Vos plus beaux souvenirs de vacances : le "parler cauchois" de Claudine, dans les années 1950

Tout au long de l'été, on partage vos plus beaux souvenirs de vacances. En 1954, Claudine avait 8 ans. La native de Rouen se rendait dans une ferme du Pays de Caux le temps des vacances. Aujourd'hui encore, le cauchois fait partie de son ADN.

Le sucre trempé dans le calvados, les jeux interminables avec les petits-cousins, la messe du dimanche. Lorsqu'on interroge Claudine sur ses vacances dans le Pays de Caux, les souvenirs déferlent en nombre. Et quand on lui demande si elle se souvient du cauchois, la réponse est sans appel, même si elle se dit incapable de l'épeler  : "bin zar !". C'était au milieu des années 1950, à Froberville, près d'Yport (Seine-Maritime), et la jeune citadine y était totalement dépaysée.

"Ma maman était contente d’emmener ses enfants à la campagne. Elle disait que l’air y était vivifiant !"

Claudine

77 ans

Vacances à la ferme

"J’habitais à Rouen, j’ai toujours habité en pleine ville. J’ai commencé à aller à Froberville en 1954, quand j’avais 8 ans. J’y passais facilement trois semaines. Mes parents me déposaient chez une cousine de ma mère avec mes frères. Ma cousine Blanche, "Blanchette", et son mari Rémi, n’avaient pas d’enfants. Ils avaient l’âge de mes parents. Elle, c’était une femme de la campagne. Pas autoritaire, mais solide. Elle tenait la route ! Son mari était parti à la guerre et c’est elle qui faisait tourner la ferme. Quand il est revenu, il n’était pas blessé, c’était une chance.

Chez eux, je me souviens qu’il y avait des vaches, des poules, des lapins, deux chevaux, un chien et un chat. On allait se promener au bord de la mer, mais je ne me baignais pas, j’avais trop froid… Je passais mon temps essentiellement dans la ferme. Blanchette faisait son beurre elle-même, dans une baratte, avec des feuilles en papier imprimées de son nom. Elle avait un petit rectangle de bois dans lequel elle tassait le beurre, qu’elle tamponnait ensuite avec un dessin de vache. Elle en vendait dans le voisinage, mais aussi au marché d’Yport, le mercredi ou le jeudi matin je crois. Je l’y accompagnais. Elle partait avec un grand panier. A l’intérieur : des œufs, des poules qu’elle plumait et enveloppait dans un torchon, du lait et du beurre frais."

"J’avais trois frères et pas de sœur, alors j’étais contente de jouer avec mes petites-cousines à Froberville."

"A Froberville, je voyais d’autres cousins de ma mère. Henri, qu’on appelait Riton, et Madeleine, avaient cinq enfants de mon âge. Jacques, Françoise, Odile, Jean-Marie… Et j’ai oublié le nom du petit dernier. Et puis il y avait Roberte et Annick. On se partageait les jouets : j’amenais mes poupées de Rouen, j’avais de belles poupées en celluloïd et tout le monde aimait bien. Ensemble, on jouait à la marelle, à la corde à sauter, on jouait à la fermière, au docteur, à la marchande, à la maîtresse d’école, des jeux de cet âge ! Mes frères [nés en 1933, 1944 et 1949] adoraient faire la moisson. Surtout mon petit-frère, Michel. Il conduisait le tracteur. Moi, je ramassais des œufs dans le poulailler."

"La messe, c'était la sortie de la semaine"

"On allait à la messe tous les dimanches. J’ai toujours été croyante et pratiquante. Et en ce temps-là, il y avait des curés partout. J’aimais bien y aller. L’atmosphère n’avait rien à voir avec Rouen. A la ville, c’était plus anonyme, on était nombreux. Mais à la campagne, la messe, c’était la sortie de la semaine. Les gens étaient contents de s’y retrouver. Tout le monde se connaissait, les gens échangeaient les petits potins de la semaine… "Cha va-ti, mamé ? Que d’flotte." On chantait. Et puis, au printemps je crois, il y avait la fête du pain bénit. Le curé bénissait les brioches, et c’était la fête dans tout le village, tout le monde mangeait la sienne."

"On mangeait bien. Le poulet venait de la ferme, le rôti, du boucher, les œufs on les avait, le lapin aussi. Le frère aîné de Blanchette était horticulteur. Il vendait des fruits et des légumes. Alors tout venait de chez lui : les haricots verts, les haricots beurre, les salades… Il y avait aussi des pommes, ils faisaient leur cidre, qu’on coupait avec de l’eau pour la boisson courante. Et la goutte [le calvados, ndlr]. "Une p’tite goutte avant de t’en aller !". J’en ai bu : on prenait un sucre qu’on trempait dans le calvados, le "canard". C’était bon ! Ce n’était pas très coutumier, plutôt le dimanche. Les hommes, par contre, prenaient tous leur rincette, tous les jours."

Des racines familiales cauchoises

"Blanchette et son mari n’avaient pas fait beaucoup d’études, je ne sais pas s’ils étaient allés au bout de leur certificat d’études. Ils étaient fermiers de pères en fils et de mères en filles. On parlait cauchois avec l’accent. Ce n’était pas si différent du français normal… "Kiksé que c’gars-là qui passe, y v’nait vous embêter ?"

A la ferme, il n’y avait pas l’eau courante. On allait chercher l’eau dans le bas de la cour. Evidemment, il n’y avait ni baignoire, ni douche. On se lavait dans une cuvette en faïence, très jolie d’ailleurs, avec des motifs, et un broc assorti. Je faisais chauffer l’eau parce-que me laver à l’eau froide, ça ne m’allait pas… Après, la famille s’est émancipée davantage et le confort s’est amélioré. Mais en 1954, c’était comme du camping ! Même si je dormais dans une chambre d’amis."

"Je suis passée à Froberville, plus tard. Et ça n’avait pas tellement changé."

"Je suis passée à Froberville, plus tard. Toute une partie de ma famille vit toujours dans le Pays de Caux. J’ai eu l’occasion de revoir ce que c’était devenu. Et ça n’avait pas tellement changé ! La petite maison était toujours pareille, la plantation aussi, la cabane du chien aussi. Une anecdote importante : mon frère, Michel, a épousé la fille du maire de Froberville, Mireille. Elle était la fille unique de cultivateurs. Michel et Mireille ont fini par partir vivre en banlieue parisienne."

Retour en 2023. Claudine garde de bons souvenirs de ses séjours à la ferme. Mais en parle sans tristesse aucune : "C’était sympa. J’étais une citadine, j’aimais beaucoup l’école et mes copines. J’étais contente d’y aller, mais aussi contente de rentrer !"

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