaleur du corps", explique-t-il. "C'est vrai qu'au début c'est inconfortable, c'est un nouveau paramètre physique mais je me suis habitué, je le porte au moins 15h par jour, c'est le temps minimum qu'il faut pour que ça marche", ajoute le normand.
Et si le jeune homme décide de devenir papa un jour : "j'ai juste à enlever l'anneau, attendre quelques mois et je redeviendrai fertile", confie-t-il avec le sourire.
La contraception masculine... peu connue
Quand on parle de contraception masculine, on pense souvent aux préservatifs et à la vasectomie : "même si c'est encore trop peu, on constate que des hommes de moins de 30 ans se penchent sur la question d'autres méthodes. Il y a 5 ans, aucun homme ne se présentait au planning familial", explique Sarah Kherbouche-Saci, directrice du planning familial de Rouen. Pour elle, le fait que ces hommes se renseignent, c'est déjà une avancée, une vraie prise de conscience. "C'est vrai qu'on n'a rien à leur donner. On leur explique le concept du slip contraceptif et de l'anneau en silicone mais ce ne sont pas des contraceptifs reconnus officiellement alors on les guide vers des associations qui peuvent les aider".
Le slip et l’anneau vendus sans autorisation
En effet, le slip existe depuis 20 ans, inventé par le docteur Roger Mieusset. Le médecin l'a prescrit jusqu'au jour où le ministère de la Santé le lui a interdit. Il y a deux ans seulement, Maxime Labrit a créé un anneau en silicone qui fonctionne de la même manière que le slip. Lui aussi n'a pas l'autorisation de le vendre. Le slip et l’anneau ne sont ni reconnus par la réglementation européenne, ni par l’ANSM, l’agence nationale de la santé médicale en France : "on a quelques études sur le travail d'une pilule contraceptive masculine qui ne verra pas le jour pour le moment mais concernant les autres contraceptifs, on a très peu de données scientifiques, ils ne sont pas reconnus par les autorités" lance le docteur Charles Sambuis, urologue à la clinique du Cèdre (Seine-Maritime).
Mais lorsque Pierre Colin entend ça, ses poils s'hérissent : "l'anneau en silicone est un contraceptif qui fonctionne, il a été retiré du marché car il n'y avait pas de marquage européen CE". Il est co-président de l'Association pour la Recherche et le Développement de la Contraception Masculine mais aussi administrateur d'Entrelac. Cette coopérative travaille pour que l’anneau soit légalisé. Elle doit réunir 1 million d’euro pour payer les études prouvant l’efficacité et la non toxicité de l’objet. La procédure est lancée pour que l'anneau en silicone soit un jour marqué CE. Cela va prendre du temps à la coopérative de réunir le budget et de réaliser les recherches. L'équipe est cependant très optimiste et espère obtenir la certification CE dans cinq ans.
La contraception masculine : un problème de société
Il y a encore quelques tabous et idées reçus à faire tomber sur la contraception masculine. Le docteur Charles Sambuis, urologue à la clinique du Cèdre explique : "déjà la vasectomie, dans les pays du nord, en Angleterre et aux Etats-Unis elle est très répandue. En France, on ne compte qu'environ 1 000 actes par an et moi dans mon cabinet c'est vrai qu'on est passé de 2 patients il y a 10 ans, à 50 aujourd'hui car ils en ont entendu parler, mais à l'échelle national c'est peu. Et puis la vasectomie ne repousse par la fertilité, elle rend stérile, c'est irréversible ".
De son côté, Sarah Kherbouche-Saci directrice planning familial de Rouen, s'offusque :
"On ne va pas se mentir, les parents ne parlent que de préservatifs à leurs garçons. Il faut leur expliquer qu'une fille ne tombe pas enceinte toute seule et que s'ils le veulent, leur fils peuvent aussi faire le choix d'une contraception".
Sarah Kherbouche-Saci, directrice du planning familial de Rouen
Un problème éducatif mais aussi sociétal selon elle : "dans les campagnes de contraception, on ne voit que des femmes, il faut mettre les hommes en avant aussi".
Pierre Colin est d'accord, la charge contraceptive doit être partagée : "il faut en parler davantage dans les cours d'éducation sexuelle à l'école" et il pointe du doigt les médecins également : "il faut les former car ce n'est pas spontané pour un médecin de parler de contraception avec un homme alors qu'avec une femme c'est plus simple, mais il faut leur donner les clés. Et plus ils vont s'intéresser au sujet plus des études seront menées par les scientifiques". Le collectif Entrelac et l'Ardecom interviennent sans cesse auprès du Ministère de la Santé : "L'État ne fait pas ce qu'il doit faire en terme d'égalité entre hommes et femmes sur la contraception, il doit communiquer davantage, c'est sa responsabilité, si on en parle pas, on avancera pas".
En France environ 10 000 hommes utilisent un contraceptif hors préservatifs et vasectomie. "Il y a des spermatozoïdes et des ovules alors si les hommes peuvent agir, pourquoi ne pas le faire ?", estime Clément heureux d'avoir fait ce choix.